"Rana Toad", ça se mange?

Nous sommes libraires de divers horizons, bibliovoraces friands de découvertes, ici pour partager!

dimanche 29 novembre 2009

Freaks, La revue de l'étrange de Dijon

Une fois n'est pas coutume je présente une revue.

Freaks corp. est une revue trimestrielle de 54 pages format A5 éditée par l'association Sélénor qui s'est fixée comme but de regrouper les artistes graphiques, auteurs ou encore musiciens ayant comme thème commun l'exploration de l'imaginaire sur la région de Dijon.

Je me suis intéressée à cette revue car elle abrite, pour son premier numéro, une nouvelle de Pierre Brulhet. On trouve au sommaire une rubrique cinéma avec des chroniques DVD de films d'horreurs ou fantastiques et un portrait de Rob Zombie, une rubrique nouvelles, des portraits d'artistes comme William Blake, une rubrique musique avec par exemple Sopor Aeternus et enfin une rubrique "Le coin de l'étrange et du surnaturel" avec des thèmes comme les origines d'Halloween ou des mots-mêlés thématiques!

Des articles intéressants et une rubrique nouvelles qui fait la part belle à de nouveaux auteurs talentueux!

Pour ma part j'espère une longue vie à cette revue qui met en avant sa collaboration avec des commerçants locaux comme Ciel Rouge, la librairie spécialisée dans les mondes imaginaires ou le site spécialisé en musiques sombres Guts of Darkness.

Myspace de l'association Sélénor
Myspace de la revue

PS: Merci aux éditeurs de cette revue d'avoir accepté le jeu de la chronique!

Utopiales 09

A l'occasion de la dixième édition des Utopiales de Nantes les Éditions Actusf sortent une anthologie regroupant des maîtres de l'imaginaire sur le thème "où sont passés nos mondes meilleurs?".

Après une introduction de Ugo Bellagamba introduisant le thème, l'anthologie débute par Les Perséides de Robert Charles Wilson qui décrit l'histoire d'amour naissante entre un libraire fan d'astrologie , qui a l'intuition de grandes révélations scientifiques, et une jeune fille compliquée. Les personnages sont finement dépeints mais il ne se passe malheureusement pas grand chose.
Dans Un temps chaud et lourd comme une paire de seins Catherine Dufour nous entraine sur une terre future où les femmes sous adrénaline dirigent la société et le rapport noirs/blancs est inversé. Une nouvelle violente et très intéressante quand au nouvel ordre social et moral qu'elle propose.
Dans Elvis Le Rouge Walter Jon Williams revoit la vie d'Elvis Presley sous le mode de l'uchronie. Et si le chanteur avait adhéré aux idées communistes? Une idée amusante qui n'est pas assez développée à mon goût...
Dans De ma prison de Pierre Bordage nous suivons le monologue intérieur d'une personne enfermée qui fait le bilan des réalisations humaines de manière très pessimiste mais très réaliste ce qui oblige à réfléchir sur le devenir de notre société si des changements profonds ne sont pas envisagés le plus vite possible par les états.
Dans Georges et la comète Stephen Baxter nous suivons deux hommes dont l'esprit est transporté dans des primates sans que l'on sache pourquoi, où , ou en quelle année. Une nouvelle humoristique dans laquelle les personnages échangent leurs points de vue sur leurs peurs et leurs espérances.
Enfin dans Préquelle de Jean-Philippe Jaworski raconte la quête d'une épée sous le mode Héroïc Fantasy!

Une anthologie dont l'association des genres pourra au premier abord surprendre mais qui apporte une vraie diversité de point de vue sur un thème qui nous concerne tous !

Éditions Actu Sf, collection Les Trois souhaits, octobre 2009.

69

Voici la seconde anthologie très attendue mêlant mondes fantastiques et érotisme après celle de Griffe d'encre, Chasseurs de fantasmes ! Chaque nouvelle est l'occasion de découvrir de nouvelles pratiques sexuelles du futur!

