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dimanche 1 décembre 2013

Rentrée Littéraire 2013 - 11ème Partie: Arizona Tom (Norman Ginzberg), Toutes les nuits du monde (Chi Zijian) et Animaux solitaires (Bruce Holbert)

Arizona Tom de Norman Ginzberg

Décidément le genre western inspire les éditeurs (une collection est créée par Actes Sud par exemple) et les auteurs de cette rentré littéraire (Faillir être flingué de Céline Minard vient tout de suite à l'esprit). Héloïse d'Ormesson apporte sa pierre à ce mini-phénomène en publiant ce (premier?) roman de Norman Ginzberg que j'ai un peu choisi pour faire la comparaison avec celui de Céline Minard.

Ocean Miller est un shérif de Brewsterville, en Arizona. Sa petite bourgade, vestige d'une installation de colons, est typique, "un chapelet de bicoques en bois bâties à la hâte". Pas étonnant que son quotidien routinier partagé avec Abner Drinkwater, son acolyte peu bavard, le change d'un passé beaucoup plus mouvementé.

Mais un jour, il croise, stupéfait, un jeune adolescent qui traîne un bien macabre fardeau: un corps sans tête ni membre, un tronc en fait. Il se rend vite compte que Tom est muet. Il le ramènera à Brewsterville pour tenter de comprendre les circonstances d'une telle bizarrerie. Malheureusement, le maire, Artie Hackett, qui ne porte déjà pas Miller dans son coeur, lui met la pression pour condamner le gosse du meurtre de celui qui semble être son père. Persuadé par l'innocence de Tom, Miller va se lancer dans son enquête et interroger tous ceux qui pourraient lui apporter des informations et des indices.

Beaucoup moins dense que Faillir être flingué, Arizona Tom est direct, sympathique et drôle (j'ai beaucoup aimé John Winterbottom, ce solitaire qui malgré son isolement est au courant de tout ce qui se passe à des kilomètres à la ronde). On pardonne à Norman Ginzberg quelques maladresses mineures qui n'empêche pas une lecture agréable dans son ensemble.

Toutes les nuits du monde  (Titres originaux: Beijicun tonghua/Shijieshang suoyou de yewan) de Chi Zijian

Philippe Picquier est un des éditeurs sur lesquels je ne pouvais faire l'impasse pour cette série, même malgré l'impolitesse dont il a été coupable envers une bonne quarantaine d'apprentis libraires, il y a quelques années. Mon choix s'est porté sur Toutes les nuits du monde surtout parce qu'il s'agit d'un auteur venant de Chine, région du monde pas encore explorée dans les précédentes parties.

En vérité, l'ouvrage regroupe deux petits romans dont l'un est éponyme et l'autre s'intitule Enfance au village du grand Nord. Ce premier texte, qui occupe un tiers du livre, raconte la séjour de Dengzi, une fillette de sept ou huit ans, chez sa grand-mère. Elle se liera d'amitié avec Crétin, le chien de la maison, ainsi qu'avec Nainai, une vieille voisine qui vit un peu plus loin. C'est à travers les yeux de Dengzi que se dévoilent les secrets de famille.

Le second texte, éponyme donc, est le récit d'une narratrice veuve. Elle vient de perdre son mari qu'elle appelle Magicien tout le long du texte. Au souvenir d'un programme télévisé consacré au lac des Trois Monts et de gens recouverts de boue, elle décide de s'y rendre pour se recouvrir elle-même de boue pour cacher sa douleur, sa façon personnelle de faire son deuil. Mais le train qu'elle a pris subit un arrêt forcé à Wutang à cause d'un glissement de terrain.

Elle sera hébergée par Zhou'er et sa femme grâce à qui elle déambulera dans la ville et fera la rencontre d'autres personnages, comme entre autres une femme qui a perdu son mari dont le corps n'a jamais été retrouvé, ou un peintre qui psalmodie des chants populaires oubliés.

Ce qui ressort des deux récits, c'est une naïveté teintée de mélancolie qui touche à l'universel. Chi Zijian est à découvrir.


