Les semaines passent et je ne remplis pas les pages de ce blog. Mais ça ne veut pas dire que je n'ai rien lu d'intéressant. Malheureusement, beaucoup de temps a déjà passé depuis que j'ai terminé les trois livres dont je m'apprête à parler. Ne vous étonnez pas si ça parait approximatif, je vais essayer de me remémorer le maximum.
Comme vous pouvez le constater, je garde le format de tir groupé instauré dans ma série sur la Rentrée Littéraire d'août/septembre/octobre 2013, avec toujours trois romans d'origines différentes (un français, un anglo-saxon et un étranger). Mais ne vous attendez pas à plusieurs parties et à un classement pour les sorties de ce début d'année 2014. Par contre, j'ai l'intention de faire des thématiques dont je peux vous révéler maintenant les deux prochaines: d'une part une sur le polar (suite à des circonstances professionnelles, je vais être amené à en lire beaucoup plus que pendant ces deux dernières années, et je ne vais pas m'en plaindre!) et d'autre part, et c'est une véritable première pour moi, sur de la poésie contemporaine.
Un feu d'origine inconnue de Daniel Woodrell
Pour ceux qui lisent mes pages de temps à autres, vous ne serez pas étonnés de voir un ouvrage publié par Autrement. Un feu d'origine inconnue place son cadre dans le Missouri, plus précisément dans la petit bourgade de West Table qui fut traumatisée par une explosion tragique en 1928. Comme le titre français l'indique, la responsabilité de l'événement ne fut jamais vraiment établi. Mais tout au long du roman, le lecteur va pouvoir mettre en ordre les pièces d'un puzzle que les différents personnages lui offriront. A commencer par Alma (mentionée dans le titre original, The Maid's Version) qui raconte, quelques trente ans plus tard, ce qu'elle sait à son petit-fils Alek. Notamment, les frasques amoureuses de sa soeur avec entre autres un notable de West Table.
On est très proches d'un Sherwood Anderson et de son Winesburg, Ohio et dans une moindre mesure le fossé entre les classes très présent rappellent un peu Zola. Daniel Woodrell a su tout bien ficeler entre descriptions crues, multiplications des points de vue et petites énigmes dont les solutions sont repoussées avec habilité.
Il faut noter que cette explosion est un fait divers qui s'est réellement déroulé et que la famille de Daniel Woodrell était elle-même concernée. Serait-ce donc une sorte d'exorcisme du passé? Tout comme dans le roman (du coup autobiographique en partie), cette tragédie ne fut jamais vraiment expliquée et l'enquête chaotique ainsi que le silence des personnes impliquées n'a fait que brouiller les pistes.
Daniel Woodrell a signé plusieurs romans déjà et il m'était inconnu avant que lises celui-ci. Enfin, pas tout à fait, car j'ai réalisé en visionnant une de ses interviews qu'il est aussi l'auteur de Winter's Bone, Hiver de glace en français (Rivages), un de ces ouvrages que j'avais repéré il y a quelques années mais que je n'ai toujours pâs eu l'opportunité de lire.
Pour compenser ces lignes un peu trop vagues à mon goût, je vous invite à lire cet article ainsi qu'à visionner cette video (seulement si vous comprenez sans sous-titres).
Le Grand cabaret du professeur Fabrikant de Yirmi Pinkus
Grasset nous propose le premier roman d'un illustrateur/caricaturiste/auteur de BD israélien. L'histoire d'un théâtre amateur et itinérant entre la fin du 19ème siècle et la Seconde Guerre Mondiale.
C'est Markus Fabrikant qui, pour sauver des orphelines de la pauvreté a préféré les emmener sur les routes de Roumanie et de Pologne, pour des représentations de tableaux vivants autant ludiques qu'instructifs. Sentant la mort approcher, il léguera ce qu'il faut qualifier plus de bien culturel que d'affaire commerciale à son neuveu Herman. Mais cela provoquera l'indignation dans la famille, plus précisément celle de Zofia, la propre mère d'Herman et belle-soeur du professeur qui pensait reconvertir le succès établi par le théâtre au fil des décennies en une affaire plus lucrative encore, c'est-à-dire moins culturelle. Indignation qui se transformera en rancoeur implacable, source de toutes les bassesses.