Cette anthologie s'ouvre sur Eddy Merkx n'est jamais allé à Vérone de Stéphane Beauverger, un texte qui n'a rien de fantastique mais qui suit le fantasme d'une femme au bord de la plage qui a pour objet le dit Eddy Merkx au sommet de sa carrière... en l'année 1969!
Dans Saturnales Maïa Mazaurette nous fait visiter un hôtel qui permet aux couples de découvrir les pires perversions sur mesure! Dans un futur où toutes les extravagances sont accéssibles et encouragées, tous les modèles de sex-toys, de stimulents, de parfums, de films érotiques, de méthodes de changement esthétiques disponibles, la pire des perversions ne serait-elle pas de faire l'amour comme au bon vieux temps? De loin ma nouvelle préférée!
Dans Misvirginity Daylon aborde le thème classique de l'androïde. On savait déjà qu'un androïde pouvait avoir des pensées et des sentiments mais il semblerait aussi qu'il puisse avoir du désir et raconter ses expériences d'objet sexuel!
Dans Miroir de porcelaine Mélanie Fazi développe l'idée d'un dompteur d'automates destinés à se plier au moindre désir, sensuel, excusif ou violent.
Dans LXIX Francis Berthelot invente un nouveau type de film interactif modulable aux désirs les plus violents et irréalisable dans la vraie vie! Le genre d'invention qui devrait déjà exister!
Dans Toi que j'ai bue en quatre fois Sylvie Lainé s'interroge sur les dangers de dosage des philtres d'amour sur mesure.
Dans Louise ionisée Norbert Merjagnan des objets créés par un savant fou permettent d'explorer le plaisir dans les moindres détails.
Dans la courte nouvelle Sabbat Gudule nous invite à une cérémonie violente de hotdance, plus de place ici aux fantasmes!
Dans Les Métamorphoses d'une martyre Charlotte Bousquet nous invite dans un manoir hanté du XIXème siècle dans lequel nous allons être les témoins d'une vengeance très classique mais très romantique et efficace.
Dans Vestiges de l'amour Jean-Marc Ligny des créatures fantastiques profitent des faiblesses physiques et morales pour séduire jusqu'à rendre leurs victimes complètement folles!
Dans Descente Virginie Bétruger montre que l'amour peut devenir une valeur positive qui peut permettre l'anéantissement de la mort, la détresse morale et du sommeil.
Enfin dans Camélions Joëlle Wintrebert montre que la quête l'amour pourra devenir la valeur qui rendra l'homme immortel au-delà de la conquête des étoiles.

Une anthologie ludique et humoristique permettant d'explorer de nouvelles techniques qui pourraient émoustiller nos sens dans un futur on espère proche!

Éditions Actu SF, collection Les trois souhaits, octobre 2009.

samedi 28 novembre 2009

Nouvelle maison d'éditions: Aqua Lumina

Je suis très contente d'annoncer la création de cette maison d'éditions pour avoir participer à des cours de création d'entreprise avec sa créatrice et l'avoir recroisé au 3ème salon des éditeurs indépendants!

Ligne éditoriale (source site officiel):

"Il existe aujourd'hui une nouvelle génération de dessinateurs qui ont intégré les codes des mangas et des anime en provenance de l'Asie, sans renier leur formation classique, car ils ont baigné dans la BD franco-belge et les comics. Ce sont ces auteurs capables d'un dessin novateur, au carrefour des différents influences, que nous souhaitons vous présenter.

Des BD métissées, au style graphique tirant trop vers le manga pour être académique, ou à la narration trop peu linéaire.

Nous privilégierons le "manga français", c'est-à-dire le noir et le format poche, mais comme vous pourrez le voir très vite, nous fonctionnons au coup de coeur, et les exceptions seront sans doute nombreuses."

Voici ses deux premières publications:

Mymy's Zodiaque, un recueil ludique pour expliquer l'astrologie aux jeunes filles. Il se présente sous forme de double page: à gauche une explication très sérieuse des caractéristiques de chaque signe, à droite et pages suivantes une illustration, par décan, tour à tour "séduisante" ou "pensive".

Extraits

Journal d'une baleine, petit album décrivant avec humour toutes les questions sérieuses ou non que peuvent se poser les jeunes femmes enceintes pendant leur grossesse et la réaction de leur jeunes conjoints! Si c'est une fille avec qui Papa jouera-t-il aux jeux vidéos? Maman abuse-t-elle de son état pour se faire dorloter ou passer aux caisses prioritaires?

Illustratrice: Manboou

Extraits

vendredi 27 novembre 2009

3 ème salon des éditeurs indépendants du Quartier latin

Du 27 au 29 novembre se tient à la Mairie du 6e, Place Saint-Sulpice, 29 rue Bonaparte à Paris le 3 ème salon des éditeurs indépendants du Quartier latin organisé par la Librairie Pippa.
Une bonne occasion de croiser des éditeurs pas forcément présent dans toutes les librairies!

