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mercredi 10 février 2016

The Three Investigators 10.The Mystery of the Moaning Cave (1968)/Les Trois Jeune Détectives 10.Le Trombone du Diable (1973

Alfred Hitchcock, Robert Arthur et "Les Trois Jeunes Détectives"/"The Three Investigators"
  Avant d'aborder cette dixième enquête de Jupiter/Hannibal & co., je vais faire les choses à l'envers et commencer à remercier toutes les personnes qui semblent suivre mon projet. Mon article sur The Mystery of the Screaming Clock/Les Douzes Pendules de Théodule a atteint plus de 70 vues en un mois, dépassant ainsi largement les 8 premiers (l'article d'introduction a dépassé la centaine de vues) et 20 d'entre elles ont été effectuées le premier jour! En retirant les vues de hasard et peut-être les personnes qui reviennent plusieurs fois, j'ose espérer que ça fait déjà assez de monde pour être satisfait de ce que je fais. Alors avant que je prenne la grosse tête, laissez-moi des remarques, des critiques, des retours en somme afin j'évalue la façon dont mon projet est réellement perçu. Le nombre de vues est certes une indication relativement positive, mais elle peut aussi être trompeuse. Mille fois merci.

  J'avais hâte de lire The Mystery of the Moaning Cave/Le Trombone du Diable pour une raison bien précise: c'était le premier tome qui n'était pas de la plume de Robert Arthur. Après avoir maintenu un rythme de deux romans par an pour la série, ce dernier sentant sa santé décliner a contacté ce qui sera son premier successeur, un nommé William Arden. En cherchant bien, on découvre rapidement que William Arden n'est pas n'importe qui. Il s'agit en réalité de Dennis Lynds, qui vient juste à l'époque de créer le personnage de Dan Fortune, un détective privé manchot qui deviendra très populaire au fil d'une trentaine d'années (le premier volet étant Act of Fear publié en 1967 et traduit en français pour Le Masque sous le titre de Mon ami Jojo en 1975). Je ferai à l'avenir un article plus détaillé sur Dennis Lynds (1924-2005), pour l'instant, il suffit de dire qu'il était principalement un auteur de fiction pour adultes. Je n'ai pas trouvé de sources indiquant la relation d'Arthur et de Lynds, excepté le fait qu'il ait, j'ignore dans quelle mesure, contribué à l'écriture de The Mystery of the Vanishing Treasure en 1966, ce qui prouve qu'ils se connaissaient déjà. Cependant j'ai pu lire que Lynds a commencé par écrire des nouvelles à partir de 1962 alors qu'il était éditeur à New York, poste duquel il a démissionné en 1965 pour se consacrer entièrement à l'écriture. C'est donc avec une relative expérience et la confiance du créateur qu'il a repris la série des Three Investigators.

  Je parle de confiance car la lecture The Mystery of the Moaning Cave/Le Trombone du Diable achevée, on constate que William Arden/Dennis Lynds a bel et bien respecté la continuité de la série. Je ne saurais dire si Robert Arthur avait noté l'intrigue de ce volet sous une forme ou une autre avant de confier ce canevas à Arden ou si ce dernier a eu carte blanche. En tout cas les fans de la série ne sont pas dépaysés car il y a plusieurs éléments familiers dans cette dixième enquête. C'est la structure que prendra cet article, cette liste de 10 points de continuité. Mais ce n'est pas tout, j'y intègrerai aussi mes remarques sur la traduction créditée pour la troisième fois à Claude Voilier.

1.Allusion à la  toute première enquête:

  Dès le Chapitre 1, on trouve immédiatement une allusion au tout premier épisode, même s'il n'est pas cité directement, The Secret of Terror Castle/Au Rendez-vous des Revenants:

  "[...] Witnesses are often unreliable, as Mr. Hitchcock had told us many times."
  Jupiter referred to the motion picture director. Alfred Hitchcock, who been a good friend of The Three Investigators ever since they had embarked on their adventures to locate a haunted house for him to use in a film."

Jacques Poirier, 1973.
  "[...] N'oubliez pas ce que M. Hitchcock nous a répété si souvent: il ne faut pas se fier aveuglément à la parole des gens. Des témoins de bonne foi peuvent se tromper!"
  Hannibal citait souvent Alfred Hitchcock, le célèbre producteur de films, qui s'était lié d'amitié avec les Trois Jeunes Détectives au cours de leurs premières aventures. En cette occasion, M. Hitchcock avait chargé les trois garçons de lui dénicher une maison qu'il pût utiliser dans un de ses films."

2.Carte officielle et accréditation:

  Au Chapitre 3, Jupiter/Hannibal prouve que lui et ses amis peuvent constituer une aide précieuse en cas de mystère irrésolu. Non seulement Arden reproduit le même schéma qui consiste au trio de dire qui ils sont par le biais de leur carte officielle (le professeur Walsh/Welch pose la question attendue sur les points d'interrogation et Jupiter/Hannibal répond pratiquement les même mots que pour les volets précédents), mais également, pour la première fois depuis The Mystery of the Green Ghost/Le Chinois qui verdissait, il est fait référence directe à l'attestation du Chief Reynolds (elle est même réutilisée au Chapitre 16). Je ne citerai pas le passage ici, puisqu'il concerne deux séries d'articles thématiques. L'extrait y figurera respectivement dans les prochaines parties consacrées au Point d'interrogation et au Chief Reynolds.

3.Jupiter/Hannibal est cultivé:
 
  A quatre reprises, Arden nous rappelle à quel point Jupiter/Hannibal aime parler comme un adulte et ce trait de caractère ne manque jamais de provoque diverses réactions selon les personnages:

  -Chapitre 4: 
  "[...] We'd like to look around the ranch as much as we can. The beach is especially interesting at night. There's some remarkable flora and fauna up here along the sea-shore that only appears at night."
   Mr. and Mrs Dalton looked impressed. Jupiter's correct use of so many big words always made adults think that he must be older than he actually was." 

  "[...] Nous aimerions encore faire un tour... La plage est particulièrement riche d'enseignements le soir. Une partie de la faune du littoral ne sort qu'à la nuit tombée..."
  M. et Mme Valton parurent ébranlés. Lorsque Hannibal employait un vocabulaire choisi, les gens se laissaient généralement impressionner. Ils s'imaginaient qu'il était plus âgé qu'il ne le paraissait."

