"Rana Toad", ça se mange?

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mardi 25 octobre 2016

[...] La journaliste Hélène Lee souligne aussi que l'île était l'une des premières étapes des bateaux en provenance de l'Afrique [et que] les marchands s'y débarrassaient des individus les plus coriaces, gardant les "bons" pour les États-Unis, où on leur en donnait un meilleur prix"*. Ces spécificités historiques peuvent expliquer le côté insoumis et rebelle des Jamaïcains. En effet, l'Île de la Jamaïque connut un nombre important de rebellions d'esclaves, de révolutions et d'autres formes d'agitation sociale, à commencer par l'histoire des marrons.
  La présence des premiers marrons à la Jamaïque date de 1655. Durant l'invasion britannique de l'île, les esclaves africains reçurent l'ordre de résister aux envahisseurs pendant que leurs maîtres prenaient la fuite. Les plus dociles et déraisonnés exécutèrent cet ordre, mais les autres profitèrent de la débâcle des troupes espagnoles pour s'échapper et se réfugier dans les montagnes afin de retrouver leur liberté et fonder leurs propres communautés autarciques. Ces esclaves fugitifs devinrent les marrons. Il est fort probable que ces premiers marrons et les descendants des Taïnos qui avaient survécu aux Espagnols se mélangèrent entre eux. Les marrons installèrent leurs sociétés dans des forêts reculée, reproduisant une vie semblable à celle de leurs ancêtres africains d'un point de vue économique, politique, social et spirituel. En effet, ils s'autosuffirent, vivant de cueillette, de chasse ou de pêche, et instaurèrent un système de chefferie. De même, ils renouèrent complètement avec les expressions de la vie traditionnelle africaine, à savoir l'animisme et la musique: le sorcier, les rituels initiatiques et les battements de tambours africains, entre autres, orchestraient leur quotidien. La musique rythmait en effet la vie des gens aussi bien en matière de divertissements, qu'en matière de rituels coutumiers ou de religion [...].
  Il est important de noter qu'à l'époque, le tambour et la voix occupaient une place centrale dans les musiques des sociétés d'Afrique subsaharienne. Ainsi, on retrouvait ces deux éléments chez les marrons qui jouèrent un rôle essentiel dans la perpétuation des musiques, cultures et coutumes africaines à la Jamaïque. Remarquons toutefois qu'ils n'avaient pas le monopole en ce qui concerne la perpétuation des traditions africaines puisque certains esclaves n'hésitaient pas non plus à braver les interdictions de leurs maîtres pour pratiquer leurs us et coutumes, la musique en particulier. La musique et le chant s'érigeaient comme une sorte d'exutoire à leur captivité et aux autres sévices dont ils étaient victimes.

*Hélène Lee, Le premier rasta (Paris: Flammarion, 1999) 27.

Vibrations Jamaïcaines - L'Histoire des musiques populaires jamaïcaines au XXe siècle, Jérémie Kroubo Dagnini, Camion Blanc.

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