Maisons d'éditions présentes:

A Dos D’Ane - A La Frontière - Alain Baudry – Albertine – Al Manar – Al Qalam – Altissima – Antidata – A Propos – Archives & Culture – Les Arêtes – L’Arganier – Aronsil – Atelier de l’agneau – Bernadette Planchenault – Le Billet Poème – du Bout de la rue – Caractères – Carnets des Tropiques – Carré d'Encre – Cassandre Horschamp – la Cause des Livres – Chèvre Feuille Etoilée – Codupo – Le Coltin Grafik – Les Contrebandiers - La Cour Pavée – Cygne – Dadoclem – Delga – l'Autre Rive – Les Deux Océans – Eclats d’Encre – Écrire Aujourd’hui – Les Éditions de Paris – Empreintes – En Chemin – Est-Ouest Internationales – Frichtre – La Girandole – HD – Hongfei Cultures – Honoré Clair – Huitième Jour – Jardin des Livres – Jasmin – Keskiri – Kolam – LCD Médiation – Le Grand Incendie – Léopard Masqué et Démasqué – L’Inévitable – Loic HERRY – Magellan – Mama – Marie de Holmsky – Medi-Text – Mémoire Vivante – Midi – MJWF – Møtus – Nouvel Athanor – Parimagine – Pascal – La Passe – Pasta Maroilles – Petra – Pippa – Poonaï – Pour l’Autisme – Le Pré du Plain – Pyro – Régine Lussan – Riveneuve – de la Rue – Rougier – Siranouche - Société des Poètes – SPM – Synchronique – Teckel – Territoires Témoins – Triartis – Turquoise – L’Usine – Éditions du Zinc…

Seront aussi présent les illustrateurs:

Laurence Cornou - Eve Grosset - Claire Lhermey - Sylvia Lulin - Marie Malherbe - Emmanuel Asquier- Brassart

Programme complet ici

mardi 24 novembre 2009

Le destin de Jeanne d'Arc aurait été totalement différent si elle n'avait pas eu dans son troupeau un mouton ventriloque.

"Mon Boomerang s'appelle Revient!", Vincent Haudiquet, in Fluide Glacial n°384 (Juin 2008)
Il a eu la conviction qu'il ne se passerait rien. Ils pourraient rester face à face pendant des années sans que Werner réagisse. Cette partie n'était pas une bonne idée, a pensé Igor en dodelinant de la tête, lèvres serrées, paupières clignotantes. Il a commis alors un geste non prémédité. Il a avancé son pion noir de deux cases sur l'échiquier. C'est une incongruité, une absurdité. Aucun joueur, depuis que le jeu d'échecs a été inventé, il y a plusieurs siècles, n'a jamais commencé une partie avec les noirs. C'était un sacrilège. Une impossibilité. Quelque chose qui ne pouvait pas se faire, ni se concevoir. C'était organique, consubstantiel aux échecs. Werner a redressé le visage, stupéfait et perplexe. Il avait la bouche ouverte, les yeux ronds, et dévisageait Igor. Il a secoué la tête en grognant, pour lui signifier que ce geste avait d'invraisemblable. Puis, sans hésitation, il a pris son pion blanc et l'a avancé de deux cases face au pion noir d'Igor. La partie venait de commencer.

Le Club des Incorrigibles Optimistes, Jean-Michel Guenassia, Albin Michel.

mercredi 11 novembre 2009

Chasseurs de fantasmes

Dire que cette anthologie mêlant mondes fantastiques et érotisme était attendue serait un bien doux euphémisme! Loin d'un érotisme pudibond les auteurs regroupés ici explorent les fantasmes et les sensualités afin d'entraîner le lecteur dans des mondes inexplorés au service de la jouissance!