Notes de traduction: -omission de "remarkable flora".
-Claude Voilier utilise le terme de "vocabulaire choisi". En lisant les extraits suivants, on discerne une volonté de cohérence dans son choix de traduction.

  -Chapitre 8:
  "I am ascertaining the exact topographical arrangement of Moaning Valley, Pete. The key to our puzzle lies in the physical pattern."
  "Huh?" Pete said.
  "Jupe means that he thinks the mystery can be solved by studying the lay of the land," Bob explained.
  "Oh," Pete said. "Why didn't he say so?"
Jacques Poirier, 1973.

  "Je me suis assuré de la topographie exacte de la Vallée, Peter! Ce plan contient la clé de notre énigme!
  -Ah! dit Peter impressionné par le vocabulaire de son ami.
  -Babal, traduisit Bob, veut dire qu'à son avis on peut résoudre le mystère en étudiant la disposition des lieux.
  -Ah, bon! fit Peter. Mais pourquoi ne parle-t-il pas comme tout le monde?"

  C'est une blague qui revient régulièrement dans la série, Bob est parfois le trait d'union entre Jupiter/Hannibal et les personnages qui ne comprennent pas ces phrases savantes. On trouve un autre exemple dans le Chapitre 13:

  "We panicked. A natural enough reaction under the circumstances, I believe. The accumulation of dangers resulted in a degree of nervousness that made us lose our rational responses. A skeleton is probably the least dangerous menace we have faced. We were simply at the point of panic."
  Pete groaned. "It's too bad Bob isn't here to tell me what you just said."
  "If he was here he'd tell you I said we were so tense from what's happened that we blew our tops," Jupiter said.
  "You could have said that the first time."
  "I could have, but it isn't exactly the meaning I wanted to communicate [...]."

   "Tout le monde peut être frappé de panique! soupira Hannibal. Vu les circonstances, nous avons des excuses. Nous venons de braver pas mal de dangers. La tension nerveuse rend plus vulnérable... Nous n'avons pas pris le temps de réfléchir. Pourtant, ce squelette est certainement la chose la plus inoffensive que nous ayons rencontrée aujourd'hui.."
  Peter grommela:
  "Dommage que Bob ne soit pas là pour me traduire ton discours... Tension nerveuse... vulnérable...
  -Oh! Je veux simplement dire que nos nerfs étaient à vif. C'est pourquoi nous avons craqué.
  -Comme ça, je comprends; Pourquoi ne parles-tu pas comme tout le monde?
  -Il faut parfois employer un vocabulaire choisi pour exprimer les nuances... [...]"

Note de traduction: Claude Voilier ajoute dans le Chapitre 8 que Pete est "impressionné par le vocabulaire de son ami" et dans le Chapitre 13, elle réutilise le terme "vocabulaire choisi" dans les propos mêmes d'Hannibal. Elle établit une cohérence explicite entre ses trois extraits. La cohérence existe déjà dans le texte original mais chaque occurrence est formulée de façon différente.

  Une autre variante se trouve au Chapitre 14:
 
  "[...] Whoever is digging is doing it in secret. By deduction, it has to be connected with the moaning sound because it is only activity that goes on secretly in the cave when no one is here!"
  "Well..." Pete remained unconvinced.
  "Two unexplained facts in the same place almost certainly must be connected," Jupiter persisted.
  Pete's eyes widened. "Sure, okay. What do we do then?"

  "Quiconque creuse par ici agit donc en secret. par déduction, j'ai relié ce fait avec le gémissement, car c'est la seule activité enregistrée dans la caverne quand personne n'est là.
  -Quel raisonnement compliqué Je n'y comprends rien!
  -C'est pourtant simple... Deux faits inexpliqués en un même lieu ont sûrement une relation entre eux! Pigé."
  Peter ouvrit des yeux immenses:
  "Tu parles comme un livre de géométrie. Bon! J'ai saisi! Que faisons-nous?"

  Ce dernier extrait contient beaucoup d'ajouts qui insistent sur la perplexité de Pete alors que le texte original nous dépeint un Pete un peu résigné qui ne cherche plus à comprendre son chef (d'où ses répliques minimalistes).

4.Les craies de couleurs:
 
  Les craies de couleur qui n'ont pas été utilisées depuis The Mystery of the Vanishing Treasure/L'arc-en-Ciel a pris la fuite refont leur apparition à plusieurs reprises (Chapitres 4, 5, 7, 11, 16 et 18). Je garde les extraits sous le coude pour la même raison que plus haut. Ils appartiennent également à la série consacrée au Point d'interrogation, puisque c'est le symbole dessiné par Hannibal (craie blanche), Pete (craie bleue) et Bob (craie verte) pour conserver la trace de leur passage au fil de leurs aventures.

 5.Plongée sous-marine:
  Encore une fois, un volet précédent n'est pas cité directement, mais nos amis ont besoin de leurs équipements de plongée pendant cette enquête. Cela rappelle aux fans de la série qu'ils ont déjà fait de la plongée sous-marine lors du sixième tome, The Secret of Skeleton Island/Le Spectre des Chevaux de bois. Mieux, ils ont passés des examens et les ont réussis juste avant que cette sixième aventure ne commence. C'est ainsi que William Arden sait de quoi il parle au début du Chapitre 11:

  "Pete followed Jupiter's waving fins through the bright, translucent water. Both boys were experienced scuba divers and swam only with their feet, with no wasted motion."
Jacques Poirier, 1973.

  "Peter suivit Hannibal qui palmait en cadence dans l'eau transparente. Les deux garçons étaient des plongeurs expérimentés."

Note de traduction: omission de détails techniques, "swam only with their feet, with no wasted motion"/"Ils n'utilisaient que leurs pieds, sans mouvements superflus." (ma traduction).

