"Rana Toad", ça se mange?

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samedi 29 avril 2017

Bons baisers de la grosse barmaid (Dan Fante) et Juste après la pluie (Thomas Vinau)

  Il y a un genre que je n'ai pas encore abordé depuis la création du blog. La poésie contemporaine. Ah je vous vois venir bande d'esprits étriqués! C'est comme l'art contemporain, des gens qui écrivent quelques mots au sens hermétique (certainement sous l'effet du LSD, tous des drogués!) et qui appellent ça de la Poésie. Les deux recueils que je vais vous présenter échappent à ce préjugé, sinon je n'aurais pas pris la peine de les lire et encore moins le temps d'écrire quelques lignes à leur sujet.

Bons baisers de la grosse barmaid - Poèmes d'extase et d'alcool de Dan Fante.

Pour qui est très familier de la littérature américaine du XXème siècle, le nom de John Fante ne devrait pas être totalement inconnu. Sans John Fante, il n'y aura peut-être pas eu de Charles Bukowski. En voici deux qui ont eu l'art d'être des perdants mais qui n'en ont pas moins réconforté les âmes cabossées qui n'ont pas su, elles, exprimées leurs petites douleurs quotidiennes.
Mais je digresse. Le premier recueil dont j'avais envie de vous parler est signé du fils de John Fante, Dan. Écrits entre 2003 et 2008, ces poèmes marquent pour l'auteur l'autre versant, plus serein, plus posé d'une vie très troublée entre alcoolisme, divorces et tentatives de suicides. Il a écrit avant cela des romans semi-autobiographiques (l'ombre du père?), des nouvelles et des pièces de théâtre. Il est un des auteurs phares des éditions 13e Note dont la ligne éditoriale se spécialise dans l'expression d'un réalisme très cru. J'espère que je ne caricature pas en écrivant ceci.
On retrouve cette crudité dans ces poèmes simples, terre-à-terre, linéaires, à la façon dont on raconte nos mésaventures à nos amis. Mais en profondeur ils révèlent un refus des conventions, des moules qui nous sont imposés. Dans la préface accordée au lecteur français, Dan Fante, parle des soucis engendrés par l'écriture d'un roman sur plusieurs mois et l'aspect plus tranquillisant de sa poésie qui lui permet d'exprimer ses idées brièvement, de façon succincte et précise, celles qui ne méritent par forcément un long processus de réflexion.Plusieurs thèmes reviennent: ses frasques sentimentales, amoureuses ou sexuelles, son métier d'écrivains, son frère et son père avec qui il n'est pas toujours très tendre ("mon taré de frangin")... parfois grande gueule qui ne mâche pas ses mots, parfois gros nounours touchant, sans omettre ce zeste d'humour désabusé qui nous fait sourire à l'évocation de choses qui ne sont pas censées faire sourire.

Juste après la pluie de Thomas Vinau.

J'ai déjà laissé entrevoir un aperçu de ce que peut écrire Thomas Vinau dans la catégorie des citations qui ponctuent les pages de ce blog. J'avais choisi de citer un extrait de Nos Cheveux blanchiront avec nos yeux (chez l'éditeur Alma), le passage où il donne le biberon à son bébé en écoutant l'ultime album de Vic Chesnutt, qui s'est suicidé ("Il y a comme une contradiction entre toute cette vie entre mes bras et toute cette mort dans la musique").
Présenté comme un "roman-poésie" en haut de la première de couverture, Juste après la pluie est une succession de courts poèmes. Avec un art de la concision maîtrisé l'auteur, passe avec des mots simples d'une émotion à une autre, voire en exprime deux ou plusieurs à la fois. Humour, tendresse, mélancolie mais aussi des sentiments plus sombres. Parmi tous ces petits poèmes, tout ne peut pas plaire, mais je vous assure qu'il y en aura suffisamment pour la sensibilité de chaque lecteur. Plusieurs dizaines m'ont vraiment plu et vous avez déjà pu en voir quelques uns publiés en "Citations", le reste étant en attente.

Bons baisers de la grosse barmaid - Poèmes d'extase et d'alcool, Dan Fante, 13ème Note/Points. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Patrice Carrer.
Juste après la pluie, Thomas Vinau, Alma.

lundi 29 juin 2015

Collection Neonoir (Gallmeister): Pike (Benjamin Whitmer), Exécutions à Victory (S. Craig Zahler) & L'Enfer de Church Street (Jake Hinkson)


L'idée d'une telle collection traînait depuis longtemps dans la tête d'Oliver Gallmeister. En 2007, elle fut vite abandonnée malgré l'achat et la traduction de quatre titres. Les années passent et la maison Gallmeister se fait une place de plus en plus reconnue dans la littérature américaine et un genre bien spécifique, le nature writing. La Collection Noire d'autre part permet au public français de faire connaissance entre autres avec Ross Macdonald, auteur des années 50, et aussi Craig Johnson, créateur du personnage de Walt Longmire.
En 2011, le premier roman de Benjamin Whitmer, Pike, est un véritable choc pour l'éditeur et même s'il ne s'inscrit pas tout à fait dans ses collections, il décide de le publier en français l'année suivante. L'auteur et l'éditeur communiquent alors beaucoup et se conseillent mutuellement des romans noirs. Ce genre dont les racines remontent à Dashiell Hammett et Raymond Chandler et dont l'incarnation française fut la prestigieuse Série Noire créée par Marcel Duhamel pour Gallimard, a connu de nombreuses mutations. Avec Neonoir, Gallmeister vous propose d'en découvrir l'incarnation la plus contemporaine.  

N°0 Pike de Benjamin Whitmer

Un numéro 0, c'est plutôt inhabituel. Et pourtant, en l'occurrence, c'est logique. Pike, on l'a dit a déjà bénéficié d'une première édition en 2012. Il ressort pour inaugurer cette collection, tel un symbole ou un remerciement envers Benjamin Whitmer qui en est littéralement à l'origine.
Douglas Pike est un ancien truand qui inspire la crainte à toute la faune des bas-fonds. Après de longues années d'errance pendant lesquelles il a tenté d'étouffer la violence de son existence, il revient à Nanticote, sa ville natale dans les Appalanches. Son passé familial n'ayant pas échappé au sordide, il apprend de façon brutale l'existence de Wendy , sa petite-fille de douze ans.
Derrick Krieger est lui aussi peu fréquentable. Flic pourri, maquereau et dealer, il va croiser le chemin de Pike et semble avoir un intérêt particulier, voire malsain, envers Wendy.
Accompagné de son ami Rory, Pike ne reculera devant aucun obstacle pour découvrir quel est le lien entre Wendy et Krueger. La confrontation promet d'être impitoyable,
Rude, cru, brutal, Pike ne manque pas de prétextes aux âmes sensibles d'être remuées. Cependant, au milieu du sordide, en grattant un peu, on trouve un éclat d'humanité, poétique et fascinant, qui suffit à contrebalancer cette violence.

N°1 Exécutions à Victory de S. Craig Zahler

L'inspecteur Jules Bettinger ne mâche pas ses mots et Robert Fellburn, homme d'affaires venu faire une
déposition en tant que victime en fait les frais. La réalité que l'inspecteur lui dévoile est trop dure à gérer, et son suicide n'éclabousse pas que les murs du commissariat.
La responsabilité de la mort de Fellburn, ex-mari de la sœur du maire, en incombe donc à Bettinger qui ne peux pas rester impuni. On lui propose donc comme alternative la suspension ou la mutation à Victory, ville perdue du Missouri ou le crime ne semble avoir aucune limite.
A peine arrivé, on colle à Bettinger un partenaire, Dominic Williams, qui ne semble pas plus propre que les louches confrères que l'inspecteur devra côtoyer. Les affaires de routine (pour Victory, c'est un euphémisme...) vont laisser très vite la place à un véritable enfer urbain.
Ce N°1 de la collection Neonoir a pour point commun avec Pike une violence crue et des personnages durs et sans concessions. Cependant il s'en éloigne avec un humour quasiment absent du roman de Benjamin Whitmer.
Les pages d'Exécutions à Victory sont truffées de scènes et de dialogues percutants nuancés par cet humour froid et nonchalant qui séduiront ceux qui imagineraient une fusion entre Charles Bukowski, James Ellroy et les frères Coen.

N°2 L'Enfer de Church Street de Jake Hinkson

Le passé de Geoffrey Webb est troublé d'événements que sa conscience n'a jamais vraiment effacés. Alors qu'il se rend de nouveau sur le lieu de ses méfaits, à savoir Little Rock en Arkansas, il a la mauvaise surprise de se faire braquer dans une station service.
Cependant, il ne va pas jouer la victime jusqu'au bout et se servir de cet imprévu pour prendre son braqueur en otage. Une double ironie puisque Webb était un homme d'église et qu'il va forcer celui qui l'accompagne à écouter sa confession de plusieurs heures en refusant de stopper son véhicule.
Nous découvrons alors un Webb plus jeune, arriviste et manipulateur qui verra ses attentes tomber à l'eau à cause d'un shérif plus manipulateur et plus dangereux que lui.
L'Enfer de Church Street est un court roman nerveux où les cyniques et les truands se servent des plus faibles. Mais sous la plume sarcastique de Jake Hinkson, les plans les mieux huilés peuvent déraper très vite...