Dans
Vieillir d'amour l'auteur Ayerdhal nous entraîne dans les traces d'une mante religieuse recouvrant la jeunesse grâce à l'absorption de celle de son amant. La seule solution pour que celui-ci puisse vivre sera une séparation dure à vivre pour l'héroïne.
Dans
Les Éphémères, Jean-Michel Calvez narre l' étreinte brève mais nécessaire à la reproduction d'une société de plongeur. Quand l'obligation passe avant la sensualité et le fantasme.
Dans (R)EVE de Lucie Chenu une sculptrice fantasme sur sa statue qui prend alors vie et réalise ses fantasmes jusqu'au crime. Mais où s'est arrêté le fantasme: dans la tête de la dite sculptrice ou à la limite de la mort?
Dans
La Trace de l’homme Anne Viélan décrit l'arrivée d'un explorateur dans un monde où l'interdiction de l'acte sexuel est la seule restriction à la dévotion d'un nouveau Dieu barbare. Mais il tombera sous les charmes d'une prostituée et se posera alors la question de comment ne pas trop influencer ce monde.
Dans
Les Langages de la peau Jean-Claude Dunyach raconte le passage du tabou de la sensualité ressentie par le jeune enfant lors de la têtée à celui de l'exploration toujours plus profonde de la sensualité de la chair jusqu'à la fusion de deux être voir le cannibalisme!
Dans
Il tirait son glaive dans les nues Leni Cèdre une femelle de haute caste décide de se rebeller contre sa condition et de descendre explorer si les fantasmes rapportés sur les humains sont vrais. Elle découvrira la sensualité et aspirations d'une race menacée.
Dans
L’Anémone ML Schultze suit le monologue intérieur d'une jeune femelle qui ne peut satisfaire ses désirs parce que son membre n'a pas poussé et qu'elle y est autorisée qu'à cette condition ainsi que celle de ne pas se satisfaire avec une caste plus basse que la sienne. Son Maître la fait donc escorter pour qu'elle respecte ces règles. Mais elle découvrira la sensualité par une anémone mystérieuse, se jouera alors un jeu de plaisir physique et répulsion sociale...
Dans
Naufrage, avec Sable et Sinople (ou Loïc Henry? ) nous suivons les pas d'une anthropologue qui dans un monde où l'amour est aseptisé et codifié par voir comment cela se passe chez les "indigènes" de la planète sur laquelle son équipage a atterri.
Dans
Simulation Love Li-Cam, auteur aussi de Lemashtu / Chroniques des Stryges chez le même éditeur, un soldat se porte volontaire pour une simulation d'acte sexuel avec un ordinateur. Pas très motivé au début il se prendra au jeu plus vite et intensément qu'il ne le pensait.
Dans
Thaïs sur la mauvaise pente Benoît Giuseppin suit les pas la prostituée Thaïs (référence au personnage de Thaïs .) prophétesse en phallomancie (art divinatoire sur les parties génitales!) attirée par les sirènes d'une nouvelle boîte croissant le chemin d'un véritable ange, ce qu'elle comprendra en exerçant son art!, le cénobite Paphrutius (référence)ayant fuit son abbaye pour ramener au repentir les femmes croisées sur les routes et essayant de la convaincre qu'elle ne va qu'à sa perte... mais "une rencontre plus que convaincante" avec le propriétaire de la dite boîte la fera définitivement changer d'avis... (on la comprend vu la description de la "scène"!)
Enfin dans
Les Autres de Christian Vilà, un prostitué découvre l'abattoir auquel sont envoyés les rebelles au pouvoir et autres déviants après un accord entre aliens, les dits Autres, et le gouvernement humain. Ma nouvelle préférée de ce recueil ( avec la précédente!) subtil mélange de gore, d'érotisme débridé (la dernière étape avant l'abattoir étant de laisser les lots de viande copuler dans une étreinte sensuelle et désespérée !) et de dénonciation politique!

En conclusion un recueil plus que réjouissant dans lequel les auteurs n'hésitent pas à traiter tour à tour tous les sujets sexuels et sociaux tabous de façon parfois injustifiée dans notre société actuelle!

Un extrait de chaque nouvelle à lire sur le site de l'éditeur

Rencontres croisées avec Actu sf qui publie un recueil sur le même thème:

- Café littéraire le vendredi 13 novembre, à partir de 19h. Le Motif, 6, villa Marcel-Lods Passage de l’Atlas 75019 Paris.
- et le
samedi 14 novembre au Spirit Café, 11 rue Rameau, 75002 Paris de 15h à 18h.
(Page Facebook)

Griffe d'encre, octobre 2009.

lundi 9 novembre 2009

La maison de l'Ombre

J'ai rencontré Armelle Carbonel à la cession d'octobre de Place aux Livres! . Elle m'avait contacté via le groupe Facebook de l'évènement. Ma première réaction? Pourquoi des gens pensent avoir du talent au point de s'auto-éditer? Les grandes maisons d'éditions ne les ont-ils pas refusé à raison?
Après une rencontre très sympathique je peux dire à présent que j'ai eu l'honneur qu'elle veuille bien jouer le jeu de la chronique au point de m'offrir un exemplaire de son thriller plus qu'efficace!