6.Hans et son accent bavarois:

  Et c'est d'ailleurs en allant chercher les équipements de plongée à Rocky que Jupiter/Hannibal donne l'occasion, dans le Chapitre 10, à l'auteur remplaçant de soigner la continuité d'un des personnages secondaires et récurrents: Konrad garde son accent allemand à couper au couteau:

  "Just before supper-time Jupiter pulled up in the truck from his uncle's savage yard with big, blond Konrad at the wheel. Pete helped Jupiter unload the scuba equipment and store it in the barn, along with another small mysterious bundle.
  Konrad stayed for supper, and Mr. Dalton admired the enormous stature and muscles of Titus Jones's Bavarian helper.
  "How would you like to work on a ranch, Konrad?" Mr. Dalton said. "If I had you with me, I could afford to lose ten hands."
  "You need help, maybe for a few weeks," Konrad said, "Mr. Titus let Hans and me come to help, sure."
Jacques Poirier, 1973.
  "Un peu avant l'heure du dîner, Hannibal revint dans la camionnette de son oncle. Konrad, le blond géant bavarois qui travaillait avec son frère dans l'entrepôt de bric-à-brac de Titus Jones était au volant.
  Peter aida Hannibal à décharger les équipements de plongée sous-marine et à les ranger dans la grange avec un autre paquet mystérieux.
  M. Valton arriva à son tour et invita Konrad à rester au ranch pour dîner. Après avoir admiré les biceps du colosse, il lui dit en souriant:
  -Cela vous plairait-il de travailler dans un ranch, Konrad? Si je vous avais à mon service, je pourrais me permettre de perdre dix hommes de plus!
  -Si vous avez besoin d'aide pour quelques semaines seulement, répondit le Bavarois, il est possible que M. Jones nous autorise à venir vous donner un coup de main, mon frère Hans et moi!"

Note de traduction: la réplique de Konrad est trop bien articulée dans le texte français, Claude voilier aurait pu retranscrire un peu plus son accent bavarois.

7.Jupiter/Hannibal comédien:
 
  Plus ou moins récurrentes ont été les capacités d'acteur de Jupiter. Qu'elles fassent directement allusion à son passé d'enfant acteur ou non, il est souvent arrivé à Hannibal d'altérer son physique pour paraître plus stupide (voir par exemple Une Rencontre hostile extrait du Chapitre 11 de The Secret of Skeleton Island/Le Spectre aux Chevaux de bois) ou plus âgé, selon les circonstances. C'est au début du Chapitre 14 qu'il utilise ce stratagème:

  "Jupiter, recovering immediately, drew himself up to his full height, his round face suddenly looking much older. It was an old trick he used when dealing with adults, and it usually worked as well as his other surprises.
  "What, sir, are you doing here?" he asked in his deepest voice. "We are here by permission of the owners of this ranch. You, apparently, have come in by some secret entrance that leads from the sea. You are trespassing."

  "Hannibal recouvra instantanément ses esprits. Il se redressa de toute sa hauteur tandis que sa figure prenait soudain une expression volontaire. C'était une ruse dont il usait volontiers et qui, en général, donnait de bons résultats.
  "C'est plutôt à nous, monsieur, de vous demander ce que vous faites là? répliqua-t-il d'une voix sévère. Nous y sommes nous, avec la permission des propriétaires du domaine. Quant à vous, vous venez de pénétrer dans la caverne par une entrée secrète qui communique avec l'océan. Vous êtes en contravention avec la loi."

8.Le don de Peter:
 
  Pete, outre ses qualités athlétiques, a lui aussi un don inné et dont il s'est servi au moins deux fois par le passé. Dans  le Chapitre 18 de The Mystery of the Stuttering Parrot/Le Perroquet qui bégayait alors qu'accompagné de Jupiter/Hannibal, ils tente de fuir Huganay et ses complices ("When it came to finding directions or following trails, Pete was an aknowledged expert. Even at night he could keep a direction by some kind of inner sense, where Jupiter, even by daytime, could easily get lost."/"Le sens de l'orientation de Peter était connu. La nuit, un sixième sens le maintenant toujours dans le droit chemin, alors qu'Hannibal se perdait facilement, même le jour.") et également lorsque le même tandem est poursuivi par des nains dans le Chapitre 11 de The Mystery of the Vanishing Treasure/L'arc-en-Ciel a pris la fuite ("[Pete] He was an expert at finding his way, even in strange surroundings. He had an instinct like a built-in compass for going in the right direction."/"Le détective adjoint avait un sens inné de l'orientation."). Le lecteur assidu comprend donc pourquoi Arden fait dire ceci à Jupiter/Hannibal dans le Chapitre14:

  "[...] What do we do then?"
  "First, you can use your keen sense of direction to find that side passage where we heard the digging."

  "[...] Que faisons-nous?
  -Pour commencer, sers-toi de ton sens de l'orientation pour retrouver le couloir au bout duquel on entendait piocher!"

9.La jambe de Bob:

  J'arrive maintenant à un contre-exemple. Si vous avez au moins lu tous les articles principaux consacrés à chacun des volets de la série (si c'est le cas vous avez encore le droit à mes remerciements), vous ne pouvez pas avoir oublier que je m'attache à ce que la continuité soit rigoureuse sur l'accident de Bob dans les montagnes, celui qui s'est déroulé longtemps avant le début des aventures du trio, mais à cause duquel Archives et Recherches (comme il a été désigné dans la version française de la carte officielle) a du porter un appareil orthopédique pendant les trois premiers volets. Par la suite, il y a été fait référence lorsque que ce personnage se trouvait dans une situation qui le forçait à une activité anormalement intense (la poursuite finale dans The Mystery of the Silver Spider/Une Araignée appelée à régner par exemple.).
  Dans The Mystery of the Moaning Cave/Le Trombone du Diable, Bob se blesse la jambe suite à l'action d'un personnage malentionné qui précipite Bob et Peter dans un ravin. Cette scène entame le Chapitre 10:

