"Rana Toad", ça se mange?

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dimanche 1 novembre 2009

Les Derniers cow-boys français

La vie d'un policier banal s'écroule lorsque sa femme le jette hors du domicile familial. Après une bavure, il a "corrigé" des misérables vendeurs de shit, il démissionne et tombe sous le charme d'un gourou. Ils fuient ensemble une réalité à la moralité trop étriquée dans un road trip nihiliste, méchant et sale dont la seule issue sera la séparation amoureuse ou la mort.

Andy Vérol nous entraîne dans un road movie sans aucune complaisance pour son héros. Grâce à la focalisation interne et de court chapitre nous sommes immergés dans la déliquescence morale et physique d'un héros perdu entre son incapacité à trouver sa place dans ce bas monde et impossibilité de créer son propre système de valeur.
Ce roman rappelle les grands maître de la Beat generation tout en étant beaucoup plus désespéré. Comme un miroir de notre société dans laquelle il n'y aurait d'autres issues que la soumission ou la mort!


Extrait:

"Elle s'est barrée depuis une semaine

Mes pensées/gangrènes se juxtaposent aux envies de sexe en toute liberté. La désolation. Les trahisons. Mettre des mots les uns derrière les autres. Ma tête est caphamaum. Naturellement la flasque est vide et empeste. Ces «dosettes» de cognac sont infectes.
Dans sa Touraine natale si sereine, elle s'est planquée, comme une chienne qu'elle est, avec mon gosse. Ma vie. Mes meubles. Tout. Tout ce fatras et ces vides vertigineux, c'est mon chez-moi de trentenaire célibataire. Fraîchement célibataire... Les scenarii actuels des pires navets télévisés ne proposent plus ces histoires grotesques : la pétasse se casse avec tout le bordel du ménage parce que son connard de Jules la gonflait avec ses «chui qu'une merde».
Balbutiements de la mémoire. Avant que mes nerfs ne se déchi­rent, j'ai pris une journée de récupération pour zoner sur mon matelas, mes draps froissés et mon oreiller jauni par mon cuir chevelu. Qui ne l'aurait pas fait ? Je sors d'un jour et j'entre dans une longue nuit. Je crois. Le fait que chacune de mes réflexions soit emplie de «je», de «moi» et de «moi-même» indique que, cette fois, je suis en phase de sortie de l'en-monde.
Tout me préoccupe. L'angoisse monte rapidement dès qu'il me faut prendre la moindre décision...
Justine s'était approchée de moi, le regard en velours, l'amour, les mains manucurées, les vêtements de dame sexy et une voix un peu rauque. À 21 ans, elle avait la voix d'une vieille fumeuse. Et c'est aussi sans doute ça qui me fit craquer, alors. Ses cheveux noirs très longs tombaient en cascade jusqu'à la cambrure ultime, le dessin/toboggan de ses fesses rondes. Les souvenirs sont intacts. Très clairement, et très honnêtement, j'ai certainement les souvenirs de photos d'elle. Pas des images en mouvement de son corps, ses mimiques. Simplement le souvenir de sa gueule figée sur les photos : «Avec maman», «À la plage avec Franck», «Ça c'était dans les Landes, qu'est-ce qu'on s'est marrés», «Là c'était un délire à la piscine municipale avec Martine et Lucie, tu sais les copines de celui qu'on appelle d'Artagnan parce qu'il...», «Là on venait de s'engueuler et on s'était réconciliés au supermarché dans le rayon charcuterie», «Ah tiens, le mec là, c'est celui qui a essayé de se taper Justine», «Ouais Berlin c'est une super ville, sauf qu'il faisait -12 ° et que j'avais un manteau de merde»... Des souvenirs en tonnes. L'encombrement inutile de ma boîte crânienne."

Andy Vérol, Éditions Pylône, mars 2008.


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