Une mère est hantée par le meurtre brutal de sa fille 25 ans auparavant, déjà, quant à sa cinquième année de psychothérapie un second meurtre se déroule au même endroit, dans les mêmes circonstances. Déjà qu'elle avait du mal...
Loin d'une caractérisation au pathos insultant de bien des thrillers dans lesquels le héros est bien sûr toujours traumatisé, Armelle Carbonel nous entraîne dans une enquête dans laquelle notre héroïne va devoir aller au-delà autant d'elle même que des clichés de la police ou des raccourcis faciles. On l'a pensera un temps aidé par un libraire spécialisé en polar... mais ce n'est que le début d'une piste plus sérieuse à côté de laquelle tous les enquêteurs sont bien entendu passés!
L'auteur parvient à nous plonger dans une ambiance étouffante et labyrinthique qui n'est pas sans rappeler le film Cette femme-là avec Josiane Balasko.

Finalement pourquoi ne pas laisser aux "grands éditeurs" les polars et thrillers copiés/collés sur de grands maîtres? Armelle Carbonel a-t-elle besoin d'aller faire des concessions sur son texte afin qu'il passe?

Me concernant j'ai hâte de découvrir son livre suivant qu'elle viendra présenter à Place aux Livres! le 17 décembre!

Fiche de l'ouvrage sur The BookEdition.com et un extrait à lire absolument!

Site officiel de l'auteur

Armelle Carbonel, The BookEdition.com.



mardi 3 novembre 2009

With Your Wooden Sword So Mighty: Wisconsin de Mary Relindes Ellins

Mis de côté, dans ma tête, avec tant d'autres livres dont la liste s'allonge tous les mois, Wisconsin a échappé au couperet de ma mémoire sélective. J'ai tout de même mis deux ans et demi à l'ouvrir. En fait, je lui ai forcé une petite place parce qu'il ne faut pas oublier que des livres qui datent n'ont pas moins d'intérêt que ceux qu'on voit en vitrine ou sur table.

Premier roman de Mary Relindes Ellis, Wisconsin tourne autour d'une poignée de personnages. John Lucas, père violent et exécrable, comble ses soirées au bar du coin avec ses vantardises douteuses sur son passé militaire (preuves en sont les médailles qu'il aurait méritées). Il se réjouira du départ pour le Viet Nam de son fils aîné James, volontaire par échappatoire à cette brute paternelle. Figure jusqu'au bout antipathique, il sera le seul personnage à ne pas bénéficier d'une focalisation particulière.

Le départ de James, il se situe dans les premières pages, est un point de rupture direct pour son petit frère Bill ainsi que pour sa mère, Claire. Par ricochet, Ernie et Rosemary Morrisseau, les voisins, en ressentiront également les retombées pendant les décennies à suivre. Au fil des souvenirs et des blessures de chacun de ces personnages, dans une narration à voix multiples, les secrets se dévoilent et les liens affectifs se ressèrent.
Le choix du point de vue narratif, partagé entre la troisième personne, pour Ernie et Bill, et la première pour Claire et Rosemary, pourrait être facilement sujet à quelques réfléxions simplistes. Cependant les personnalités masculines et féminines sont tout aussi bien maitrisées par l'auteur. James n'a-t-il pas d'ailleurs une voix à part, à travers les lettres qu'il envoie à son frère? Son absence sprectrale et paradoxalement omniprésente se révèlera comme centrale au rapprochement de ces intimités tourmentées.

Je pourrais chipoter sur le choix du titre en français, non pas à cause de sa pertinence, mais parce qu'il glisse du choix initial et signifiant de l'auteure à quelque chose de trop géographiquement générique. Le titre original, The Turtle Warrior, fait référence au jeu favori du petit Bill qui, muni d'une carapace de tortue comme bouclier et d'une épée en bois, anéantit tous ses ennemis. Invisibles et vulnérables dans leur forme ludique, ils laisseront place pour ce garçon à la douceur écorchée à d'autres obstacles moins symboliques. De ceux auxquels Bill croira échapper par l'alcool. Je ne vous dis pas à quel moment du livre il se débarasse de cet attirail si protecteur.

Il est presque difficile d'en dire plus sur les qualités de ce premier roman. Servi par des descriptions du décor naturel du Midwest empruntes de sensibilité et par un souffle tel qu'on en attend des meilleurs auteurs américains, Wisconsin n'a pas réussi à me décevoir par de fausses promesses.