"Pete slid down the steep inline over sharp rocks and brush that tore at his clothes. He clawed at the bushes to slow his fall, for the slope ended in an almost sheer drop ahead. But the vegetation was not strong enough to hold him. He was only some four feet from empty space when he crashed into the heavy trunk of a twisted tree.
  "Oof!" Pete grunted, as his fingers instinctively closed around the thick trunk.
  For a moment he lay still, clinging to the tree-trunk and breathing heavily. Then he realized that he was alone.
  "Bob!" he cried
  There was no answer. Below him was nothing but yawning empty space.
  "Bob!" he called again frantically.
  There was movement just to Pete's left. Bob's face peered up through thick bushes.
  "I'm all right... I guess," Bob said weakly. "I'm on a kind of ledge. Only... I can't move my leg!"
  "Try moving it a little."
  Peter waited while he saw faint movement in the bushes where Bob lay. Then Bob's voice came more strongly.
  ""I don't think it's bad," Bob reported. "I can move it. It was just twisted under me. It hurts, but not so much."
Jacques Poirier, 1973.
  "Peter glissait sans pouvoir se retenir... Des roches aiguës et des buissons épineux l'écorchaient au passage et déchiraient ses habits. C'est en vain qu'il s'efforçait d'agripper des arbrisseaux pour tenter de ralentir sa chute. La végétation n'était pas assez résistante pour supporter le poids de son corps. Il était presque arrivé au bas de la pente qui se terminait par un à-pic, lorsqu'il vint buter contre le tronc massif d'un arbre aux formes tourmentées.
  "Ouf!" murmura Peter tandis que ses doigts étreignaient instinctivement la branche la plus proche.
  Durant quelques instants, il resta ainsi, cramponné à l'arbre, sans bouger, haletant un peu. Puis il se rendit compte qu'il était seul.
  "Bob!" appela-t-il.
  Il n'obtint aucune réponse. Au-dessous de lui il n'aperçut qu'un gouffre béant.
  "Bob!" cria-t-il encore plus fort qu'il le put.
  Il perçut alors un faible mouvement sur sa gauche. Puis le visage de Bob émergea d'épais buissons.
  "Je suis ici... annonça-t-il d'une voix faible. J'ai atterri sur une espèce de saillie rocheuse. Je ne pense pas être gravement blessé... Cependant... je ne peux pas bouger la jambe.
  -Essaie de la remuer, histoire de voir si elle cassée ou non!" conseilla Peter.
  Puis il attendit, anxieux, tandis que les buissons qui retenaient Bob s'agitaient légèrement. Bientôt il entendit son camarade l'appeler d'une voix plus ferme:
  "Peter! Je n'ai pas de fracture. Je peux bouger ma jambe. Elle était seulement repliée sous moi. Je l'ai dégagée. Elle me fait mal, mais pas trop!"

  Cette blessure, propre à l'épisode, j'insiste sur la précision, sera rappelée à plusieurs reprises:
-dans le même Chapitre 10, alors que les deux compères sont de retour au Ranch Sauvage, Mrs Dalton/Mme Varton ne diagnostique rien de grave mais lui annonce qu'il lui faut du repos mais n'épargne pas Pete pour les tâches quotidiennes du ranch: "Bob sat in the shade with his leg up on a chair and grinned while his friend worked in the hot sun."/"Bob resta assis à l'ombre, avec sa jambe allongée et un sourire béat sur les lèvres tandis que son ami trimait sous le soleil brûlant.".
  Plus loin, toujours dans ce chapitre, les trois détectives partent enquêter avec leurs vélos chargés entre autres de leur équipement de plongée. La blessure de Bob se révèle handicapante:
  "Ohhh," bob cried, wincing with pain.
  "Is it you ankle, Bob?" asked Pete.
  "It's all the weight on the bike," Jupiter decided.
  Bob nodded unhappily. "I don't think I can make it, Jupe. I guess I'll have to stay behind."

Jacques Poirier, 1973.
  "Aïe! gémit Bob dès qu'il fut en selle.
  -Ta cheville te fait mal? demanda Peter.
  -C'est ce poids supplémentaire sur ton porte-bagages qui te gêne, constata Hannibal.
  -Je ne pense pas pouvoir vous suivre, déclara Bob d'un air triste. Je vais être obligé de rester en arrière."

-dans le Chapitre 11, on trouve: "Bob hurried through the night as fast as he could with his injured leg and the difficult terrain."/"Bob se dépêchait. Mais l'obscurité, sa jambe douloureuse et le terrain difficile le retardaient."

-dans le Chapitre 12: "With a sinking feeling, Bob began to trot as fast as his injured leg would let him."/"L'estomac serré,  Bob se mit à marcher aussi vite que sa cheville foulée le lui permettait."

-la dernière occurrence que je citerai se trouve dans le Chapitre 16:

  "Jupiter nodded. "I think Pete had better go."
  Pete's face fell. "Just when we're going to finish the case!" he protested.
  "Jupiter is right," Reston said. "Bob's leg isn't in good shape, and I want Jupiter with me. Besides, I can see that you're the fattest, Pete. On a team, each man has to do what he does best."

  "D'accord, dit Hannibal. Peter! Je te charge d'aller là-bas.
  -Oh! s'écria Peter tout déconfit. Tu me renvoies au moment où les choses vont devenir passionnantes.
  -Hannibal vous choisit à bon escient, déclara Gregson. La jambe de Bob risquerait de le retarder et je veux garder votre chef avec moi. En outre, il est évident que vous serez plus rapide que quiconque. A chacun sa tâche qu'il est le plus à même de remplir!"

  J'ai insisté sur les occurrences de cette blessure parce que volontaire ou non de la part de William Arden/Dennis Lynds, elle prend tout son sens dans cette dernière réplique: serait-ce un clin d’œil aux fans de la première heure? La répartition des rôles du trio, si vous vous souvenez, est donnée dès le tout premier chapitre de la série, celui de The Secret of Terror Castle/Au Rendez-vous des Revenants. C'est justement le handicap de Bob qui lui donne son rôle d'Archives et Recherches. Vous comprendrez alors pourquoi j'ai parlé d'un contre-exemple de continuité: malgré toutes les occurrences de la blessure propre à ce dixième volet, il n'est jamais fait allusion à l'ancienne blessure plus ou moins récurrente dans les neuf précédents.
  Avant d'aborder le dixième et dernier point de continuité, j'aimerais inclure un autre demi-contre exemple ici-même puisqu'il concerne également Bob:
  "Water erosion mostly," Bob explained. "I've read about it in the library."
  "La cause principale est certainement l'érosion par les eaux, expliqua Bob. J'ai précisément lu quelque chose à ce sujet ces temps derniers." 
   Ceux qui sont familiers  avec les personnages savent que Bob travaille à mi-temps à la bibliothèque municipale de Rocky. Certes, c'est une façon pour Arden d'y faire allusion pour les lecteurs les plus avertis, mais elle n'est pas assez explicitée et on se demande si du coup c'est totalement voulu. La traduction française efface totalement l'allusion en y substituant une donnée temporelle ("ces temps derniers.").