Pike, Benjamin Whitmer, Gallmeister, coll. "Neo Noir" n°0, 16€. Traduit de l'américain par Jacques Mailhois.
Exécutions à Victory, Gallmeister, coll. "Neo Noir" n°1, 18€. Traduit de l'américain par Sophie Aslanides.
L'Enfer de Church Street, coll. "Neo Noir" n°2, 15€. Traduit de l'américain par Sophie Aslanides.


samedi 16 mai 2015

River Blues (Bill Cheng) et Il était une fois Morris Jones (Ran Walker)


 River Blues de Bill Cheng

 Robert Lee Chatham n'est qu'un enfant lorsque la grande crue de 1927 oblige ses parents et lui à quitter le comté d'Issaquena. Déjà sous le coup d'un premier drame qui a laissé sa mère Etta brisée, ils sont vite séparés.

Robert est recueilli dans un bordel tenu par Miss Lucy, l'hôtel Beau-Miel, où il fera la rencontre du pianiste Eli Cutter, d'Augustus Duke qui veut se faire de l'argent sur le dos de ce dernier et de la charmante Emaline.

Mais ce ne sera qu'une partie du roman, les événements le pousseront malgré lui à l'errance permanente marquée irrémédiablement par d'autres personnages, qu'ils soient trappeurs canadiens ou d'anciennes connaissances, elles aussi ravagées par les années. Autour de son cou, une amulette offerte par Eli Cutter qui le sauvera peut-être d'une malédiction sous les traits d'un Chien qui le poursuit (référence à peine dissimulée à la chanson de Robert Johnson, Hellhound on my Trail.)

Traversant une période où le progrès commencent à s'imposer, River Blues s'imprègne de cette atmosphère du Sud hantée par de fantomatiques notes jouées par de mythiques bluesmen que Bill Cheng ne manque pas de citer dans ses remerciements.

Il était une fois Morris Jones de Ran Walker

Le blues reste intemporel et son influence indélébile dans la musique contemporaine est indéniable. Eric Clapton, les Rolling Stones ou Led Zeppelin n'aurait jamais existé si un nombre incalculable de bluesmen des années 1920-1930 n'avaient pas sillonné avec leur guitare les coins les plus reculés des Etats-Unis.

Certains ont eu la chance d'être enregistrés et même d'être reconnus mondialement, mais certains sont restés obscurs. Morris Jones, le personnage de Ran Walker est le symbole fictionnel, voire l'archétype de ces vieux bluesmen en voie d'extinction.

Le roman se divise en trois parties distinctes et à travers le regard de trois personnages: Coltrane Washington, un écrivain se voit confier l'élaboration d'un article sur Morris Jones et part à Oak Bluff le rencontrer ; le jeune Jason, tout à ses découvertes adolescentes, trouvera dans la musique de Jones une amie insoupçonnée ; et le propre fils de Morris Jones, Ike, recevra des nouvelles de son père après une quarantaine d'années de silence.

Tout au long du vingtième siècle, des spécialistes (notamment Alan Lomax et William Ferris) ont effectué un impressionnant travail de terrain et d'archivage, afin que ces musiciens ne tombent pas dans l'oubli, qu'il soient reconnu comme les racines d'une partie du patrimoine culturel américain voire mondial. Avec Il était une fois Morris Jones, Ran Walker rend à son tour hommage à ce qui est plus qu'un folklore, une expression humaine de l'universel. 


River Blues, Bill Cheng, Rivages, 21,50€. Traduit de l'américain par Cyrielle Ayakatsikas.
Il était une fois Morris Jones, Ran Walker, Autrement, 18 €. Traduit de l'américain Philippe Loubat-Delranc. 

En hommage à B.B. King (1925-2015) 

lundi 4 mai 2015

Le Parcours du combattant de Michael Malone

Récemment, la populaire émission littéraire La Grande Librairie a organisé un grand sondage, "Le livre qui a changé votre vie" ou quelque chose d'approchant. J'ai été un peu déçu de voir le résultat, je l'ai trouvé très convenu. Cette obsession des classiques m'ennuie un peu, non pas qu'ils soient sans intérêt, je ne les ai pour la plupart jamais lus. Ils ont forcément quelque chose d'intemporel, d'indispensable, mais je soupire depuis des années devant le nombre incommensurable de livres à lire, je n'aurai tout simplement plus le temps de me pencher sur beaucoup de classiques. Il est vrai qu'à un moment de ma vie, j'ai bouffé d'une traite tous les romans de Charles Dickens, j'en ai même lu certains plusieurs fois... une véritable monomanie qui a duré un bon temps, mais je n'ai depuis plus ressenti le besoin de lire toute la production d'un auteur classique ou contemporain.

Enfin, bref, pour en revenir à ce sondage... dans la vie d'un gros lecteur, il n'y a pas qu'un seul livre à posséder ce charme presque surnaturel, cette qualité inoubliable. Quelque soit la longueur de la liste que chacun peut faire de ses livres préférés, je ne pense pas qu'ils changent quoi que soit. Pour ma part, tous ces bouquins qui ont alourdi mes poches et allégé mon quotidien ainsi que tous les personnages qu'ils renferment sont plutôt des compagnons de route. Et ils forment ce petit nuage invisible et pourtant si essentiel autour de moi. J'ai découvert par surprise Le Parcours du combattant le jour de sa sortie et j'espérais bien qu'il s'y intègre aussi naturellement que des ouvrages comme Ce que porte la nuit, L'Hôtel New Hampshire, J'ai rêvé de courir longtemps, Room, etc.

Michael Malone est un de ces auteurs américains au parcours inhabituel et méconnu en France que la maison Sonatine a maintenant l'habitude de dénicher. Il est, pour l'anecdote, très connu aux Etats-Unis pour avoir activement participé, dans les années 90, à l'écriture d'un soap-opera intitulé One Life to Live (diffusé en France sous le titre On ne vit qu'une fois). Sur une dizaine de romans à son compteur, seulement deux polars ont été publiés en France: Juges et Assassins chez Points et First Lady chez Seuil. Apparemment, ils sont passés inaperçus. Il est fort probable qu'il en soit autrement avec Le Parcours du combattant.

Raleigh Whittier Hayes est un assureur à la quarantaine bien entamée. Dans la communauté de Thermopyles, en Caroline du Nord, tout le monde se connaît plus ou moins depuis l'enfance, et tout ne semble que routine ronflante. Raleigh lui-même vit dans l'illusion bien confortable qu'il contrôle le moindre détail de sa vie. Le père de Raleigh, Earley, va chambouler tout ça en s'échappant de l'hôpital où il passait des examens. Que lui a-t-il pris, au mépris de sa santé, d'acheter une Cadillac toute neuve et d'embarquer une adolescente noire avec lui pour se rendre à la Nouvelle-Orléans? Et surtout pourquoi laisse-t-il à Raleigh cette cassette (audio, le livre a été écrit au début des années 80) pleine d'instructions bizarres? Aussi farfelues que soient ses exigences, Raleigh va obtempérer sauf que tout sera loin d'être simple... La Fortune, les coïncidences et les malentendus vont conspirer pour rendre sa quête imprévisible et chaotique. 

Mais bien plus qu'une suite de rebondissements, dont je vous laisse la surprise, les aventures "sur la Route" (au plus grand épanouissement de Mingo Sheffield) amorcées par Earley sont autant de pièces d'un subtil puzzle, plein de détails placés mine de rien prennent leur sens peu à peu. Malone n'oublie pas de nuancer le divertissement d'éléments sociologiques typiques du sud des Etats-Unis et de thèmes universels comme la filiation, le racisme ou le besoin à défaut de changer les gens, de réparer les erreurs du passé.  

Je souhaite aussi préciser que ce véritable pavé de plus de 900 pages renferme quantité de personnages secondaires, certains d'une puissance comique irrésistible (Mingo Sheffield, ce voisin simplet mais d'une extrême gentillesse, Aura, la femme activiste de Raleigh, Gates, son demi-frère irresponsable, débrouillard et toujours de bonne humeur, Simon Berg, vieux mafieux hypocondriaque...), d'autres plus graves (la tante Victoria, figure lucide de cette grande famille dont les oncles, tantes et cousins sont un peu trop optimistes, Flonnie Rogers, la sévère gouvernante, Jubal)... il serait criminel de tous vous les dévoiler et puis de toute façon, il est inutile de rendre cet article plus long qu'il ne l'est déjà. Il suffira de dire que quelque soit leur fonction dans le roman, tous s'avèrent plus complexes qu'à première vue et qu'ils s'entremêlent dans une épopée addictive, hilarante et profondément humaine.

J'avais dépassé la moitié du roman, quand je me suis rendu compte que Raleigh finit par s'effacer afin que les autres personnages s'expriment jusqu'à constituer le véritable coeur du roman. Pour utiliser une métaphore adéquate et jazzistique (Malone gratifie les mélomanes d'une bande son constituée de morceaux traditionnels et de standards de jazz), Raleigh est un peu la ligne de basse, méthodique et obstinée, autour de laquelle s'enroulent et virevoltent les autres instruments/personnages. Et c'est à ce moment là que ça m'a frappé, j'ai compris pourquoi j'allais définitivement ranger Le Parcours du combattant parmi les compagnons de route dont je parlais dans mon introduction. Il m'a paru très similaire aux Papiers posthumes du Pickwick Club, premier roman de Dickens, suite de sketches peuplés de personnages inoubliables comme le domestique Sam Weller, inséparable de Samuel Pickwick comme l'est Mingo Sheffield de Raleigh Hayes. Et ce n'est pas l'unique ressemblance: j'ai retrouvé la même bonhommie, la même bienveillance en lisant certaines scènes, les titres des chapitres sont descriptifs à la façon des romans picaresques et qualifier les personnages de Malone de dickensiens n'est absolument pas tiré par les cheveux.