Wisconsin, Mary Relindes Ellis, 10/18, 8,60€. Traduit de l'américain par Isabelle Maillet.

dimanche 1 novembre 2009

I Was Born To Have Adventchum: Collection "Chambres Noires" (Mango Jeunesse)

Une nouvelle collection policière attire forcément mon attention. Surtout si elle s'adresse à un public plus jeune que d'habitude. Mango Jeunesse nous propose "Chambres Noires" et ses quatre titres sortis simultanément en septembre. Dirigée par le crédible (c'est un euphémisme) Jacques Baudou, elle a pour principal objectif de "renouer avec la tradition des récits d'aventures" francophones du XXème siècle. Des noms tels que Maurice Leblanc, Gaston Leroux ou Pierre Véry, qui fait justement partie de cette premièr fournée, viennent à l'esprit. Un but au moins aussi important est certainement de proposer à un public pré-adolescent et adolescent (j'estime la fourchette entre 10 et 17 ans) une alternative à l'envahissante heroic fantasy ou bien de diversifier un genre déjà brillamment défendu par les anglo-saxons. Dire par exemple aux accros de Chérub qu'il existe aussi une voix francophone au moins aussi défendable.

Avant d'aborder le quatuor inauguratif de la collection, laissez-moi gentiment vous farcir le crâne avec une digression nostalgique. Je situe mes premières lectures policières avec une série dont je ne me souviens plus très bien le nom exact. C'était un jeune personnage (Bobby L'astuce, un nom de ce genre) que j'avais découvert avec mes camarades de CM2 dans l'armoire au fond de la classe (petite bibliothèque dans laquelle je me suis réfugié au temps de mon exil pour insubordination). Voisin d'étagère de Fantômette, qui était également très populaire parmi nous, ses enquêtes (plusieurs par volume si je me souviens bien) avaient l'intérêt ludique de ne pas finir avec des explications, mais proposait au lecteur de trouver lui-même la solution. Mais mes souvenirs sont déjà plus clairs quand il me faut évoquer l'importance, sur mon parcours littéraire, des "Trois jeunes détectives", Hannibal, Peter et Bob. Publiées entre la deuxième partie des années 60 et la fn des années 80 (je me réfère grossièrement aux dates données) par Random House aux Etats-Unis, leur quarantaine d'aventures est traduite en France par la "Bibliothèque Verte" sous le nom d'auteur d'Alfred Hitchcock ("en collaboration" avec Robert Arthur, notamment). Les titres, adaptés, tels que Le Crâne qui crânait ou Une Araignée appelée à régner, vont peut-être faire tilt dans la tête de quelques-uns d'entre vous. J'ai eu la bonne idée d'en racheter en occasion la totalité (enfin je pense), avant de savoir qu'ils n'étaient, soupir, plus disponibles (même chez Gibert comme je m'en suis rendu compte peu après). Seules rescapés de ce désastre, vous pouvez encore trouver dans Livre de Poche Jeunesse, Le Perroquet qui bégayait et Les Douze Pendules de Théodule, encore parfois, surprenantes, prescriptions scolaires. Je ne vous demande pas de m'excuser pour ces lignes superflues, je fais ce que je veux.

Nicolas Bouchard, déjà publié chez divers éditeurs et dans des genres comme la science-fiction et le roman historique, rajeunit, dans Les Disparus de la source, Augustine Lourdeix, son personnage récurrent chez Flammarion. Jeune adolescente qui dévore tous les livres qui lui passent sous la main, Augustine retrouve son cousin à la campagne pour les vacances d'été. A peine est-elle arrivée qu'un personnage louche fait son apparition et que des enfants des environs disparaissent les uns après les autres. Une histore qui tient la route et un suspens bien entretenu, agrémentés habilement d'un petit cours sur une partie de l'histoire du mouvement des Rose-Croix dont certains protagonistes nous font l'honneur de faire partie intégrante de l'intrigue. Une annexe présente de petites notices explicatives sur le sujet, pour ceux qui voudraient aller plus loin.


Auteure très prolifque dans le policier pour jeunesse, Béatrice Nicodème nous propose un Assassin! (pour l'anecdote, une cliente s'est arrêtée sur le titre et en a conclut que le contenu était trop violent) assez contemporain pour accrocher le lycéen lambda d'aujourd'hui. Entre sa brouille avec son meilleur pote pour une histoire de fille et le retour improbable d'une ancienne connaissance, Damien pense que son quotidien est déjà assez mouvementé. Pourtant quand il commence à recevoir des messages anonymes et une demande de rançon, le poids de sa culpabilité va le faire prendre des chemins qu'il ne soupçonnait pas. Malgré une incohérence flagrante (comment peut-on oublier d'avoir été témoin d'un accident de la route?), ficelle utile pour cacher au lecteur un indice plus qu'important, le roman ne manque pas de rebondissements et se laisse terminer sur une bonne impression.