  10.Le marché entre Hitchcock et les Détectives:

  Le dernier exemple de continuité que William Arden s'applique à respecter se rapporte à ce qui lie les Trois Jeunes Détectives à Alfred Hitchcock. Si chaque épisode contient une introduction du célèbre réalisateur, c'est qu'il y a une raison bien précise. Au début, sceptique et réticent, Hitchcock doute des capacités du trio et le traite presque avec mépris. Cependant, un marché est conclu entre les deux parties dans The Secret of Terror Castle/Au Rendez-vous des Revenants: si chaque enquête présente de l'intérêt, Alfred Hitchcock s'engage à écrire une introduction à chaque livre tiré des aventures des détectives. On a plusieurs fois eu l'occasion d'être informés que c'est Bob Andrews/Andy qui était chargé de mettre à jour les notes lesquelles sont adaptées pour prétendument la rédaction de chaque livre (qui prennent, dans leur édition originale, le titre basique commençant en majorité par The Mystery of et parfois The Secret of). C'est ainsi que William Arden respecte la tradition du dernier Chapitre où les points encore obscurs de l'enquête juste achevée sont, en présence du réalisateur, éclaircis et qu'il rappelle directement cette collaboration:

  "Now they sat in the office of the famous picture director and reported on The Mystery of the Moaning Cave from Bob's notes.
  [...] "Then you'll introduce our report on this case, sir?" Pete put eagerly.
  "Wait!" Mr. Hitchcock thundered. "I have not yet said that. I have agreed to introduce any of your adventures that are worthy of my attention [...]. However, I have not yet learned how young Jones came to his sudden conclusion..."

  "Maintenant, assis dans le bureau d'Alfred Hitchcock, ils relataient dans le détail leur passionnante aventure. Le plus petit élément relatif au "mystère de la caverne qui gémissait" était noté dans les cahiers de Bob.
  [...] "[...] Mais dites-moi, Hannibal, vous ne m'avez pas encore révélé comment vous en êtes si rapidement arrivé à la conclusion que..."

  Et non, je n'ai pas oublié de retranscrire la traduction de Claude Voilier. L'allusion au deal entre le trio et le réalisateur est tout simplement occultée. Ce que je trouve dommage et limite blasphématoire puisqu'elle va contre la traduction de Vladimir Volkoff du premier tome (peu importe le texte original, que je ne citerai pas, suffit de prouver que le premier traducteur restait fidèle à ce point précis de la série). On y trouvait dans le Chapitre 2, intitulé "A Fateful Interview" et traduit "Une Entrevue lourde de conséquences" (ce qui est quand même très parlant):

  "Et vous présenterez le récit de nos aventures?
  -Oui, mille fois oui.".

  Et, dans le chapitre 19, au titre tout aussi explicite ('Mr. Hitchcock Makes A Bargain"/"M. Hitchcock conclut un marché"), Hitchcock, impressionné par la première performance réussie de nos trois amis, leur accorde un peu plus de confiance:

  "Dans ce cas, fit-il, je présenterai aussi votre deuxième affaire.
  -Merci, monsieur dirent les garçons d'une seule voix.
  -Toutefois, à une condition, précisa fermement M. Hitchcock. L'enquête doit être assez intéressante pour valoir la peine d'être racontée. [...] Si l'affaire se révèle rudimentaire, je ne veux plus entendre parler ni d'elle ni des Trois jeunes détectives."

  Et c'est ainsi que la boucle de mon axe de lecture sur la continuité est bouclée: je commençait avec Hitchcock et je termine avec Hitchcock. En fait, je n'ai fait que suivre le fil du roman. C'est en réalité la construction de William Arden qui s'efforce de garder la cohérence de la série tout au long. Était-ce pour rassurer les fans? Étaient-ils au moins déjà au courant que ce dixième tome n'était pas rédigé par le créateur original?
  Je n'ai pas abordé, et n'aborderai pas en détail, le style d'écriture de William Arden. Je me contenterai de vous faire part de mon impression générale. Ce qui m'a le plus sauté aux yeux, c'est qu'il fait beaucoup d'efforts, qu'il prend son temps pour décrire et utiliser un riche vocabulaire (je prépare un article annexe, un extrait du Chapitre 8 représentatif, avec bien sûr sa traduction). Là où Robert Arthur est très elliptique, sans oblitérer son talent de raconteur, pour s'adapter au public ciblé, les adolescents, il semble que Dennis Lynds alias William Arden est moins réticent à enrichir son intrigue tout aussi bien construite (à moins qu'il n'ait repris, comme j'en émetait l'hypothèse plus haut, un canevas écrit préalablement par Arthur) de passages où l'on souffle, où l'action est mise entre parenthèses au profit d'une façon de raconter qui cible les grands ados, voire les adultes.
  Si l'on jette un coup d’œil sur la prolifique production de Dennis Lynds (pseudonymes inclus), on se rend compte que seules les enquêtes des Trois Jeunes Détectives dont il sera chargé (14  en tout) sont du domaine de la jeunesse. Il est probable que ce premier tome écrit par lui soit encore fortement imprégné de la patte de Robert Arthur. Il sera intéressant de voir dans quelle mesure il s'en détachera au fil de ses contributions à la série.

  Cet article n'en est pas pour autant terminé. Il y a déjà des points de traduction abordée plus haut, mais il y a encore des choses à dire:

1.Ajouts, omissions, étoffements, contresens:

  Au cours des deux volets déjà traduits par Claude Voilier (The Mystery of the fiery Eye/Treize Bustes pour Auguste et The Mystery of the Silver Spider/Une Araignée appelée à régner), on a pu voir à quel point certains choix étaient fantaisistes et discutables. Dans The Mystery of the Moaning Cave/Le Trombone du Diable est dans l'ensemble plus raisonnable. Cependant, j'ai relevé quelques exemples de choix susceptibles d'être discutés.
  Par exemple, au tout début du roman, nous avons cet etoffement, dont on se demande l'utilité:

  "The eerie moan rolled out across the valley in the twilight."
  "Le long et bizarre gémissement, qui se terminait par un non moins long soupir et parfois une sorte d'éternuement bizarre, s'éleva une fois de plus dans la vallée que le crépuscule teintait déjà de mauve."

