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dimanche 3 novembre 2013

Rentrée Littéraire 2013 - 9ème Partie: Exil (Jakob Ejersbo), Vie et destin de Célestin Arepo (Jérôme Millon) et La dépression de Foster (Jon Ferguson)

Exil (Titre original: Eksil) de Jakob Ejersbo

Il fallait que ça arrive. Je n'ai pas terminé ce roman. J'en ai lu quand même une bonne moitié, mais je n'ai pas eu le courage de prendre une ou deux journées de plus pour aller jusqu'au bout. J'ai un programme de lecture déja trop important pour insister sur un ouvrage qui ne me passionne pas.

Alors dois-je faire exception et ne pas le chroniquer? ça a toujours été pour moi un principe: ne pas mentionner sur ce blog des livres que je n'ai pas fini. Mais cette série sur la Rentrée Littéraire est suffisamment exceptionnelle pour accepter les entorses à un règlement qui ne s'applique, après tout, qu' à une personne. Galaade était un des petits éditeurs qu'il me semblait bon de tester. Et pour tout vous dire, c'est plus pour cette raison que par envie que j'ai sélectionné Exil.

Le roman commence en 1983, Samantha, 15 ans, nous raconte sa vie d'adolescente dans un lycée international, ses rapports houleux avec la hiérarchie et les intrigues familiales plus que compliquées. Dans une succession de fragments courts, comme un journal, le lecteur assiste à sa déchéance (sexe, alcool, drogue et pépitos). Personnellement, ça me suffisait pour me déplaire. Mais le style est d'une platitude assumée (c'est une ado qui parle) et c'est la principale raison pour laquelle j'ai lâché. Je n'ai pas supporté cette crudité.

Alors bien sûr, ce n'est que mon avis. Jacob Ejersbo (1968-2008) a bénéficié d'éloges repris par l'éditeur et que je vous recopie: "La prose d'Ejersbo est une expérience captivante. Sans relâche, il met à nu le mal fait à une jeune fille et à un continent." (Berlingske Tigende),  "Dans la lignée d'aussi prestigieux écrivains de l'Afrique d'Hemingway, Conrad ou Blixen." (Politiken) ou encore "Ejersbo est par excellenbce un portraitiste de la crudité et de l'inexorable." (Flensborg Avis). Je ne sais rien de ces trois sources mais elles ont certainement plus de crédibilité que moi. Je ne les ai pas citées pour les contredire mais pour contrebalancer un avis expéditif que vous serez en droit de me reprocher.

Je vais même donner l'avantage au roman, voici en partie ce que l'éditeur nous dit sur la quatrième: "Premier livre de la "Triologie africaine, Exil du danois Jacob Ejersbo dresse le portrait cinglant d'une jeunesse occidentale en roue libre dans l'Afrique postcoloniale des années 1980. Fiction ample et ambitieuse, qui n'est pas sans rappeler Conrad ou Blixen, Exil fait la part belle aux personnages déracinés, dans une écriutre visionnaire et virtuose."

Et pour les petits cyniques qui pensent que l'autopromotion d'un éditeur est à prendre avec des pincettes voici un avis extérieur et positif: http://www.pagedeslibraires.fr/livre-3955/exil.html

Je vous encourage donc à vous faire votre propre idée et, si vous avez aimé, vous défie de me faire regretter de ne pas l'avoir terminé.


Vie et destin de Célestin Arepo de Jérôme Millon

Très intrigué par la quatrième de couverture, convaincu que La Fosse aux Ours publie fréquemment de bons romans et poussé par la volonté de lire un premier roman, j'ai sélectionné celui-ci pour qu'il fasse partie de cette série.

Célestin Arepo est un personnage sympathique, comptable d'une usine de roulements à bille, hérité de son père, passionné de mots croisés... Il se lie d'amitié avec Mathieu, gardien au cimetière Montmartre et compagnon de pêche, lieu de rêverie pour Celestin.

Puis il courtise Rose, une serveuse. Alors qu'il l'invite chez lui elle lui demande s'il est croyant. Et là, le roman qui ne commençait pas trop mal perd de son intérêt. Célestin craignant de commettre un impair et de perdre Rose se lance dans une sorte de pèlerinage mystico-métaphysique pour savoir quoi répondre à la question de Rose.

Merci à Jérôme Millon d'avoir fait court (c'est le seul point positif qui l'empêche de se trouver plus bas dans mon classement subjectif), 120 pages sont largement suffisantes pour un roman que j'ai trouvé dispensable. Je veux bien défendre un premier roman, mais, désolé, Vie et destin de Célestin Arepo n'est malheureusement pas un coup de coeur.

Me sentant une fois de plus coupable de cet avis un peu trop expéditif, je vous invite à lire d'autres romans publiés par La Fosse aux Ours comme La Nuit tombé et L'Impasse d'Antoine Choplin ou encore L'Homme qui ne comptait pas les jours d'Alberto Cavanna.