Publié à l'origine, il y a trente deux ans, Le Parcours du combattant, roman complet et indémodable, s'adresse à tous ceux qui ont aimé, pour citer du plus contemporain que l'auteur victorien, les romans de  John Irving, ceux de Richard Russo, La Conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole ou encore Karoo de Steve Tesich. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ses titres, vous pouvez toujours commencer par le périple de Raleigh et les lire ensuite! Je finis et vous laisse respirer en concluant: il était temps que l'on découvre (merci Sonatine!), je n'ai pas peur des mots, l'un de ces rares bijoux denses, drôles et inoubliables.

Le Parcours du combattant, Michael Malone, Sonatine, 23€. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Caroline Nicolas.

Merci à Marie et Clémence de chez Sonatine. Et un merci très spécial à Margaux ("comme le Bordeaux!") qui est à l'origine de mon retour sur ce blog après plus d'un an d'absence.

samedi 25 avril 2015

L'homme qui tue les gens (Stan Jones) et Aucun homme ni dieu (William Giraldi)


L'homme qui tue les gens de Stan Jones

innukakknaaluk (i-niou-keuk-nâ-leuk): l'homme-qui-tue-les-gens; un personnage récurrent du folklore de l'Alaska du Nord-Ouest.

Ce sont les prestigieuses éditions du Masque qui nous présentent pour la première fois Stan Jones et son personnage déjà récurrent (le cinquième volet de la série est actuellement en cours d'écriture). Nathan Active est de descendance Esquimau, ou plutôt Inupiat (la distinction est expliquée par l'auteur en début d'ouvrage), mais a été adopté très tôt par des Blancs. Ce sera l'une des particularités de Nathan: élevé à l'occidentale, la culture de ces ancêtres ne lui est pas familière. State trooper officiant dans le calme village de Chuchki, il espère obtenir sa mutation et revenir à Anchorage, la capitale plus riche en événements.

George Clinton, un jeune homme d'une vingtaine d'années est retrouvé mort et tout porte à croire que c'est un suicide. Pour certains c'est une malédiction qui continue dans la famille, mais plusieurs détails chiffonnent Active et il n'exclut pas l'idée d'un meurtre déguisé. Surtout qu'il aura l'occasion de découvrir dans la foulée un second cadavre apparemment suicidé. Dans la petite ville de Chuchki, deux suicides si rapprochés est une statistique aussi rare qu'une canicule.

Au-delà de l'intrigue policière, L'homme qui tue les gens est une peinture de l'Alaska contemporain toujours très ancré dans la culture inupiat. On est immédiatement charmé par une galerie de personnages secondaires pour la plupart attachants. L'humanité chaleureuse qu'ils portent en eux vous fera oublier le vent glacial, cet autre personnage impitoyable et omniprésent.


Aucun homme ni dieu de William Giraldi

Il y fait très froid, mais prolongeons le séjour en Alaska, si vous le voulez bien. Aucun homme ni dieu n'est pas le premier roman de William Giraldi, par contre c'est le premier publié en France.

Alors que Stan Jones plaçait son roman dans une bourgade certes éloignée de la capitale Anchorage, mais encore dotée d'éléments appartenant à la civilisation moderne, Giraldi nous en éloigne un peu plus.

Les loups viennent de faire leur troisième victime dans ce minuscule village reculé appelé Keelut. Medora Slone envoie une lettre suppliante à Russell Core, spécialiste des loups. Elle lui demande de retrouver les os de son fils emporté par les bêtes. Core accepte, mais Medora lui a-t-elle dit la vérité?

Le père, Vernon Slone, parti en guerre, revient suite à des blessures. Il n'a pas été prévenu de la disparition de son fils et ce qu'il découvre en revenant va déclencher chez lui une violence incontrôlable.

Sombre, brut et sauvage, Aucun homme ni dieu transporte le lecteur dans un lieu où la loi des hommes n'a plus beaucoup d'importance.

L'homme qui tue les gens, Stan Jones, Editions du Masque. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Frédéric Grellier.
Aucun homme ni dieu, William Giraldi, Autrement. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Mathilde Bach.

mercredi 12 mars 2014

Un feu d'origine inconnue (Daniel Woodrell), Le Grand cabaret du professeur Fabrikant (Yirmi Pinkus) et Nous sommes la meute pas le troupeau (Sandrine Bourguignon)

Les semaines passent et je ne remplis pas les pages de ce blog. Mais ça ne veut pas dire que je n'ai rien lu d'intéressant. Malheureusement, beaucoup de temps a déjà passé depuis que j'ai terminé les trois livres dont je m'apprête à parler. Ne vous étonnez pas si ça parait approximatif, je vais essayer de me remémorer le maximum. 
Comme vous pouvez le constater, je garde le format de tir groupé instauré dans ma série sur la Rentrée Littéraire d'août/septembre/octobre 2013, avec toujours trois romans d'origines différentes (un français, un anglo-saxon et un étranger). Mais ne vous attendez pas à plusieurs parties et à un classement pour les sorties de ce début d'année 2014. Par contre, j'ai l'intention de faire des thématiques dont je peux vous révéler maintenant les deux prochaines: d'une part une sur le polar (suite à des circonstances professionnelles, je vais être amené à en lire beaucoup plus que pendant ces deux dernières années, et je ne vais pas m'en plaindre!) et d'autre part, et c'est une véritable première pour moi, sur de la poésie contemporaine. 

Un feu d'origine inconnue de Daniel Woodrell

Pour ceux qui lisent mes pages de temps à autres, vous ne serez pas étonnés de voir un ouvrage publié par Autrement. Un feu d'origine inconnue place son cadre dans le Missouri, plus précisément dans la petit bourgade de West Table qui fut traumatisée par une explosion tragique en 1928. Comme le titre français l'indique, la responsabilité de l'événement ne fut jamais vraiment établi. Mais tout au long du roman, le lecteur va pouvoir mettre en ordre les pièces d'un  puzzle que les différents personnages lui offriront. A commencer par Alma (mentionée dans le titre original, The Maid's Version) qui raconte, quelques trente ans plus tard, ce qu'elle sait à son petit-fils Alek. Notamment, les frasques amoureuses de sa soeur avec entre autres un notable de West Table.

On est très proches d'un Sherwood Anderson et de son Winesburg, Ohio et dans une moindre mesure le fossé entre les classes très présent rappellent un peu Zola. Daniel Woodrell a su tout bien ficeler entre descriptions crues, multiplications des points de vue et petites énigmes dont les solutions sont repoussées avec habilité. 

Il faut noter que cette explosion est un fait divers qui s'est réellement déroulé et que la famille de Daniel Woodrell était elle-même concernée. Serait-ce donc une sorte d'exorcisme du passé? Tout comme dans le roman (du coup autobiographique en partie), cette tragédie ne fut jamais vraiment expliquée et l'enquête chaotique ainsi que le silence des personnes impliquées n'a fait que brouiller les pistes.
Daniel Woodrell a signé plusieurs romans déjà et il m'était inconnu avant que lises celui-ci. Enfin, pas tout à fait, car j'ai réalisé en visionnant une de ses interviews qu'il est aussi l'auteur de Winter's Bone, Hiver de glace en français (Rivages), un de ces ouvrages que j'avais repéré il y a quelques années mais que je n'ai toujours pâs eu l'opportunité de lire.

Pour compenser ces lignes un peu trop vagues à mon goût, je vous invite à lire cet article ainsi qu'à visionner cette video (seulement si vous comprenez sans sous-titres).

Le Grand cabaret du professeur Fabrikant de Yirmi Pinkus

Grasset nous propose le premier roman d'un illustrateur/caricaturiste/auteur de BD israélien. L'histoire d'un théâtre amateur et itinérant entre la fin du 19ème siècle et la Seconde Guerre Mondiale.

C'est Markus Fabrikant qui, pour sauver des orphelines de la pauvreté a préféré les emmener sur les routes de Roumanie et de Pologne, pour des représentations de tableaux vivants autant ludiques qu'instructifs. Sentant la mort approcher, il léguera ce qu'il faut qualifier plus de bien culturel que d'affaire commerciale à son neuveu Herman. Mais cela provoquera l'indignation dans la famille, plus précisément celle de Zofia, la propre mère d'Herman et belle-soeur du professeur qui pensait reconvertir le succès établi par le théâtre au fil des décennies en une affaire plus lucrative encore, c'est-à-dire moins culturelle. Indignation qui se transformera en rancoeur implacable, source de toutes les bassesses.

Les personnages féminins ont la part belle puisque l'on suit surtout le staff du théâtre. Parmi elles, Mimi Landau, peu incline à la carrière sur planche, se révèle plus efficace au poste de secrétaire comptable. La rivalité entre Yetti et Kreindl qui partage le public en deux, crée un dynamisme non négligeable au succès de la troupe. Je ne vais pas toutes les énumérer, je vous laisse la découverte des autres.
Illustré par l'auteur lui-même, Le Grand cabaret du professeur Fabrikant est très agréable, d'un style plutôt léger, mais en filigrane, on voit arriver Hitler et ses méfaits. Malgré quelques longueurs, un roman à découvrir.

Nous sommes la meute pas le troupeau de Sandrine Bourguignon

Je ne reculerai jamais en disant que le premier roman de Sandrine Bourguignon, Quelque part dans la nuit des chiens est une petite pépite. Et c'est bien pour ça que je me suis jeté sur le second toujours publié par Sulliver et sa collection "Littératures Actuelles".