  Outre la répétition du mot "bizarre", un éternuement est quelque chose de plus explosif qu'une plainte. A aucun moment William Arden ne mentionne une telle comparaison. D'autre part, la "teinte de mauve" de Voilier anticipe "a hazy purple light" plus loin dans le texte original. Sauf qu'elle le traduit de nouveau par "le ciel se teignait de pourpre et d'or", ajoutant en passant l'aspect doré.
  Là où on peut reprocher un étoffement redondant, on accepte plus facilement l'ajout, dans une réplique, qui a pour objectif de brièvement expliciter le sentiment d'un personnage. Par exemple, la curiosité de Pete au Chapitre 6:

  "Rounding a curve, Jupiter suddenly stopped his bike.
  "Ooof!" Pete grunted, narrowly missing him.
  Bob stepped on his brakes. "What's wrong, Jupe?" he asked.

  "Au bout d'un moment, après un tournant, Hannibal s'arrêta brusquement.
  "Hé! Qu'est-ce qui t'arrive? grommela Peter en freinant sec pour l'éviter.
  -Tu as crevé? s'enquit Bob en freinant à son tour."

  Même si elle est adaptée, la réplique de Bob n'est pas choquante, car Jupiter/Hannibal l'ignore par la suite.
  On trouve au Chapitre 2 un ajout totalement acceptable puisqu'il explique un détail de façon pertinente:
  
  "[...] The boys turned to see three men riding over the top of the valley towards them. One of them led a riderless horse. [...]
  "[...] Hold still now, Cardigo, and we'll have you loose in a jiffy."

  "[...] Les trois garçons se retournèrent et aperçurent trois cavaliers qui se dirigeaient vers eux. Le dernier tenait par la bride un cheval non monté. [...]
  "[...] Cardigo, tenez bon! Nous allons vous dégager!... En rencontrant votre cheval tout seul, nous avons compris qu'il vous était arrivé quelque chose... Courage!"

  "Riding" et "Cavaliers" prouve bien que les trois hommes sont sur selle, et qu'il y a un quatrième cheval. Voilier ne fait qu'expliciter à qui il appartient, ce que le texte original ne fait pas.
 
  Par contre, dans le Chapitre 8, on constate le genre d'ajouts abusifs déjà abordés:

  "Suddenly, Jupiter spoke."
  "Soudain, Hannibal daigna parler. Sa voix était celle d'un oracle."

  Bon, on peut accorder à Claude Voilier de jouer sur l'allusion à Bouddha qui a été faite quelques lignes plus haut:

  "In front of the window Jupiter sat cross legged on the floor, looking like a small Buddha in his bathrobe."
  "Hannibal était assis juste devant [la fenêtre], dans la position d'un bouddha auquel il ressemblait du reste un peu."

  C'est d'ailleurs la scène illustrée plus haut par Jacques Poirier, celle qui figure dans le troisième point de mon analyse sur la continuité, où il y a déjà quelques commentaires sur la traduction. 
  Outre l'explication moins savante évoquée plus haut, on constate également cette réduction un peu brutale:

  "Gosh," Pete said. I couldn't sit like that for ten minutes!" The intense concentration of their stocky friend always awed Bob and Pete"

  "Nom d'un pétard! Moi, je ne pourrait pas tenir dix minutes dans cette posture!" affirma Peter admiratif.

  La dernière phrase du texte original est réduite à un simple adjectif (correspondant à "awed") qui ne concerne plus que Pete. 
  Pour finir sur ce premier, point, il y a d'autres petites omissions de répliques, dont je peux citer un exemple du Chapitre 16, qui ne se justifient pas:

  "But, Mr. Reston," Bob said, "Old Ben and Waldo have been here a long time! They're local characters. They couldn't have come from Europe only five years ago."

  "Mais, monsieur Gregson, protesta Bob, le vieux Ben et Waldo sont dans le pays depuis longtemps. Ce sont des personnages connus de tout le monde."
  
  Voilier supprime ici une phrase ("Ils n'auraient pas pu venir d'Europe il y a cinq ans seulement.") qui fait partie d'un raisonnement visant à éclaircir des soupçons.

  Dernière sous-catégorie, je citerai trois exemples où Claude Voilier choisit un mot à la place d'un autre, créant des contresens à divers degrés que je classe en ordre croissant d'importance:
-Chapitre 10: "Mrs Dalton sat him on the porch in a comfortable chair and brought him a pitcher of lemonade"/"Aussi la brave femme l'installa-t-elle sous le porche, dans une confortable chaise longue, avec un pichet de lait frais à côté de lui.". Ce n'est pas du tout important, c'est du chipotage totalement assumé, mais je me demande pourquoi Claude Voilier a changé la limonade en lait frais.
-Chapitre 14: "Pete nodded."/"Peter réfléchit.". "To nod" signifie "acquiescer", même le contexte ne justifie pas un tel contresens.
-Chapitre 8: "Bob borrowed Mrs Dalton's library card."/"Puis, Bob lui emprunta une carte routière." Comment confondre une carte d'emprunt de bibliothèque avec une carte routière? Surtout qu'au Chapitre 9, Claude Voilier propose pour le même objet un terme plus approprié: "They borrowed the book with Mrs. Dalton's library card."/[...] Les Détectives emportèrent le livre, après avoir fait inscrire sa sortie sur la fiche d'abonnement des Valton."

2.Transcription du langage:

Harry Kane, 1968.
   Nous avons déja vu plus haut que le texte français gommait l'accent bavarois de Konrad. Il est au contraire fait l'effort de conserver la façon de parler des deux prospecteurs Old Ben Jackson (Chapitre 6) et son compère Waldo Turner (Chapitre 15):

  "Got to be mighty careful here," he croaked. "Got to know the country, yessir. Seventy years I lived out there, never lost my scalp. No, sir. Got to think ahead, that's the story. Know the country and fight the ennemy."
  "Scalp?" Pete stared. "You fought Indians? Here?"
  The old man waved his ancient rifle. "Injuns! I'll tell you about Indians, I will. Lived with Injuns all my life. Fine people but hard enemies, yessir. Almost lost my scalp twice. Ute country and Apache country. Sneaky, the Apaches. But I got away."

