"Rana Toad", ça se mange?

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samedi 16 mai 2015

River Blues (Bill Cheng) et Il était une fois Morris Jones (Ran Walker)


 River Blues de Bill Cheng

 Robert Lee Chatham n'est qu'un enfant lorsque la grande crue de 1927 oblige ses parents et lui à quitter le comté d'Issaquena. Déjà sous le coup d'un premier drame qui a laissé sa mère Etta brisée, ils sont vite séparés.

Robert est recueilli dans un bordel tenu par Miss Lucy, l'hôtel Beau-Miel, où il fera la rencontre du pianiste Eli Cutter, d'Augustus Duke qui veut se faire de l'argent sur le dos de ce dernier et de la charmante Emaline.

Mais ce ne sera qu'une partie du roman, les événements le pousseront malgré lui à l'errance permanente marquée irrémédiablement par d'autres personnages, qu'ils soient trappeurs canadiens ou d'anciennes connaissances, elles aussi ravagées par les années. Autour de son cou, une amulette offerte par Eli Cutter qui le sauvera peut-être d'une malédiction sous les traits d'un Chien qui le poursuit (référence à peine dissimulée à la chanson de Robert Johnson, Hellhound on my Trail.)

Traversant une période où le progrès commencent à s'imposer, River Blues s'imprègne de cette atmosphère du Sud hantée par de fantomatiques notes jouées par de mythiques bluesmen que Bill Cheng ne manque pas de citer dans ses remerciements.

Il était une fois Morris Jones de Ran Walker

Le blues reste intemporel et son influence indélébile dans la musique contemporaine est indéniable. Eric Clapton, les Rolling Stones ou Led Zeppelin n'aurait jamais existé si un nombre incalculable de bluesmen des années 1920-1930 n'avaient pas sillonné avec leur guitare les coins les plus reculés des Etats-Unis.

Certains ont eu la chance d'être enregistrés et même d'être reconnus mondialement, mais certains sont restés obscurs. Morris Jones, le personnage de Ran Walker est le symbole fictionnel, voire l'archétype de ces vieux bluesmen en voie d'extinction.

Le roman se divise en trois parties distinctes et à travers le regard de trois personnages: Coltrane Washington, un écrivain se voit confier l'élaboration d'un article sur Morris Jones et part à Oak Bluff le rencontrer ; le jeune Jason, tout à ses découvertes adolescentes, trouvera dans la musique de Jones une amie insoupçonnée ; et le propre fils de Morris Jones, Ike, recevra des nouvelles de son père après une quarantaine d'années de silence.

Tout au long du vingtième siècle, des spécialistes (notamment Alan Lomax et William Ferris) ont effectué un impressionnant travail de terrain et d'archivage, afin que ces musiciens ne tombent pas dans l'oubli, qu'il soient reconnu comme les racines d'une partie du patrimoine culturel américain voire mondial. Avec Il était une fois Morris Jones, Ran Walker rend à son tour hommage à ce qui est plus qu'un folklore, une expression humaine de l'universel. 


River Blues, Bill Cheng, Rivages, 21,50€. Traduit de l'américain par Cyrielle Ayakatsikas.
Il était une fois Morris Jones, Ran Walker, Autrement, 18 €. Traduit de l'américain Philippe Loubat-Delranc. 

En hommage à B.B. King (1925-2015) 

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