Le narrateur et personnage principal c'est un gamin de 16 ans, Moby, surnom qui s'est tellement imposé au vu de son attachement presque amoureux à sa mobylette, La Bleue, à tel point qu'il ne donnera pas son véritable prénom. Agacé par une mère apathique et un père trop occupé à des causes sociales, il décide de se tirer sur les routes en compagnie de sa bonne vieille mobylette et du tout premier livre qu'il a lu, si ce n'est le seul, Peter Pan. Il rencontrera plusieurs personnages qu'il côtoiera plus ou moins longtemps selon les circonstances ou son envie: un couple qui vit en auto-suffisance, Pavel le sans-abri, une petite bande de squatters...

Nous sommes la meute pas le troupeau, est une sorte d'anti-roman d'initiation. On retrouve beaucoup de points communs à ce genre, mais le ton même de Moby, désespéré et basculant dans le je-m'enfoutisme, distord les conventions. Je l'ai parfois compris, parfois il m'a paru agaçant, comme un petit frère qui ne fait pas ce qu'on lui dit. 

Beaucoup plus bavard que Quelque part dans la nuit des chiens, ce second roman s'en différencie de manière radicale ne serait-ce que par son aspect voyageur, on n'est pas dans un huis clos comme l'était le premier. Moby ne veut pas s'enfermer, mais fuir, changer son quotidien. Il répétera par ses paroles et ses actes son aversion pour le monde adulte qu'il ne veut pas intégrer (d'où Peter Pan), malgré l'irréversibilité de la chose. Son discours est contradictoire: aussi énervant que touchant, il est truffé des tics de langage et des exagérations propres aux ados, mais ne laisse pas moins place à la lucidité et même à une certaine poésie.

Il est tout de même un point commun plus que notable entre les deux romans: ces quelques lignes qui entrecoupent régulièrement la narration. On se souvient de ce discours de Nicolas Sarkozy authentique qui faisait écho à la situation de Claire et de ses patients. Cette fois-ci c'est une sorte de manifeste, dont la source est fictionnelle je pense, déclamé par un groupe d'ados qui se réfugie dans un phare.

Pour tout vous dire, je n'ai pas autant aimé Nous sommes la meute pas le troupeau que Quelque part dans la nuit des chiens. Je ne peux pas reprocher à Sandrine Bourguignon de faire quelque chose de différent. Ceci dit, ma légère déception ne m'a pas empêché de déceler les qualités plus qu'évidentes de ce second roman et ne m'empêchera pas de suivre la production future de l'auteure.

Un feu d'origine inconnue, Daniel Woodrell, Autrement, 15€. Traduit de l'américain par Sabine Porte.
Le Grand cabaret du professeur Fabrikant, Yirmi Pinkus, Grasset, 22€. Traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz.
Nous sommes la meute pas le troupeau de Sandrine Bourguignon, Sulliver, coll. "Littératures Actuelles", 15€.

dimanche 1 décembre 2013

Rentrée Littéraire 2013 - 11ème Partie: Arizona Tom (Norman Ginzberg), Toutes les nuits du monde (Chi Zijian) et Animaux solitaires (Bruce Holbert)

Arizona Tom de Norman Ginzberg

Décidément le genre western inspire les éditeurs (une collection est créée par Actes Sud par exemple) et les auteurs de cette rentré littéraire (Faillir être flingué de Céline Minard vient tout de suite à l'esprit). Héloïse d'Ormesson apporte sa pierre à ce mini-phénomène en publiant ce (premier?) roman de Norman Ginzberg que j'ai un peu choisi pour faire la comparaison avec celui de Céline Minard.

Ocean Miller est un shérif de Brewsterville, en Arizona. Sa petite bourgade, vestige d'une installation de colons, est typique, "un chapelet de bicoques en bois bâties à la hâte". Pas étonnant que son quotidien routinier partagé avec Abner Drinkwater, son acolyte peu bavard, le change d'un passé beaucoup plus mouvementé.

Mais un jour, il croise, stupéfait, un jeune adolescent qui traîne un bien macabre fardeau: un corps sans tête ni membre, un tronc en fait. Il se rend vite compte que Tom est muet. Il le ramènera à Brewsterville pour tenter de comprendre les circonstances d'une telle bizarrerie. Malheureusement, le maire, Artie Hackett, qui ne porte déjà pas Miller dans son coeur, lui met la pression pour condamner le gosse du meurtre de celui qui semble être son père. Persuadé par l'innocence de Tom, Miller va se lancer dans son enquête et interroger tous ceux qui pourraient lui apporter des informations et des indices.

Beaucoup moins dense que Faillir être flingué, Arizona Tom est direct, sympathique et drôle (j'ai beaucoup aimé John Winterbottom, ce solitaire qui malgré son isolement est au courant de tout ce qui se passe à des kilomètres à la ronde). On pardonne à Norman Ginzberg quelques maladresses mineures qui n'empêche pas une lecture agréable dans son ensemble.

Toutes les nuits du monde  (Titres originaux: Beijicun tonghua/Shijieshang suoyou de yewan) de Chi Zijian

Philippe Picquier est un des éditeurs sur lesquels je ne pouvais faire l'impasse pour cette série, même malgré l'impolitesse dont il a été coupable envers une bonne quarantaine d'apprentis libraires, il y a quelques années. Mon choix s'est porté sur Toutes les nuits du monde surtout parce qu'il s'agit d'un auteur venant de Chine, région du monde pas encore explorée dans les précédentes parties.

En vérité, l'ouvrage regroupe deux petits romans dont l'un est éponyme et l'autre s'intitule Enfance au village du grand Nord. Ce premier texte, qui occupe un tiers du livre, raconte la séjour de Dengzi, une fillette de sept ou huit ans, chez sa grand-mère. Elle se liera d'amitié avec Crétin, le chien de la maison, ainsi qu'avec Nainai, une vieille voisine qui vit un peu plus loin. C'est à travers les yeux de Dengzi que se dévoilent les secrets de famille.

Le second texte, éponyme donc, est le récit d'une narratrice veuve. Elle vient de perdre son mari qu'elle appelle Magicien tout le long du texte. Au souvenir d'un programme télévisé consacré au lac des Trois Monts et de gens recouverts de boue, elle décide de s'y rendre pour se recouvrir elle-même de boue pour cacher sa douleur, sa façon personnelle de faire son deuil. Mais le train qu'elle a pris subit un arrêt forcé à Wutang à cause d'un glissement de terrain.

Elle sera hébergée par Zhou'er et sa femme grâce à qui elle déambulera dans la ville et fera la rencontre d'autres personnages, comme entre autres une femme qui a perdu son mari dont le corps n'a jamais été retrouvé, ou un peintre qui psalmodie des chants populaires oubliés.

Ce qui ressort des deux récits, c'est une naïveté teintée de mélancolie qui touche à l'universel. Chi Zijian est à découvrir.


Animaux solitaires (Titre original: Lonesome Animals) de Bruce Holbert

J'ai souvent gentiment moqué les éditions Gallmeister pour leur catalogue très marqué nature-cowboy-grands espaces. Mais ce n'est jamais que pour montrer mon intérêt pour leur production comme si je taquinais un vieux pote. Surtout que c'est un peu de la mauvaise foi, ils se montrent plus variés que ça, il suffit par exemple de lire les roman de Tom Robbins. De plus, quand je jette un bref coup d'oeil sur les titres sortis ces trois dernières années, il y en a plusieurs que j'avais envie de lire en les voyant passer mais que je n'ai pas pu faire faute de temps (pour en citer deux: De flammes et d'argile de Mark Spragg et Les Voleurs de Manhattan de Adam Langer). Au moins, Animaux Solitaires échappera à ma longue liste de bouquins que merde-j'ai-toujours-pas-lu.

Nous sommes en 1932, et Russel Strawl se fait vieux mais quand on lui demande de trouver l'assassin qui sévit, ses réflexes de traqueur ne lui font pas défaut. Jouissant d'une réputation d'impitoyable individu, ce qui l'exclut de sa propre famille, Strawl est l'homme de la situation. Des cadavres d'indiens sont retrouvés mutilés dans des mises en scènes complètement barges.

Accompagné par son fils adopté, Elijah, sorte de prophète se réclamant d'une religion hybride mélangeant folklore indien, christianisme et ses pérégrinations mentales personnelles, Strawl traverse la contrée pour interroger les suspects potentiels. Chaque rencontre est prétexte à des dialogues qui dérivent toujours où le lecteur ne les attend pas.

Vous aurez remarqué qu'il y a beaucoup de points communs entre Arizona Tom et Animaux Solitaires. Mais ils divergent également sur beaucoup de choses. Là où le premier est direct et sympathique, le second est plus dense et plus sombre. Même l'humour n'est pas le même, Ginzberg est plus grand public, là où Holbert se veux métaphysique et un peu, admettons-le, frappadingue. J'aurais pu les mettre à la suite l'un de l'autre, mais j'ai préféré rester sur un ordre "podium" de préférence.

Animaux Solitaires est le premier roman de Bruce Holbert, et il faut encore remercier Gallmeister pour cette heureuse découverte. Entre le polar et le western, c'est un roman très prenant même s'il est parfois difficile de suivre l'auteur dans ses délires mystiques.