Réédition en forme d'hommage mais aussi de manifeste symbolique, Signé: Alouette de Pierre Véry a pour protagonistes une bande de gamins qui se prennent d'amitié pour un aveugle qui se promène aux abords de leur école. Certaines choses bizarres, comme des codes secrets qui apparaissent à une fenêtre, coïncident pourtant avec cette louche apparition. Toute la petite bande va s'improviser détectives pour tenter d'élucider ces mystères, mais les choses se compliquent quand l'un d'eux est kidnappé. Du point de vue de l'action et des coups de théâtre, Pierre Véry ne manquait jamais d'être efficace, on ne peut pas lui retirer ça. Toutefois, si l'aspect vieillot ne manque pas de charme (expessions, comportements de l'époque...), l'éditeur a choisi d'assumer certains passages franchement colonialistes, voire racistes, moins douteux pour les années soixante que pour la jeunesse d'aujourd'hui. Le paradoxe qui ressort de ce début de collection c'est que le seul des ouvrages ayant pour personnage un représentant de ce que l'on appelle les "minorités visibles" a beau le décrire comme sympathique, d'autres traits caractéristiques apparaissent forcément plus que déplacés. Je ne veux pas provoquer de controverse ou aire une leçon de morale mais, Les Disparus de la source excepté (il échappe à cette critique grâce a son cadre historique et campagnard), les deux romans qui se présentent clairement comme contemporains aurait pu l'être davantage. Peut-être est-ce une peur inconsciente des auteurs de tomber dans les clichés, après tout...

Le quatrième roman de la collection a pour auteur prestigieux André-François Ruaud, figure emblématique de la paralittérature. Outre sa casquette de directeur littéraire pour Les Moutons électriques, la liste de ses contributions inspire un certain respect. Un exemple ou deux? Je suis généreux: http://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9-Fran%C3%A7ois_Ruaud. Le Voleur Masqué a lui aussi un cadre scolaire puisque l'intrigue se déroule dans l'établissement/internat des Chartreux à Lyon. Gros clin d'oeil aux Six Compagnons de Paul-Jacques Bonzon puisque les detectives en herbe ne sont autres que les fils respectifs de Tidou Aubanel et de Lois Gerland ("Gnafron"). Un journal satirique, de fausses moustaches collées au buste du fondateur de l'établissement, des événements drôles autant que mystérieux qui vont mettre en action le goût pour l'enquête, héréditaires donc, de Jigé, Aurélien et Morgane. Mais la suite va se révéler de plus en plus inquiétante. Petite parenthèse, petit clin d'oeil supplémentaire, un personnage est nommé... Véry. Le meilleur effort, à mes yeux de cette première salve de "Chambres Noires".

Bien que gentillets si on les compare à une série très populaire comme Chérub de Robert Muchamore (Casterman), ces quatre titres inauguratifs, s'ils peuvent décevoir les jeunes avides d'adrénaline, peuvent convenir pour les grands lecteurs dont les parents désaprouvent les scènes musclées et l'allusion à des méfaits et délits plus réalistes. Mais, pas de faux procès, la qualité des textes et des intrigues suffit à convaincre que la collection répond honnêtement à ses objectifs.


Les Disparus de la source, Nicolas Bouchard.
Assassin!, Béatrice Nicodème.
Signé: Alouette, Pierre Véry.
Le Voleur masqué, Paul-André Ruaud.
Collection "Chambres Noires", Mango Jeunesse, 9€ pièce.

La Loi du désert

Au cœur de la cité-état Salina, située au milieu d'un désert aride et dangereux où règnent Les Blafards, des hommes excommuniés vivants dans des tunnels sans lumière après des siècles de conflits qui ont dévastés le royaume, se prépare l' expédition de Mathian et de son ami Blaine afin de retrouver son frère Raul. Guidés par les lettres du frère ils vont bravés les lois de la cité asservissant jour après jour la volonté de liberté et de rébellion de ses habitants.

