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lundi 9 août 2010

Wherever I May Roam: Le Voyage de Kuro T.1 et 2 de Satoko Kiyuduki

La collection "Made In" de Kana est surtout connue pour Le Sommet des dieux de Jirô Taniguchi et Yumemakura Baku (qui n'est absolument pas réservé aux fondus d'alpinisme, un ignorant total dans cette discipline peut aussi trouver cette série passionnante) ou plus récemment Une Vie Chinoise de Pierre Ôtié et Li Kunwu. En creusant un peu, d'autres titres paraissent dignes d'intérêt. Notamment cet énigmatique Voyage de Kuro par une certaine Satoko Kiyuduki.

L'éditeur a choisi de nous présenter la série (qui semble encore "en cours" au Japon, mais dont le troisième tome reste encore invisible à l'horizon) en publiant simultanément les deux premiers tomes (les seuls disponibles, donc, si vous suivez bien) le 6 mai dernier. Le sous-titre, Histoire d'une itinérante, est une des choses qui a attiré mon attention. Ce n'est pas ce dessin typiquement japonais qui intrigue le plus, c'est plutôt une atmosphère qui se dégage de l'objet. Qui est cette jeune fille en costume sombre et qui porte cet énorme chapeau noir? Et surtout, que fait-elle avec ce cercueil dans le dos? Cela suffit à attiser la curiosité et il a fallu feuilleter un peu pour voir... Quelques pages en couleurs tamisées, des lieux, des personnages qui semblent composer un univers particulier dans lequel les curieux n'hésiteront pas à entrer.

On suit Kuro ("noir" en japonais, tiens, tiens), accompagnée de Sen, une chauve-souris dotée de la parole, sur des chemins qui semblent ne pas avoir commencé. Une nomade, une vagabonde, appelez-la comme vous voulez (hé hé), qui semble avoir un but et des tourments encore indéfinis qui vont avec. Ces deux voyageurs font jaser, est-elle une sorcière accompagnée par son animal familier, sont-ils dangereux, oui, ou peut-être, vaut mieux se méfier. Que renferme donc ce cercueil qu'elle porte en permanence sur son dos?

La rencontre et l'adoption de Nijuku et Sanju (respectivement "29" et "30"), deux petites filles jumelles enfermées par un professeur dont elles attendaient le retour (est-il mort? sont-elles des l'objet d'expériences scientifiques?) apportera espièglerie mais aussi d'autres mystères à leur parcours. D'une naïveté éclatante, Nijuku et Sanju découvre à leur propre surprise qu'elles possèdent des pouvoirs magiques. Autre particularité, humoristique celle-ci, est la tendance qu'ont Sen et Kuro à se chambrer, d'un côté le mauvais esprit de Sen et de l'autre la résignation habituée de Kuro. D'autres personnages récurrents feront leur apparition: une aviatrice, un motard et un autre voyageur à tête de chien...
Le manga se lit comme les autres, de droite à gauche, mais, attention, il faut s'y faire, verticalement, par colonnes. De plus, ellipses et flashbacks s'en mêlent et les épisodes ne sont pas chronologiques. Tout pour créer une sorte de confusion onirique dans laquelle on se laisse bercer, sans se douter que derrière cette naïveté apparente se dissimule quelque chose. Peu à peu le puzzle prend forme. Il n'est pas si simple de classer ce manga, de cerner à quel public il s'adresse. Aux curieux de tous âges, très certainement. Une petite découverte à faire pour ceux et celles qui veulent sortir un peu du convenu.
Si Tim Burton avait été japonais et mangaka, je ne pense pas qu'il soit déplacé de penser qu'il aurait pu créer un truc semblable au Voyage de Kuro. Pourtant Satoko Kiyuduki semble être beaucoup plus connu, là-bas, pour une série (trois volumes papier et 12 épisodes animés), non disponible en France, intitulée GA Geijutsuka Art Design Class (quelques infos peuvent être dénichées sur le Wikipedia en langue anglaise, ne cherchez pas en français, y'a que dalle). Elle illustre aussi des nouvelles et travaille beaucoup dans le domaine du jeu vidéo.

Le Voyage de Kuro t.1 et 2, Satoko Kiyuduki, Kana, coll. "Made In", 12,50€ pièce. Traduit et adapté du japonais par Guillaume Abadie.

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