-Arizona Tom, Norman Ginzberg, Heloïse d'Ormesson, 17€.
-Toutes les nuits du monde, Chi Zijian, Philippe Picquier, 18€. Traduit du chinois par Stéphane Levêque et Yvonne André.
-Animaux solitaires, Bruce Holbert, Gallmeister, 23,60€. Traduit de l'américain par Jean-Paul Gratias.

1ère Partie
2ème Partie
3ème Partie
4ème Partie
5ème Partie
6ème Partie
7ème Partie
8ème Partie
9ème Partie
10ème Partie

Classement provisoire:
33.Exil de Jakob Ejersbo.
32.Les Impostures du réel de Frédérick Tristan.
31.Vie et destin de Célestin Arepo de Jérôme Millon.
30.Les Disparus de Mapleton de Tom Perrotta.
29.La Lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson.
28.L'extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea de Romain Puértolas.
27.Hell de Yasutaka Tsutsui.
26.La Conjuration de Philippe Vasset.
25.Intermède de Owen Martell.
24.Uniques de Dominique Paravel.
23.Les Fuyants d'Arnaud Dudek.
22.Manuel El Negro de David Fauquemberg.
21.Parabole du failli de Lyonel Trouillot.
20.Courir sur la faille de Naomi Benaron.
19.La Main de Joseph Castorp de João Ricardo Pedro.
18.Arizona Tom de Norman Ginzberg.
17. Toutes les nuits du monde  de Chi Zijian.
16.Bleu corbeau de Adriana Lisboa.
15.En mer de Toine Heijmans.
14.Volt d'Alan Heathcock.
13.La Saison de l'ombre de Léonora Miano.
12.La fabuleuse histoire du clan Kabakoff de Steve Stern.
11.Animaux solitaires de Bruce Holbert.
10.Folles de Django d'Alexis Salatko.
9.Le Premier vrai mensonge de Marina Mander.
8.Les évaporés de Thomas B. Reverdy.
7.Arvida, Samuel Archibald.
6.La Cravate de Milena Michiko Flasar.
5.Faillir être flingué de Céline Minard.
4.La dépression de Foster de Jon Ferguson.
3.Sous la terre de Courtney Collins.
2.Un Monde beau, fou et cruel de Troy Blacklaws.
1.Et quelquefois j'ai comme une grande idée de Ken Kesey.

jeudi 14 novembre 2013

Rentrée Littéraire 2013 - 10ème Partie: Parabole du failli (Lyonel Trouillot), La Main de Joseph Castorp (João Ricardo Pedro) et Et quelquefois j'ai comme une grande idée (Ken Kesey)

Parabole du failli de Lyonel Trouillot

J'avais gardé un très bon souvenir de Yanvalou pour Charlie (2009). Depuis, Lyonel Trouillot a écrit La Belle Amour humaine qui a obtenu le Grand Prix du roman métis 2011 (prix décerné cette année, en plus du Prix Femina, youpi, à La Saison de l'ombre de Leonora Miano, il est bon de le préciser). La seconde raison de la présence de l'écrivain haïtien dans ma série spéciale est tout simplement son appartenance à la maison Actes Sud, éditeur sur lequel on ne peut faire l'impasse si l'on doit être relativement complet. J'avais aussi mis une option sur Confiteor de Jaume Cabre, dont l'accueil et les ventes sont plutôt respectables depuis sa sortie, mais j'en ai reporté la (possible) lecture à plus tard vu sa longueur et sa transportabilité problématique (choses que j'ai ignoré en attaquant, sur un coup de tête, Et quelquefois j'ai comme une grande idée de Ken Kesey, mea culpa).

Pedro est un jeune comédien, issu d'une famille aisée qui se lie d'amitié avec le narrateur et l'Estropié, qui vivent dans un quartier défavorisé de Port-au-Prince. Le roman est en bonne partie à la deuxième personne et s'adresse à Pedro au passé, puisque celui-ci s'est apparemment jeté d'un immeuble. Figure imprévisible multipliant les conquêtes amoureuses sans lendemain, déclamant des poèmes en pleine rue ou distribuant les pages d'un livre précieux aux passantes qu'il croise sur son chemin, ou se déguisant pour jouer un rôle pour le simple plaisir d'être pris pour ce qu'il n'est pas, Pedro laissera aussi sa marque dans le milieu plus bourgeois du théâtre ou dans les bars littéraires où admirateurs et détracteurs se côtoient. Lyonel Trouillot dit dans un "Avertissement de l'auteur" s'être inspiré très largement d'un jeune comédien haïtien, Karl Marcel Casséus qui semble avoir été très populaire là-bas.

Dans cet éloge du poète disparu, le narrateur parle aussi de lui, contributeur dans un journal où il écrit des nécrologie, ses hésitations amoureuses avec une collègue. Mais c'est à l'Estropié, professeur à béquilles, passionné de statistiques et assoiffé de culture livresque qu'est offerte la part belle juste après Pedro. L'amitié du trio s'est en partie cimentée dans ce deux-pièces où Pedro s'est à moitié incrusté avec l'accord tacite de ses deux colocataires. Avec en bruit de fond, les disputes d'un voisin camionneur avec sa femme et la radio d'actualités étrangères, c'est là qu'ils partagent leurs états d'âmes.

On peut noter également les deux principales figures féminines que sont Madame Armand, mécène misanthrope, et Islande, clocharde aux troubles mentaux irréversibles. Seul la puissance de caractère et le charisme de Pedro agira de manière exceptionnelle sur ces deux femmes retranchées, l'une dans son appartement, l'autre dans sa tête.

Ne vous attendez pas à trouver de la légèreté grand public dans Parabole du failli, Lyonel Trouillot fait dans le tristounet, mais ce n'est pas péjoratif. Entre le mélancolique et le désespéré, l'écriture de l'haïtien sait émouvoir plus souvent qu'ennuyer. Je confesse que la profondeur de certaines pages m'a parfois échappé, et c'est certainement dû à la poésie qui imprègne le texte, genre dans lequel j'ai beaucoup de lacunes et trop peu d'intérêt pour savoir de quoi je parle. Beaucoup de références à des auteurs, poètes ou dramaturges classiques que tout le monde connait (Musset, Lamartine, Whitman....) et à d'autres dont je ne connaissais pas personnellement les noms (Kateb Yacine, Carl Brouard, Roussan Camille). Même si je n'ai pas totalement adhéré à Parabole du failli, cela ne m'empêchera pas à l'avenir de lire d'autres romans de cet auteur pour lequel je garde un respect certain.

Pour finir, permettez-moi de relever ces mots d'Anthony Phelps cités dans le roman: "J'ai mis la voie lactée en vente pour un peu d'amour mais n'ai point trouvé d'acquéreur nul ne veut s'embarrasser de trente milliard d'étoiles."

La Main de Joseph Castorp (Titre original: O Teu Rosto Sera O Ultimo) de João Ricardo Pedro

Selon la bio de l'éditeur, João Ricardo Pedro est devenu écrivain suite à son licenciement d'une entreprise de télécommunication. Bonne démarche puisqu'il a obtenu en 2011 avec ce premier roman le Prix LeYa, l'un des plus importants au Portugal.

A l'instar de La fabuleuse histoire du clan Kabakoff de Steve Stern et des Fuyants d'Arnaud Dudek, La Main de Joseph Castorp est centré sur trois générations de grand-père en petit-fils. Le grand père, le docteur Augusto Mendes fait la connaissance d'un mystérieux Celestino quarante ans avant la Révolution des Oeillets. La mort de Celestino sera toute aussi énigmatique ce 25 avril 1974. Un indice important se cachera dans la correspondance entre Augusto et un de ses amis globe-trotter, Policarpo, qui lui a envoyé une lettre par an, chacune remplies d'histoires si extraordinaires que leur authenticité a parfois été mise en doute.

Le fils d'Augusto, Antonio Mendes, a été témoin et acteur de la guerre d'indépendance en Angola, une des colonies les plus importantes du Portugal. Mais le petit-fils, Duarte, est certainement le personnage le plus prédominant du roman. Pianiste prometteur durant son enfance, il sera le protagoniste d'une succession de petites histoires (son amitié avec l'Indien, ses premiers émoi avec sa prof de chant...).

Une sympathique fresque familiale bousculée par l'histoire d'un pays. Drôle, émouvant et vertigineux, La Main de Joseph Castorp peut dérouter par son aspect puzzle mais démontre une capacité certaine de João Ricardo Pedro à ficeler une histoire subtilement.  


Et quelquefois j'ai comme une grande idée (Titre original: Sometimes a Great Notion) de Ken Kesey

Le voici. Le roman qui détrône Un Monde beau, fou et cruel de Troy Blacklaws à la première place de mon classement personnel. Vous pourriez m'objectez que Et quelquefois j'ai comme une grande idée date à l'origine de 1964 et que ce n'est donc pas une vraie nouveauté. A quoi je réponds qu'il fait techniquement partie des publications parues dans la période phare pour la librairie qu'est la rentrée littéraire. Sans oublier qu'il est resté inédit en France jusqu'à ce que l'éditeur Monsieur Toussaint Louverture ait la bonne idée de le traduire.