Nos deux héros vont devoir affronter les éléments, la chaleur, la violence des Blafards autant sur que sous terre et dans les airs pour non seulement découvrir le lieu de détention du frère mais aussi percer à jour la propagande gouvernementale: que cache en effet la politique de propagande anti-blafards? et les rumeurs de guerre au-delà des frontières de la cité-état? Sachant que la vie de la cité est bercée par les disparitions inexplicables, et dit-on politiques, et des rumeurs de torture...

Un roman d'aventure et d'anticipation dont le sujet pourrait paraître banal s'il n'était pas transcendé par l'amour fraternel et la quête de la liberté et de la vérité. Un roman essentiel qui insuffle un désir de prendre son destin en main et de se rebeller à notre tour et n'est pas sans rappeler le film Furia!

Site officiel de l'éditeur
Site officiel de l'auteur
Site officiel de l'illustrateur de la couverture

Franck Ferric, Éditions du Riez, septembre 2009.

Les Derniers cow-boys français

La vie d'un policier banal s'écroule lorsque sa femme le jette hors du domicile familial. Après une bavure, il a "corrigé" des misérables vendeurs de shit, il démissionne et tombe sous le charme d'un gourou. Ils fuient ensemble une réalité à la moralité trop étriquée dans un road trip nihiliste, méchant et sale dont la seule issue sera la séparation amoureuse ou la mort.

Andy Vérol nous entraîne dans un road movie sans aucune complaisance pour son héros. Grâce à la focalisation interne et de court chapitre nous sommes immergés dans la déliquescence morale et physique d'un héros perdu entre son incapacité à trouver sa place dans ce bas monde et impossibilité de créer son propre système de valeur.
Ce roman rappelle les grands maître de la Beat generation tout en étant beaucoup plus désespéré. Comme un miroir de notre société dans laquelle il n'y aurait d'autres issues que la soumission ou la mort!


Extrait:

"Elle s'est barrée depuis une semaine

Mes pensées/gangrènes se juxtaposent aux envies de sexe en toute liberté. La désolation. Les trahisons. Mettre des mots les uns derrière les autres. Ma tête est caphamaum. Naturellement la flasque est vide et empeste. Ces «dosettes» de cognac sont infectes.
Dans sa Touraine natale si sereine, elle s'est planquée, comme une chienne qu'elle est, avec mon gosse. Ma vie. Mes meubles. Tout. Tout ce fatras et ces vides vertigineux, c'est mon chez-moi de trentenaire célibataire. Fraîchement célibataire... Les scenarii actuels des pires navets télévisés ne proposent plus ces histoires grotesques : la pétasse se casse avec tout le bordel du ménage parce que son connard de Jules la gonflait avec ses «chui qu'une merde».
Balbutiements de la mémoire. Avant que mes nerfs ne se déchi­rent, j'ai pris une journée de récupération pour zoner sur mon matelas, mes draps froissés et mon oreiller jauni par mon cuir chevelu. Qui ne l'aurait pas fait ? Je sors d'un jour et j'entre dans une longue nuit. Je crois. Le fait que chacune de mes réflexions soit emplie de «je», de «moi» et de «moi-même» indique que, cette fois, je suis en phase de sortie de l'en-monde.
Tout me préoccupe. L'angoisse monte rapidement dès qu'il me faut prendre la moindre décision...
Justine s'était approchée de moi, le regard en velours, l'amour, les mains manucurées, les vêtements de dame sexy et une voix un peu rauque. À 21 ans, elle avait la voix d'une vieille fumeuse. Et c'est aussi sans doute ça qui me fit craquer, alors. Ses cheveux noirs très longs tombaient en cascade jusqu'à la cambrure ultime, le dessin/toboggan de ses fesses rondes. Les souvenirs sont intacts. Très clairement, et très honnêtement, j'ai certainement les souvenirs de photos d'elle. Pas des images en mouvement de son corps, ses mimiques. Simplement le souvenir de sa gueule figée sur les photos : «Avec maman», «À la plage avec Franck», «Ça c'était dans les Landes, qu'est-ce qu'on s'est marrés», «Là c'était un délire à la piscine municipale avec Martine et Lucie, tu sais les copines de celui qu'on appelle d'Artagnan parce qu'il...», «Là on venait de s'engueuler et on s'était réconciliés au supermarché dans le rayon charcuterie», «Ah tiens, le mec là, c'est celui qui a essayé de se taper Justine», «Ouais Berlin c'est une super ville, sauf qu'il faisait -12 ° et que j'avais un manteau de merde»... Des souvenirs en tonnes. L'encombrement inutile de ma boîte crânienne."

Andy Vérol, Éditions Pylône, mars 2008.