  "Il faut être très prudent quand on s'aventure par ici. Moi, je connais bien le pays, oui, messieurs! J'y vis depuis soixante-dix ans et il ne m'est jamais rien arrivé. Non, messieurs! Il s'agit de garder toujours la tête froide. De bien connaître l'endroit où l'on met les pieds et de faire face à l'ennemi. Les Indiens n'ont jamais eu mon scalp!
  -Vous... vous  avez combattu les Indiens? demanda Peter qui n'en croyait pas ses oreilles. Ici même?"
  Le vieil homme agita son vieux fusil.
  "Les Indiens! Je pourrais vous en parler jusqu'à demain. J'ai vécu avec eux toute ma vie. Oui, messieurs! Une race fière, des ennemis coriaces. Ils ont failli me scalper deux fois... mais je m'en suis bien tiré!"
Jacques Poirier, 1973;

  Je pourrais pointer quelques détails ("Injuns" qu'on aurait pu transcrire puisqu'il s'agit d'une déformation phonétique et l'omission des tribus citées par Ben Jackson"), maisje voulais juste démontrer que dans l'ensemble de ce dialogue, le parler particulier d'Old Ben Jackson était respectée d'une manière, certes imparfaite, mais acceptable. Tout comme celle de son acolyte Waldo Turner dans l'extrait ci-dessous:


Roger Hall, 1969.
  "Waldo?" Old Ben's voice said from somewhere nearby.
  "Yup," a voice replied from behind the bobbing light. "There's two of 'em coming in the cave, Ben. We best skedaddle."
  [...] "You sure they're comin' in" Old Ben asked.
  "I'm sure. too dang many people foolin' around this cave the last couple days," Waldo replied.
  "Jumping bobcats!" Old Ben exclaimed. "And I figure not more'n a few more days' work 'fore we're finished. Well, no sense gettin' careless now. We better get on out."
  "We better." Waldo agreed.

  La voix de Ben s'éleva toute proche:
  "Waldo? C'est toi?
  -Voui! répondit une autre voix derrière la lumière dansante. Y a deux gars qui s'amènent du côté d'la caverne, Ben. Faut s'tirer, et en vitesse!"
  [...] -Tu es sûr qu'ils viennent par ici? demanda Ben.
  -Sûr et certain, voui! Y a trop d'monde à rôdailler autour d'la Montagne ces jours-ci, grommela Waldo.
  -Au diable les gêneurs! bougonna de son côté le vieux Ben. Et dire que notre travail tire à la fin! Ce n'est pas le moment de nous montrer imprudents. Viens, filons!"

3.Noms des personnages et des lieux:

  Chaque épisode a sa poignée de noms, non pas francisés, mais changés pour une raison qui me reste inconnue. J'en ai déjà cités quelques uns plus haut, mais en voici la liste: Jeff Dalton/Jess Valton, The Old One/Le Monstre, Professor Walsh/Pr Archibald Welch, Sam Reston/Gregson, Laslo Schmidt/Lalo Schmidt.
  Certains lieux sont aussi altérés par la traduction, par contre il y a quelque chose à en dire:
-The Crooked-Y Ranch/Le Ranch Sauvage: "crookedy" est moins péjoratif que "crooked" qui signifie tordu ou en mauvais état. Le "y" lui donne un sens plus léger, humoristique. "Sauvage" est plus neutre et tellement typique et passe-partout, qu'il n'est pas contestable.
-Moaning Valley/La Vallée-qui-pleure: "Moan" signifie gémir, le traduire par pleurer est au mieux une extrapolation au pire un contresens. "Gémir" et "pleurer" ne sont pas vraiment synonymes, même s'ils peuvent appartenir à un même champ lexical, c'est-à-dire la tristesse. A noter que le titre du Chapitre 1 s'intitule à l'origine "The Valley Moans" et est traduit... "La Vallée qui gémit"
-Devil Mountain/La Montagne Cornue:

  "Devil Mountain, so called because of it jagged twin peaks shped like horns."
  "La Montagne Cornue, comme on l'appelait en raison des deux pics qui pointaient à son sommet."  

  Le choix de la traduction est donc plus connotée, là où l'appellation originale est plus explicite. Il y a un léger glissement: le côté diabolique est sous-entendu par le choix de Claude Voilier. Le lecteur n'est pas obligé de penser au Diable quand on parle de cornes, même si c'est un attribut caractéristique de cet archétype.

4.Le titre:

  Les titres de la série sont toujours intéressants à comparer. J'ai déjà mentionné plus haut l'aspect sobre des titres originaux et leurs pendants français parfois littéraux (Le Perroquet qui bégayait, La momie qui chuchotait) et parfois très adaptés (L'arc-en-Ciel a pris la fuite, les mieux trouvées étant les jeux de mots Au-Rendez-vous des Revenants et Une Araignée appelée à régner). Pour ces derniers, ils se justifient toujours quelque part dans le texte traduit. Ce dixième volet a le même genre de titre que le sixième où Le Spectre aux Chevaux de bois se substitue à The Secret of Skeleton Island. Il y a bien un spectre aux chevaux de bois dans le roman. Or Le Trombone du Diable est le premier titre à ne pas se justifier dans le texte: cet instrument de musique n'est jamais mentionné que ce soit par William Arden ou même par Claude Voilier.
  Dans le Chapitre 1, des hypothèses sont toutefois émises quant à la provenance du gémissement:
-"Maybe it comes from the lighthouse we saw on the way," Bob suggested in a low tone. "Maybe it's some kind of echo from the foghorn"/"Peut-être ce bruit vient-il du phare que nous apercevons là-bas! suggéra Bob à voix basse. Il est également possible que ce soit une sorte d'écho dû à une corne de brume."
-"Maybe it's some kind of animal," Bob volunteered."/"Peut-être est-ce un animal quelconque qui fait ce bruit-là! suggéra Bob sans grande conviction."
-"Maybe, it's some animal no one knows is here," Jupiter said. "Or maybe, [...] it's El Diablo himself!"/"Il s'agirait alors d'un animal mystérieux, que nul n'a encore rencontré. [...] Il est également possible que ce soit El Diablo en personne!"