C'est Markus Fabrikant qui, pour sauver des orphelines de la pauvreté a préféré les emmener sur les routes de Roumanie et de Pologne, pour des représentations de tableaux vivants autant ludiques qu'instructifs. Sentant la mort approcher, il léguera ce qu'il faut qualifier plus de bien culturel que d'affaire commerciale à son neuveu Herman. Mais cela provoquera l'indignation dans la famille, plus précisément celle de Zofia, la propre mère d'Herman et belle-soeur du professeur qui pensait reconvertir le succès établi par le théâtre au fil des décennies en une affaire plus lucrative encore, c'est-à-dire moins culturelle. Indignation qui se transformera en rancoeur implacable, source de toutes les bassesses.
Les personnages féminins ont la part belle puisque l'on suit surtout le staff du théâtre. Parmi elles, Mimi Landau, peu incline à la carrière sur planche, se révèle plus efficace au poste de secrétaire comptable. La rivalité entre Yetti et Kreindl qui partage le public en deux, crée un dynamisme non négligeable au succès de la troupe. Je ne vais pas toutes les énumérer, je vous laisse la découverte des autres.
Illustré par l'auteur lui-même, Le Grand cabaret du professeur Fabrikant est très agréable, d'un style plutôt léger, mais en filigrane, on voit arriver Hitler et ses méfaits. Malgré quelques longueurs, un roman à découvrir.
Nous sommes la meute pas le troupeau de Sandrine Bourguignon
Je ne reculerai jamais en disant que le premier roman de Sandrine Bourguignon, Quelque part dans la nuit des chiens est une petite pépite. Et c'est bien pour ça que je me suis jeté sur le second toujours publié par Sulliver et sa collection "Littératures Actuelles".
Le narrateur et personnage principal c'est un gamin de 16 ans, Moby, surnom qui s'est tellement imposé au vu de son attachement presque amoureux à sa mobylette, La Bleue, à tel point qu'il ne donnera pas son véritable prénom. Agacé par une mère apathique et un père trop occupé à des causes sociales, il décide de se tirer sur les routes en compagnie de sa bonne vieille mobylette et du tout premier livre qu'il a lu, si ce n'est le seul, Peter Pan. Il rencontrera plusieurs personnages qu'il côtoiera plus ou moins longtemps selon les circonstances ou son envie: un couple qui vit en auto-suffisance, Pavel le sans-abri, une petite bande de squatters...
Nous sommes la meute pas le troupeau, est une sorte d'anti-roman d'initiation. On retrouve beaucoup de points communs à ce genre, mais le ton même de Moby, désespéré et basculant dans le je-m'enfoutisme, distord les conventions. Je l'ai parfois compris, parfois il m'a paru agaçant, comme un petit frère qui ne fait pas ce qu'on lui dit.
Beaucoup plus bavard que Quelque part dans la nuit des chiens, ce second roman s'en différencie de manière radicale ne serait-ce que par son aspect voyageur, on n'est pas dans un huis clos comme l'était le premier. Moby ne veut pas s'enfermer, mais fuir, changer son quotidien. Il répétera par ses paroles et ses actes son aversion pour le monde adulte qu'il ne veut pas intégrer (d'où Peter Pan), malgré l'irréversibilité de la chose. Son discours est contradictoire: aussi énervant que touchant, il est truffé des tics de langage et des exagérations propres aux ados, mais ne laisse pas moins place à la lucidité et même à une certaine poésie.
Il est tout de même un point commun plus que notable entre les deux romans: ces quelques lignes qui entrecoupent régulièrement la narration. On se souvient de ce discours de Nicolas Sarkozy authentique qui faisait écho à la situation de Claire et de ses patients. Cette fois-ci c'est une sorte de manifeste, dont la source est fictionnelle je pense, déclamé par un groupe d'ados qui se réfugie dans un phare.
Pour tout vous dire, je n'ai pas autant aimé Nous sommes la meute pas le troupeau que Quelque part dans la nuit des chiens. Je ne peux pas reprocher à Sandrine Bourguignon de faire quelque chose de différent. Ceci dit, ma légère déception ne m'a pas empêché de déceler les qualités plus qu'évidentes de ce second roman et ne m'empêchera pas de suivre la production future de l'auteure.
Un feu d'origine inconnue, Daniel Woodrell, Autrement, 15€. Traduit de l'américain par Sabine Porte.
Le Grand cabaret du professeur Fabrikant, Yirmi Pinkus, Grasset, 22€. Traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz.
Nous sommes la meute pas le troupeau de Sandrine Bourguignon, Sulliver, coll. "Littératures Actuelles", 15€.
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