Pour rester dans les grandes lignes (il y a beaucoup de choses à dire), le nom de Ken Kesey (1935-2010) est surtout associé à la Beat Generation, au LSD et à un premier roman intitulé Vol au-dessus d'un nid de coucou (1962) qui a fait l'objet d'une célèbre adaptation cinématographique avec Jack Nicholson en 1975.
C'est Paul Newman (réalisateur et acteur) qui s'est attelé en 1971 à la même chose pour Et quelquefois j'ai comme une grande idée  qui se déroule à Wakonda, en Orégon dans les années 60. Une grève fomentée par un syndicat puissant bloque l'activité principale du coin, la coupe du bois. Seuls quelques irréductibles, à savoir les membres d'une même famille, les Stamper, refusent de stopper le travail quitte à se mettre tout le monde sur le dos.

Hank Stamper, personnage principal du roman et aîné d'Henry, le patriarche, appelle son demi-frère, Lee, à la rescousse. Lee est parti avec sa mère douze ans plus tôt, pour vivre une vie moins rude, plus intellectuelle. La longue scène où Lee reçoit la carte postale de son frère et où il décide de partir sur coup de tête, laissant son colocataire se débrouiller avec certains détails (je vous laisse la surprise...) est l'une des plus irrésistibles. Le petit frère n'a que faire de la situation de la ville, ce qu'il veut, c'est se venger de son grand-frère parce qu'il... je vous laisse découvrir ça aussi. A cette raison principale, s'ajoutent les brimades et les taquineries que Lee, faible et cérébral, a du supporter de la part de Hank, athlétique et robuste, pendant son enfance.
Ce sont les deux grandes dynamiques du roman, mais nous avons un récit très dense, qui prend le temps de nous raconter moult détails, qui s'arrête à tour de rôle sur les personnages secondaires comme Henry, l'énergique et bourru patriarche, l'adorable cousin Joe Ben, Viv, la femme de Hank (qui aura un rôle dans la vengeance de Lee), les syndicalistes Jonathan Bailey Draeger et Floyd Evenwrite, Teddy le barman du bistrot local...

On est loin du style de roman typique de la Beat Generation (il parait tout de même que certaines pages ont été écrites sous l'influence de champignons hallucinogènes), des pérégrinations de Kerouac, par exemple. On penche plus vers le style d'un Mark Twain moderne, même si Ken Kesey déroute son lecteur en triplant très fréquemment le point de vue et en les alternant successivement. On peut en effet avoir un point de vue en narration normale, un autre en italiques et un troisième entre parenthèses, mais on l'on s'y retrouve toujours en faisant attention au contexte des phrases.

Qui dit densité, dit variation de tons: c'est ainsi que l'auteur peut se permettre d'imbriquer le grandiose (les descriptions de la nature ou de tortueux chemins métaphysiques), le technique (la découpe du bois et ses subtilités), le musical (références country et blues, le titre lui-même est tiré d'une chanson de Leadbelly, et même jazz avec une confrontation entre les deux frères, Hank défendant le jazz old school et Lee lui parlant de John Coltrane), le comique (les personnages secondaires à la Dickens, la fougue d'une narration débridée), le touchant (Joe Ben) et le tragique. Alors oui, il est difficile de ne pas trouver parfois quelques longueurs, mais elles finissent toujours par avoir un sens.

Permettez-moi de m'arrêter sur l'illustration de couverture. Réalisée par Blexbolex qui illustre entre autres albums pour la jeunesse et affiches promotionnelles pour des manifestations culturelles, elle peut être considérée comme très minimaliste, primaire, sans vouloir être péjoratif. Mais après tout elle est à l'image du roman, très colorée et elle attire davantage l'oeil que les couvertures sobres avec ou sans photos de l'auteur (en bandeau ou jaquette) de la plupart des éditeurs français. A noter, le petit transistor posé sur la bûche en bas à droite, simple accessoire banal qui gagnera en force symbolique.

Sur les couvertures originales, on peut compter sur Monsieur Toussaint Louverture qui avait déjà à son actif celle de Karoo (Steve Tesich) et d'Enig Marcheur (Russell Hobban) et sa triple jaquette, qui sont en passant aussi des traductions tardives (respectivement parus à l'origine en 1996 et 1980 pour être publiés en France en 2012). Toujours soignée et travaillée afin qu'une oeuvre un peu oubliée et inconnue du public français soit au pire remarquée ou au mieux s'impose comme incontournable.

Il serait presque criminel d'ignorer les 800 pages de Et quelquefois j'ai comme une grande idée, 800 pages épiques et pourtant à la fois drôles et profondément humaines.

-Parabole du failli, Lyonel Trouillot, Actes Sud, 20€.
-La Main de Joseph Castorp, João Ricardo Pedro, Viviane Hamy, 19€. Traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues.
-Et quelquefois j'ai comme une grande idée, Ken Kesey, Monsieur Toussaint Louverture, 24,50€. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Antoine Cazé.
30.Exil de Jakob Ejersbo.
29.Les Impostures du réel de Frédérick Tristan.
28.Vie et destin de Célestin Arepo de Jérôme Millon.
27.Les Disparus de Mapleton de Tom Perrotta.
26.La Lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson.
25.L'extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea de Romain Puértolas.
24.Hell de Yasutaka Tsutsui.
23.La Conjuration de Philippe Vasset.
22.Intermède de Owen Martell.
21.Uniques de Dominique Paravel.
20.Les Fuyants d'Arnaud Dudek.
19.Manuel El Negro de David Fauquemberg.
18.Parabole du failli de Lyonel Trouillot.
17.Courir sur la faille de Naomi Benaron.
16.La Main de Joseph Castorp de João Ricardo Pedro.
15.Bleu corbeau de Adriana Lisboa.
14.En mer de Toine Heijmans.
13.Volt d'Alan Heathcock.
12.La Saison de l'ombre de Léonora Miano.
11.La fabuleuse histoire du clan Kabakoff de Steve Stern.
10.Folles de Django d'Alexis Salatko.
9.Le Premier vrai mensonge de Marina Mander.
8.Les évaporés de Thomas B. Reverdy.
7.Arvida, Samuel Archibald.
6.La Cravate de Milena Michiko Flasar.
5.Faillir être flingué de Céline Minard.
4.La dépression de Foster de Jon Ferguson.
3.Sous la terre de Courtney Collins.
2.Un Monde beau, fou et cruel de Troy Blacklaws.
1.Et quelquefois j'ai comme une grande idée de Ken Kesey.

dimanche 3 novembre 2013

Rentrée Littéraire 2013 - 9ème Partie: Exil (Jakob Ejersbo), Vie et destin de Célestin Arepo (Jérôme Millon) et La dépression de Foster (Jon Ferguson)

Exil (Titre original: Eksil) de Jakob Ejersbo

Il fallait que ça arrive. Je n'ai pas terminé ce roman. J'en ai lu quand même une bonne moitié, mais je n'ai pas eu le courage de prendre une ou deux journées de plus pour aller jusqu'au bout. J'ai un programme de lecture déja trop important pour insister sur un ouvrage qui ne me passionne pas.

Alors dois-je faire exception et ne pas le chroniquer? ça a toujours été pour moi un principe: ne pas mentionner sur ce blog des livres que je n'ai pas fini. Mais cette série sur la Rentrée Littéraire est suffisamment exceptionnelle pour accepter les entorses à un règlement qui ne s'applique, après tout, qu' à une personne. Galaade était un des petits éditeurs qu'il me semblait bon de tester. Et pour tout vous dire, c'est plus pour cette raison que par envie que j'ai sélectionné Exil.

Le roman commence en 1983, Samantha, 15 ans, nous raconte sa vie d'adolescente dans un lycée international, ses rapports houleux avec la hiérarchie et les intrigues familiales plus que compliquées. Dans une succession de fragments courts, comme un journal, le lecteur assiste à sa déchéance (sexe, alcool, drogue et pépitos). Personnellement, ça me suffisait pour me déplaire. Mais le style est d'une platitude assumée (c'est une ado qui parle) et c'est la principale raison pour laquelle j'ai lâché. Je n'ai pas supporté cette crudité.

Alors bien sûr, ce n'est que mon avis. Jacob Ejersbo (1968-2008) a bénéficié d'éloges repris par l'éditeur et que je vous recopie: "La prose d'Ejersbo est une expérience captivante. Sans relâche, il met à nu le mal fait à une jeune fille et à un continent." (Berlingske Tigende),  "Dans la lignée d'aussi prestigieux écrivains de l'Afrique d'Hemingway, Conrad ou Blixen." (Politiken) ou encore "Ejersbo est par excellenbce un portraitiste de la crudité et de l'inexorable." (Flensborg Avis). Je ne sais rien de ces trois sources mais elles ont certainement plus de crédibilité que moi. Je ne les ai pas citées pour les contredire mais pour contrebalancer un avis expéditif que vous serez en droit de me reprocher.

Je vais même donner l'avantage au roman, voici en partie ce que l'éditeur nous dit sur la quatrième: "Premier livre de la "Triologie africaine, Exil du danois Jacob Ejersbo dresse le portrait cinglant d'une jeunesse occidentale en roue libre dans l'Afrique postcoloniale des années 1980. Fiction ample et ambitieuse, qui n'est pas sans rappeler Conrad ou Blixen, Exil fait la part belle aux personnages déracinés, dans une écriutre visionnaire et virtuose."

Et pour les petits cyniques qui pensent que l'autopromotion d'un éditeur est à prendre avec des pincettes voici un avis extérieur et positif: http://www.pagedeslibraires.fr/livre-3955/exil.html

Je vous encourage donc à vous faire votre propre idée et, si vous avez aimé, vous défie de me faire regretter de ne pas l'avoir terminé.


