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dimanche 8 août 2010

Deux policiers pour l'été

Comme certains le savent, j'ai intégré une nouvelle librairie à Paris. J'ai la chance de cotoyer un très bon libraire, une occasion de faire évoluer ma culture livresque en suivant ses conseils :)
Dans le genre policier, j'avais déjà quelques notions : Indridason, Robinson, Aspe, Vargas, Mo Hayder, Larsson (incontournable!) plus récemment Maitland, Suarez, des auteurs japonais comme Yumeno Kyusaku et son terrible Dogra Magra ou encore du polar fantastique à la Somoza.
Des connaissances sommes toutes très faibles quand on fait le point sur un genre vaste et de plus en plus demandé. Les deux critiques ci dessous sont donc l'entame d'une longue (je l'espere!) liste de découvertes, pour les noobs du polar comme moi :)

Le Poete : noir à souhait, avec autant de rebondissement dans l'intrigue qu'une balle malmenée par un fou de flipper. En un mot : efficace.
Si l'on vous demande un bon polar que l'on dévore d'une traite : Le poète. L'intérêt premier est le point de départ : notre enquêteur est journaliste. Cet oeil exterieur permet d'appréhender un angle de recherche loin des procédures habituelles.
La mort de Sean McEvoy - ce flic que l'on savait dépressif - d'une balle dans la tête, ne choque personne. Tout au plus veut-on l'oublier dans son unité, car il fait partie de ceux qui ont craqué. Seul son frère jumeau Jack (journaliste) ne classe pas le dossier et s'interroge encore.. et puis il y a ce mot d'adieu, plutôt étrange, un vers d'Edgar Allan Poe : "Hors de l'espace, hors du temps".
Un message qui pourrait mener au plus grand tueur de flics de l'histoire : le Poete.
Une critique tout de même : trop de changement à 180° à la fin, j'ai eu le tournis!

Le Poete, Connelly, traducteur Jean Esch, Points 8€

Un polar historique pour fins gourmets : Le cuisinier de Talleyrand.
On change totalement d'univers pour attaquer un sous-genre du polar : l'historique. Un genre difficile qui se doit de conjuguer érudition et art de l'intrigue, un exercice accomplit ici avec brio.
L'histoire se passe en 1814, un contexte historique houleux puisque Napoléon est captif sur l'île d'Elbe et qu'on le sent ourdir son retour.
Lors d'un grand congrès à Vienne se retrouvent les grandes puissances victorieuses et vaincues pour décider du sort et des nouvelles frontières de chacun : on redécoupe l'ancien empire. Le diplomate Talleyrand représente la délégation française.
A l'aube des négociations un corps est retrouvé, un corps méconnaissable, méticuleusement broyé. Les pistes mène l'inspecteur Janez Vladeski jusque dans les cuisines d'Antonin Carème, le cuisinier et meilleur atout de Talleyrand pour ses négociations.
Complot bonapartiste? Scene de ménage? Vengeance? Le mystere s'épaissit..

L'intrigue n'est pas des plus originales mais reste très bien amenée. Ce qui fait le charme de ce livre, c'est à la fois ce portrait saisissant d'une époque, dans un style travaillé que l'on picore avec bonheur, et son côté complètement immersif. J'ai ressenti les mêmes vertiges lors de ma lecture de la Compagnie des Menteurs (Sonatine) : à chaque fois que je reprenais une partie du récit, j'étais en train de fouiner dans des cuisines aux senteurs délicieuses, entrainée depuis les rues sales de Paris jusqu'aux tripots de Vienne, ou bien même au coeur de ces banquets où se jouèrent l'Histoire.

"Il fut émerveillé par la palette des couleurs, le jeu magique d'ombre et de lumière qui allumait les grilles des fourneaux, l'acier des lames, le ventre rebondi des casseroles. Il admira le bois des billots et le mica des pierres à aiguiser, le cuivre étamé des moules à gâteaux, les sacs de poivre, les yeux morts des poissons fixant les plafonds hauts, le sang caillé sur le plumage des volailles. Il admira sur les ustensiles la vibration des gris ardoisés et bleutés, sur la vaisselle, sur les corbeilles de navets, sur les tabliers des marmitons, le tremblement des blancs mêlés de perle et d'or. "


Le cuisinier de Talleyrand, JC Duchon-Doris, 10/18

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