Animaux solitaires (Titre original: Lonesome Animals) de Bruce Holbert

J'ai souvent gentiment moqué les éditions Gallmeister pour leur catalogue très marqué nature-cowboy-grands espaces. Mais ce n'est jamais que pour montrer mon intérêt pour leur production comme si je taquinais un vieux pote. Surtout que c'est un peu de la mauvaise foi, ils se montrent plus variés que ça, il suffit par exemple de lire les roman de Tom Robbins. De plus, quand je jette un bref coup d'oeil sur les titres sortis ces trois dernières années, il y en a plusieurs que j'avais envie de lire en les voyant passer mais que je n'ai pas pu faire faute de temps (pour en citer deux: De flammes et d'argile de Mark Spragg et Les Voleurs de Manhattan de Adam Langer). Au moins, Animaux Solitaires échappera à ma longue liste de bouquins que merde-j'ai-toujours-pas-lu.

Nous sommes en 1932, et Russel Strawl se fait vieux mais quand on lui demande de trouver l'assassin qui sévit, ses réflexes de traqueur ne lui font pas défaut. Jouissant d'une réputation d'impitoyable individu, ce qui l'exclut de sa propre famille, Strawl est l'homme de la situation. Des cadavres d'indiens sont retrouvés mutilés dans des mises en scènes complètement barges.

Accompagné par son fils adopté, Elijah, sorte de prophète se réclamant d'une religion hybride mélangeant folklore indien, christianisme et ses pérégrinations mentales personnelles, Strawl traverse la contrée pour interroger les suspects potentiels. Chaque rencontre est prétexte à des dialogues qui dérivent toujours où le lecteur ne les attend pas.

Vous aurez remarqué qu'il y a beaucoup de points communs entre Arizona Tom et Animaux Solitaires. Mais ils divergent également sur beaucoup de choses. Là où le premier est direct et sympathique, le second est plus dense et plus sombre. Même l'humour n'est pas le même, Ginzberg est plus grand public, là où Holbert se veux métaphysique et un peu, admettons-le, frappadingue. J'aurais pu les mettre à la suite l'un de l'autre, mais j'ai préféré rester sur un ordre "podium" de préférence.

Animaux Solitaires est le premier roman de Bruce Holbert, et il faut encore remercier Gallmeister pour cette heureuse découverte. Entre le polar et le western, c'est un roman très prenant même s'il est parfois difficile de suivre l'auteur dans ses délires mystiques.

-Arizona Tom, Norman Ginzberg, Heloïse d'Ormesson, 17€.
-Toutes les nuits du monde, Chi Zijian, Philippe Picquier, 18€. Traduit du chinois par Stéphane Levêque et Yvonne André.
-Animaux solitaires, Bruce Holbert, Gallmeister, 23,60€. Traduit de l'américain par Jean-Paul Gratias.

1ère Partie
2ème Partie
3ème Partie
4ème Partie
5ème Partie
6ème Partie
7ème Partie
8ème Partie
9ème Partie
10ème Partie

Classement provisoire:
33.Exil de Jakob Ejersbo.
32.Les Impostures du réel de Frédérick Tristan.
31.Vie et destin de Célestin Arepo de Jérôme Millon.
30.Les Disparus de Mapleton de Tom Perrotta.
29.La Lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson.
28.L'extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea de Romain Puértolas.
27.Hell de Yasutaka Tsutsui.
26.La Conjuration de Philippe Vasset.
25.Intermède de Owen Martell.
24.Uniques de Dominique Paravel.
23.Les Fuyants d'Arnaud Dudek.
22.Manuel El Negro de David Fauquemberg.
21.Parabole du failli de Lyonel Trouillot.
20.Courir sur la faille de Naomi Benaron.
19.La Main de Joseph Castorp de João Ricardo Pedro.
18.Arizona Tom de Norman Ginzberg.
17. Toutes les nuits du monde  de Chi Zijian.
16.Bleu corbeau de Adriana Lisboa.
15.En mer de Toine Heijmans.
14.Volt d'Alan Heathcock.
13.La Saison de l'ombre de Léonora Miano.
12.La fabuleuse histoire du clan Kabakoff de Steve Stern.
11.Animaux solitaires de Bruce Holbert.
10.Folles de Django d'Alexis Salatko.
9.Le Premier vrai mensonge de Marina Mander.
8.Les évaporés de Thomas B. Reverdy.
7.Arvida, Samuel Archibald.
6.La Cravate de Milena Michiko Flasar.
5.Faillir être flingué de Céline Minard.
4.La dépression de Foster de Jon Ferguson.
3.Sous la terre de Courtney Collins.
2.Un Monde beau, fou et cruel de Troy Blacklaws.
1.Et quelquefois j'ai comme une grande idée de Ken Kesey.

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