Vie et destin de Célestin Arepo de Jérôme Millon

Très intrigué par la quatrième de couverture, convaincu que La Fosse aux Ours publie fréquemment de bons romans et poussé par la volonté de lire un premier roman, j'ai sélectionné celui-ci pour qu'il fasse partie de cette série.

Célestin Arepo est un personnage sympathique, comptable d'une usine de roulements à bille, hérité de son père, passionné de mots croisés... Il se lie d'amitié avec Mathieu, gardien au cimetière Montmartre et compagnon de pêche, lieu de rêverie pour Celestin.

Puis il courtise Rose, une serveuse. Alors qu'il l'invite chez lui elle lui demande s'il est croyant. Et là, le roman qui ne commençait pas trop mal perd de son intérêt. Célestin craignant de commettre un impair et de perdre Rose se lance dans une sorte de pèlerinage mystico-métaphysique pour savoir quoi répondre à la question de Rose.

Merci à Jérôme Millon d'avoir fait court (c'est le seul point positif qui l'empêche de se trouver plus bas dans mon classement subjectif), 120 pages sont largement suffisantes pour un roman que j'ai trouvé dispensable. Je veux bien défendre un premier roman, mais, désolé, Vie et destin de Célestin Arepo n'est malheureusement pas un coup de coeur.

Me sentant une fois de plus coupable de cet avis un peu trop expéditif, je vous invite à lire d'autres romans publiés par La Fosse aux Ours comme La Nuit tombé et L'Impasse d'Antoine Choplin ou encore L'Homme qui ne comptait pas les jours d'Alberto Cavanna.

La dépression de Foster (Titre original non mentionné) de Jon Ferguson

Olivier Morattel est un petit éditeur suisse dont la catalogue est encore restreint. Si je ne me trompes pas, La Dépression de Foster n'est que sa onzième publication et le second de Jon Ferguson après 20 ans de réflexion. Le livre m'est arrivé en rayon avec un bandeau promotionnel déclarant: "Une plongée dans la folie" (ne figure pas sur le visuel). Il y a de quoi être perplexe. Le titre lui-même suffit à faire fuir le lecteur lambda qui veut du léger (le titre original n'est pas mentionné, je ne sais donc pas si ça en est une traduction fidèle) pourquoi en rajouter dans l'anti-commercial (volontaire ou non)? Peut-être parce qu'il existe des gens comme moi, un peu taré dont le radar signale La Dépression de Foster comme méritant attention.

Ted Foster a des problèmes de couple, après un divorce avec sa première femme Ruth, les choses n'ont pas bien tourné non plus avec sa seconde Glenda. Sur le chemin de la cinquantaine, on pourrait attribuer un coup de mou à une peur du vieillissement. Son poste pour un fabriquant de jouet pendant vingt-cinq ans est ennuyeux, quelquefois remué par les attaques de parents négligents. Les malheurs du monde peuvent aussi être un poids, de culpabilité ou d'impuissance. Et pourtant rien de tout ça n'est la cause du soudain mutisme de Ted qui va durer un an et demi. Il nous explique avec une extrême lucidité pourquoi ces raisons méritent d'être balayées.

C'est le cadavre d'un serpent qui déclenche tout. Il le découvre lors d'une promenade avec sa fille le cadavre d'un serpent qu'il verra disparaître peu à peu le temps de trois jours seulement. Dix-huit mois sans parler, enfermé à l"asile, déconnecté du monde extérieur. Mais il confiera à son psychiatre (et à Larry King, d'où les brefs chapitres dialogués de deux personnages devant leur télévision), qu'il avait au contraire toute sa tête, même s'il feignait toujours d'être éteint devant les visiteurs, dont sa famille. Les seuls mots prononcés auront été des remerciements destinés à Maria, une infirmière mexicaine avec qui il entretient une relation particulière. A sa sortie, il est embauché dans un fast-food dont il raconte les petites péripéties et nous présente son collègue et son boss, des personnages intéressants.

La dépression de Foster sauve cette neuvième partie de ma série. Il est dommage qu'elle soit consacrée à trois petits éditeurs. Je me sens aussi proche de Ted Foster que de Taguchi Hiro, l'hikikomori de La Cravate. Leurs réflexions, leurs raisonnements, mélancoliques pour Taguchi, désabusés et teintés d'humour pour Ted, possèdent la même lucidité. Celle qui est trop souvent mal comprise. Pour en revenir au bandeau promotionnel et au titre lui-même, je les trouve inappropriés. Déjà pour des raisons commerciales, les mots "dépression" et "folie" sur la couverture d'un livre rebuteront plus d'une personne et aussi parce qu'ils ne correspondent à mon sens pas à l'état du personnage principal. Ted Forster n'est pas déprimé ou ne sombre pas dans la folie, mais témoigne plutôt d'une sorte d'épiphanie. S'exclure volontairement du monde dans lequel on vit n'est peut-être pas la meilleure solution, mais ça n'offre pas la pire des perspectives.


-Exil, Jakob Ejersbo, Galaade, 23€. Traduit du danois par Hélène Hervieu.
-Vie et destin de Célestin Arepo, Jérôme Millon, La Fosse aux Ours, 16€.
-La dépression de Foster, Jon Ferguson, Olivier Morattel, 18€. Traduit de l'américain par Stéphane Bovon.
Classement provisoire:
27.Exil de Jakob Ejersbo.
26.Les Impostures du réel de Frédérick Tristan.
25.Vie et destin de Célestin Arepo de Jérôme Millon.
24.Les Disparus de Mapleton de Tom Perrotta.
23.La Lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson.
22.L'extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea de Romain Puértolas.
21.Hell de Yasutaka Tsutsui.
20.La Conjuration de Philippe Vasset.
19.Intermède de Owen Martell.
18.Uniques de Dominique Paravel.
17.Les Fuyants d'Arnaud Dudek.
16.Manuel El Negro de David Fauquemberg.
15.Courir sur la faille de Naomi Benaron.
14.Bleu corbeau de Adriana Lisboa.
13.En mer de Toine Heijmans.
12.Volt d'Alan Heathcock.
11.La Saison de l'ombre de Léonora Miano.
10.La fabuleuse histoire du clan Kabakoff de Steve Stern.
9.Folles de Django d'Alexis Salatko.
8.Le Premier vrai mensonge de Marina Mander.
7.Les évaporés de Thomas B. Reverdy.
6.Arvida, Samuel Archibald.
5.La Cravate de Milena Michiko Flasar.
4.Faillir être flingué de Céline Minard.
3.La dépression de Foster de Jon Ferguson.
2.Sous la terre de Courtney Collins.
1.Un Monde beau, fou et cruel de Troy Blacklaws.

lundi 21 octobre 2013

Rentrée Littéraire 2013 - 8ème partie: Bleu Corbeau (Adriana Lisboa), Arvida (Samuel Archibald) et Sous la terre (Courtney Collins)


Bleu corbeau (Titre original: Azul-corvo) de Adriana Lisboa

Je ne me souviens pas avoir lu beaucoup de romans brésiliens. Heureusement qu'il existe une collection "Bibliothèque brésilienne" chez la très sympathique maison Métailié. Je ne pouvais pas faire cette série sans y inclure un titre de chez eux. Il se peut que je récidive dans une des prochaines parties.

Evangelina, 13 ans, a vécu avec sa mère, Suzana, femme libre qui n'a vécu avec des hommes que sur de courtes périodes de sa vie, et n'a jamais connu son père. Mais un des hommes de la vie de Suzana lui est resté loyal et, à la naissance d'Evangelina, a accepté de signer les papiers officiel en tant que père. Après la mort de Suzana, l'adolescente est recueillie par Fernando et elle doit partir du Brésil pour se rendre à Lakewood au Colorado.

Tout en faisant des recherches pour rechercher son vrai père, Daniel, qui avait rompu tout contact avec Suzana, Evangelina écoutera les confidences de Fernando sur sa vie passée en tant que guérillero. S'entremêlent donc de violentes péripéties au fin fond de la forêt amazonienne et ses réflexions de jeune fille déracinée. Elle se liera d'amitié avec un voisin salvadorien, plus jeune qu'elle, Carlos.

Le point de vue d'Evangelina occupe la majeure partie du roman. Elle attire la sympathie du lecteur immédiatement avec ce mélange de naïveté et de douce lucidité, propre à l'adolescente qui est en train de devenir femme. Ses remarques sont surtout centrées sur les différences des civilisations brésilienne et américaine sans jugement, plutôt avec l'ouverture d'esprit que sa mère lui a inculquée. Le passé de Fernando, de son nom de guerre Chico, fait contraste avec les phrases élégantes, poétiques même, qui truffent Bleu corbeau. Qui est le second roman d'Adriana Lisboa publié par Métailié après Des Roses rouge vif en 2008. Une auteure que je ne suis pas déçu d'avoir découverte.

Arvida de Samuel Archibald

Il y a deux choses que j'ignorais avant de commencer cet ouvrage. J'avais survolé le quatrième de couverture sans réaliser deux choses: il s'agit de nouvelles et l'auteur est québécois. Et donc, sans le faire exprès, j'ajoute à la diversité géographique de cette série. Arvida a d'ailleurs été déjà publié au Canada en 2011 chez Le Quartanier, un éditeur de là-bas. Cette première oeuvre de fiction a attiré l'oeil de Phébus et c'est une belle découverte.