La dépression de Foster (Titre original non mentionné) de Jon Ferguson

Olivier Morattel est un petit éditeur suisse dont la catalogue est encore restreint. Si je ne me trompes pas, La Dépression de Foster n'est que sa onzième publication et le second de Jon Ferguson après 20 ans de réflexion. Le livre m'est arrivé en rayon avec un bandeau promotionnel déclarant: "Une plongée dans la folie" (ne figure pas sur le visuel). Il y a de quoi être perplexe. Le titre lui-même suffit à faire fuir le lecteur lambda qui veut du léger (le titre original n'est pas mentionné, je ne sais donc pas si ça en est une traduction fidèle) pourquoi en rajouter dans l'anti-commercial (volontaire ou non)? Peut-être parce qu'il existe des gens comme moi, un peu taré dont le radar signale La Dépression de Foster comme méritant attention.

Ted Foster a des problèmes de couple, après un divorce avec sa première femme Ruth, les choses n'ont pas bien tourné non plus avec sa seconde Glenda. Sur le chemin de la cinquantaine, on pourrait attribuer un coup de mou à une peur du vieillissement. Son poste pour un fabriquant de jouet pendant vingt-cinq ans est ennuyeux, quelquefois remué par les attaques de parents négligents. Les malheurs du monde peuvent aussi être un poids, de culpabilité ou d'impuissance. Et pourtant rien de tout ça n'est la cause du soudain mutisme de Ted qui va durer un an et demi. Il nous explique avec une extrême lucidité pourquoi ces raisons méritent d'être balayées.

C'est le cadavre d'un serpent qui déclenche tout. Il le découvre lors d'une promenade avec sa fille le cadavre d'un serpent qu'il verra disparaître peu à peu le temps de trois jours seulement. Dix-huit mois sans parler, enfermé à l"asile, déconnecté du monde extérieur. Mais il confiera à son psychiatre (et à Larry King, d'où les brefs chapitres dialogués de deux personnages devant leur télévision), qu'il avait au contraire toute sa tête, même s'il feignait toujours d'être éteint devant les visiteurs, dont sa famille. Les seuls mots prononcés auront été des remerciements destinés à Maria, une infirmière mexicaine avec qui il entretient une relation particulière. A sa sortie, il est embauché dans un fast-food dont il raconte les petites péripéties et nous présente son collègue et son boss, des personnages intéressants.

La dépression de Foster sauve cette neuvième partie de ma série. Il est dommage qu'elle soit consacrée à trois petits éditeurs. Je me sens aussi proche de Ted Foster que de Taguchi Hiro, l'hikikomori de La Cravate. Leurs réflexions, leurs raisonnements, mélancoliques pour Taguchi, désabusés et teintés d'humour pour Ted, possèdent la même lucidité. Celle qui est trop souvent mal comprise. Pour en revenir au bandeau promotionnel et au titre lui-même, je les trouve inappropriés. Déjà pour des raisons commerciales, les mots "dépression" et "folie" sur la couverture d'un livre rebuteront plus d'une personne et aussi parce qu'ils ne correspondent à mon sens pas à l'état du personnage principal. Ted Forster n'est pas déprimé ou ne sombre pas dans la folie, mais témoigne plutôt d'une sorte d'épiphanie. S'exclure volontairement du monde dans lequel on vit n'est peut-être pas la meilleure solution, mais ça n'offre pas la pire des perspectives.


-Exil, Jakob Ejersbo, Galaade, 23€. Traduit du danois par Hélène Hervieu.
-Vie et destin de Célestin Arepo, Jérôme Millon, La Fosse aux Ours, 16€.
-La dépression de Foster, Jon Ferguson, Olivier Morattel, 18€. Traduit de l'américain par Stéphane Bovon.
Classement provisoire:
27.Exil de Jakob Ejersbo.
26.Les Impostures du réel de Frédérick Tristan.
25.Vie et destin de Célestin Arepo de Jérôme Millon.
24.Les Disparus de Mapleton de Tom Perrotta.
23.La Lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson.
22.L'extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea de Romain Puértolas.
21.Hell de Yasutaka Tsutsui.
20.La Conjuration de Philippe Vasset.
19.Intermède de Owen Martell.
18.Uniques de Dominique Paravel.
17.Les Fuyants d'Arnaud Dudek.
16.Manuel El Negro de David Fauquemberg.
15.Courir sur la faille de Naomi Benaron.
14.Bleu corbeau de Adriana Lisboa.
13.En mer de Toine Heijmans.
12.Volt d'Alan Heathcock.
11.La Saison de l'ombre de Léonora Miano.
10.La fabuleuse histoire du clan Kabakoff de Steve Stern.
9.Folles de Django d'Alexis Salatko.
8.Le Premier vrai mensonge de Marina Mander.
7.Les évaporés de Thomas B. Reverdy.
6.Arvida, Samuel Archibald.
5.La Cravate de Milena Michiko Flasar.
4.Faillir être flingué de Céline Minard.
3.La dépression de Foster de Jon Ferguson.
2.Sous la terre de Courtney Collins.
1.Un Monde beau, fou et cruel de Troy Blacklaws.

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