Comme l'indique le titre, le fil rouge du recueil est cette ville, Arvida, située dans la région du Saguenay au Quebec. Trois histoires du recueil  ("Mon père et Proust", "Foyer des loisirs et de l'oubli" et "Madeleines", groupés dans un cycle intitulé ARVIDA) sont en fait des textes autobiographiques où l'auteur raconte souvenirs d'enfance (une partie de hockey épique, comment sa vocation d'écrivain lui est venue...) ainsi que l'origine de la ville, bâtie en 1926 et en 135 jours afin d'accueillir les ouvriers d'une importante usine d'aluminium.

Qui dit Quebec, dit forcément différences de langage avec le français de France. Dans l'ensemble, c'est presque imperceptible. C'est dans "América" que le lecteur français peut se perdre le plus. Dans cette histoire, des amis (dont un boulet junkie) essaient de faire passer la frontière américaine à une latina. Ils accumulent les erreurs. Mais revenons au différences de langage. "América" en est truffée et pour le coup, l'éditeur français aurait pu mettre quelques notes de bas de pages. Même si l'on comprend certains termes par déduction (mots anglais francisés ou le contexte des phrases par exemple), d'autres restent obscurs pour celui qui n'a pas l'habitude.

Ce qui saute aux yeux en premier c'est la syntaxe et l'utilisation très régulière dans quasiment toutes les histoires de "pis" au lieu de "et" ou "puis". C'est dans "Antigonish", très agréable histoire de ces deux canadiens qui parcourent les routes des Etats-Unis pour le plaisir, que j'ai trouvé les premiers termes que l'on n'utilise jamais en France mais que l'on peut comprendre. Je suppose que qu'être "en retard sur la cédule" (très probable francisation du mot anglais "schedule") signifie être en retard sur le programme, le plan. Plus facile: "On va arriver là à la noirceur" pour dire le soir ou la nuit. Vous le comprendrez, ça ne gênera pas plus la lecture que ça, vous pourrez sans problème apprécier le recueil sans trop vous gratter la tête ou le menton (ou ce que vous voulez) de perplexité.

Restons sur "Antagonish" puisqu'y est introduit une ambiguïté qui se rapporte au domaine du fantastique. Le narrateur a-t-il vu ou seulement imaginé cette fille au manteau rouge et robe blanche sur le bord de la route?Samuel Archibald, selon la courte biographie du quatrième de couverture, "donne des cours à l'Université du Quebec à Montréal" sur entre autres "le cinéma d'horreur". Il n'est donc pas étonnant de découvrir dans le recueil des choses qui y sont liés de près ou de loin. L'exemple le plus parlant reste "Jigai", l'histoire (qui se situe exceptionnellement au Japon) dérangeante (et crade) de deux femmes, Reiko et Misaka, qui s'enferment dans une maison pour s'entre-mutiler des pires façons jusqu'à en propager ce goût macabre dans l'esprit des femmes du village. Dans un genre plus psychologique, on retrouve le thème de la maison hantée dans "Chaque maison double et duelle", où le narrateur voit son foyer péricliter à cause du penchant prononcé de sa femme pour le paranormal, qu'elle transmet à leur fille. La maison qu'il achète et rénove cache bien entendu une tragédie qui reste inexpliquée et un pentagramme gravé sous un lit n'arrange pas les choses. On retrouvera bien d'autres éléments proches du fantastique tout au long des pages, mais ils restent mineurs (cauchemars, superstitions...), l'ensemble du recueil demeurant tout à fait terre-à-terre.

Dans un second cycle de trois nouvelles (SOEURS DE SANG), la plus marquante, "L'Animal", raconte comment un homme apprivoise dans l'illégalité un ourson qu'il est obligé de tuer à cause des problèmes qu'il finit par causer une fois adulte. Mais, le point de vue d'une petite fille permet d'aborder un autre sujet grave.
"Les derniers-nés" est avec "Antagonish", l'une de mes nouvelles préférées. Elle démarre comme un mini-polar qui semble prendre un mauvais chemin mais termine avec beaucoup d'ironie. Raisin fait un deal avec Martial qui le paie pour assassiner Sanguinet, le bookmaker.

Même les nouvelles sur lesquelles je ne m'attarderai pas sont d'une qualité indéniable, elles ont chacune leur place. J'ai dévoré le recueil en deux jours seulement, emporté par une écriture à la fois dépaysante par le langage et familière par son réalisme et ses personnages simples mais touchants. Au final, Samuel Archibald signe avec Arvida une promesse pour le lecteur qui le découvre. Celles de futures publications aussi remarquables.


Sous la terre (Titre original: The Burial) de Courtney Collins

Premier roman de cette australienne publié par Buchet Chastel, il serait inspiré de la vie réelle de Jessie Hickman, première bushranger, terme qui désignent les hors-la-loi, souvent fugitifs, qui se servaient du bush pour échapper aux autorités.

Jessie à peine sortie du pénitencier dans lequel elle était incarcérée pour vol de chevaux, voit sa vie liée à celle de Fitzgerald Henry (Fitz pour les intimes). Celui-ci révèle vite son visage d'ordure, la battant et la piégeant dans une machination à la suite de quoi elle ne peut refuser un mariage forcé. La première partie du roman raconte comment Jessie décide d'agir de façon radicale.

Elle était censée attendre la venue de Jack Brown, métis aborigène et collaborateur de Fitz pour s'enfuir avec lui. Mais elle change ses plans et s'enfuit avec Houdini, son cheval, dans la nature australienne. De son côté, Jack Brown s'associe à Andrew Barlew, un shérif totalement dépassé par ses fonctions et instable pour partir à la recherche de Jessie.

La narration revient parfois sur le passé de Jessie, qui s'est entre autres lié d'amitié avec un gamin alors qu'elle parcourait l'Australie avec un cirque itinérant. Celui-ci ne pouvait continuer à tourner pour différentes raisons, elle se sera par la suite reconvertie au vol de chevaux.

Sous la terre n'est pas plus difficile que ça à résumer. Mais il se révèle d'une efficacité imparable. Au cours de sa fuite, Jessie fait la rencontre de personnages qui joueront bien sûr leur rôle: ce couple de vieux dont l'attitude envers elle est diamétralement opposée (l'homme est hostile, la femme bienveillante) et ce gang de voleurs de chevaux qui se cache dans la montagne et sera la cause d'une chasse à l'homme désordonnée mais déterminée.

Il y a deux choses sur lesquelles je pense nécessaire de m'arrêter. Premièrement, ce "Prélude à la mort" qui entame le roman: il s'agit d'une sorte de mini-nouvelle mettant en scène le magicien Harry Houdini lors d'une de ses performances. Très appréciable, mais il ne faut pas s'attendre à retrouver le magicien, même sporadiquement, au fil du roman. Ce sera sa seule apparition, et il ne reviendra que sous la forme du nom du cheval de Jessie. Secondement, l'originalité de Sous la terre réside dans le point de vue: la majeure partie du roman est apparemment à la troisième personne mais c'est bien à la première personne que le narrateur nous rend compte des péripéties. C'est un personnage bien particulier. Je préfère vous laisser la surprise, que vous découvrirez très tôt. Juste un petit indice, ça explique le titre original (The Burial), autant que le titre français.

Après le Brésil d'Adriane Lisboa et le Québec de Samuel Archibald, cette Australie de Courtney Collins achève ce presque tour du monde de bien belle façon. Je m'amuse toujours de trouver des correspondances, mineures ou pas, entre les romans que je lis pour cette série d'articles. En effet, en plus du cirque déjà entrevu dans La fabuleuse histoire du clan Kabakoff de Steve Stern, Sous la terre peut être rapproché du Faillir être flingué de Célina Minard, puisqu'on peut après tout le qualifier de western à l'australienne. Ce premier roman marquant n'est certainement pas de ceux que je regrette d'avoir choisi. C'est une rude et puissante chevauchée poétique que nous offre Coutney Collins.

-Bleu corbeau, Adriana Lisboa, Métailié, coll. "Bibliothèque brésilienne", 18€. Traduit du brésilien par Béatrice de Chavagnac.
-Arvida, Samuel Archibald, Phébus, 18€. Traduction du québécois par vous-mêmes.
-Sous la terre, Courtney Collins, Buchet Chastel, 21€. Traduit de l'anglais (Australie) par Erika Abrams.

1ère Partie
2ème Partie
3ème Partie
4ème Partie
5ème Partie
6ème Partie
7ème Partie
9ème Partie
10ème Partie
11ème Partie

Classement provisoire:
24.Les Impostures du réel de Frédérick Tristan.
23.Les Disparus de Mapleton de Tom Perrotta.
22.La Lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson.
21.L'extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea de Romain Puértolas.
20.Hell de Yasutaka Tsutsui.
19.La Conjuration de Philippe Vasset.
18.Intermède de Owen Martell.
17.Uniques de Dominique Paravel.
16.Les Fuyants d'Arnaud Dudek.
15.Manuel El Negro de David Fauquemberg.
14.Courir sur la faille de Naomi Benaron.
13.Bleu corbeau de Adriana Lisboa.
12.En mer de Toine Heijmans.
11.Volt d'Alan Heathcock.
10.La Saison de l'ombre de Léonora Miano.
9.La fabuleuse histoire du clan Kabakoff de Steve Stern.
8.Folles de Django d'Alexis Salatko.
7.Le Premier vrai mensonge de Marina Mander.
6.Les évaporés de Thomas B. Reverdy.
5.Arvida, Samuel Archibald.
4.La Cravate de Milena Michiko Flasar.
3.Faillir être flingué de Céline Minard.
2.Sous la terre de Courtney Collins.
1.Un Monde beau, fou et cruel de Troy Blacklaws.