  La seule mention d'un trombone est visuelle, un médaillon de la main de Jacques Poirier en fin de quelques chapitres:
Jacques Poirier, 1973.
  Pourquoi en France a-t-on choisi un titre bancal et non pertinent, alors que le titre est mentionné mot à mot dans le dernier chapitre (comme on a pu le voir plus haut)? 
  La mention du Diable dans le titre est par contre justifiée de plusieurs façon: le nom de la Montagne Cornue, même si cette dénomination n'est pas assez explicite à mes yeux et surtout à cause du personnage légendaire qui est central à l'intrigue, El Diablo.
Edition allemande.
C'est dans le Chapitre 3 que le Professeur Walsh/Welch raconte l'histoire de Gaspar Delgado, jeune homme devenu une sorte de Robin des Bois mexicain. Il est intéressant au passage de noter que l'origine du surnom El Diablo devient différente dans le texte français. Le texte original précise "after the mountain where he had his cave headquarters", c'est-à-dire Devil Mountain. Or, comme Claude Voilier a choisi d'appeler ce lui la Montagne Cornue, elle s'oblige à trouver une autre explication: "Ils le surnommèrent El Diablo car le jeune homme leur échappait toujours."
  Ci-contre, je vous fais part de la couverture de l'édition allemande, minimaliste, mais qui garde un titre cohérent avec l'édition américaine (Teufel=Diable, Berg=Montagne donc Devil Montain). Elle figure aussi un éboulement au sommet qui n'est pas superflu pour présenter le roman (voir vignette). Elle me permet d'enchaîner en disant que nombre d'éditions internationales restent pertinentes soit en gardant le même titre qu'à l'origine mais traduit dans sa lange respective soit en l'adaptant un peu comme "La Caverne du Diable" ou la Montagne du Diable". C'est surtout l'opportunité pour moi de vous présenter les différentes couvertures et éditions. Je vais procéder en trois "mouvements", au fil des "incarnations" d'El Diablo dans le roman.

1ère Incarnation (Chapitre 8 & 9):
  Il s'agit de la scène ou Bob et Peter font la rencontre d'un cavalier déguisé alors qu'il se rendent en ville pour y faire des recherches à la bibliothèque. La scène est extraite dans un article annexe, cependant, il y a tellement de couvertures qui s'en sont inspirées que je peux en livrer quelques unes ici:
Edition Polonaise.
Edition Polonaise.




















Edition russe.
Edition allemande (2 en 1)


















  On remarque que la seconde version allemande ci-dessus à droite est une édition "2 en 1" qui inclut The Mystery of The Silver Spider/Die Dreii ??? und die silberne Spinne. L'un des personnage y est d'ailleurs dessiné en costume cravate et est tourné vers l'araignée, serait-ce Bob?
  Autre remarque, sur les éditions polonaises (l'une d'elle est en fait une reprise de celle de l'américain Roger Loveless) et russe, le cavalier porte un masque en forme de crâne alors que le texte dit "a black bandanna over the lower part of his face"/"un foulard noir qui lui cachait tout le bas du visage."

2ème Incarnation (Chapitres 11 & 12):

  Cette fois, nous sommes en compagnie de Jupiter/Hannibal et Peter dans les galleries de la montagne. Il font la rencontre d'un autre personnage déguisé en El Diablo. Yves Beaujard illustre cette scène dans la version la plus récente de la Bibliothèque Verte (l'ombre d'Hitchcock est bien sûr visible) et elle est aussi utilisé par son confrère italien (qui ajoute un personnage):
Yves Beaujard

  "As Pete prepared to follow, he suddenly became aware of the sound of footsteps behind him.
  "Jupe," he quavered weakly.
  Standing there, close behind them, was a small, thin man with burning dark eyes and a proud face - the face of little more than a boy. He wore a black sombrero, a short black jacket, a high-necked black shirt, and tight black trousers that flared at the bottom above shiny black boots.
  He was the young man in the picture Professor Walsh had shown them at the ranch. El Diablo!
  And he held a pistol in his left hand.
  "Yipes!" cried Pete.
  El Diablo pointed his pistol at Pete and made a sharp cutting motion in the air with his other hand.
  "He wants us to be silent," Jupiter said, a little shakily.
Edition italienne.
  El Diablo nodded. His boyish face showed no expression at all. He motioned with the pistol that he wanted the boys to walk ahead of him in the direction from which they had come, away from the sound of digging."


  "Au moment où Peter se préparait à le suivre, il perçut un bruit de pas derrière lui.
  "Hannibal!" s'écria-t-il d'une voix tremblante.
  Devant les deux garçons qui s'étaient retournés se tenait un homme petit et mince, aux yeux de braise, à la mine fière. So visage était celui d'un adolescent. Il portait un sombrero noir, une courte veste noire, une chemise noire et des pantalons noirs ajustés qui s'évasaient dans le bas au-dessus de bottes noires et brillantes.
  C'était le jeune homme dont le professeur Welch leur avait montré le portrait au ranch. El Diablo!
  Et il tenait un pistolet dans sa main gauche.
  "Attention!" s'exclama Peter.
  El Diablo pointa vers lui son pistolet et leva vivement la main droite.
  "Il nous fait signe de nous taire!" murmura Hannibal d'une voix moins ferme qu'il ne l'aurait voulue.
  El Diablo approuva ce commentaire d'un hochement de tête. Sa figure juvénile ne trahissait aucun sentiment, n'exprimait rien... Du geste, la stupéfiante apparition ordonna aux deux garçons de revenir sur leurs pas, c'est-à-dire de marcher dans la direction opposée à celle des bruits de pioche."


 3ème Incarnation (Chapitre 13):

  Dans cette troisième scène, nous sommes toujours en compagnie du Détective en Chef et son Adjoint. Il finissent par découvrir le véritable El Diablo. C'est surtout les anglo-saxons Harry Kane (outre l'édition originale de 1968, il en a refait une en 1978 avec les personnages dans les même postures sur fond bleu) et Robert Adragna qui l'ont utilisée (en bonus, l'illustration interne de Jacques Poirier):
Harry Kane, 1968.
Harry Kane, 1978.
  "He lit his candle and followed Jupiter. They tested two of the passages without success. Pete started to move on, but Jupiter stood still.
  "Pete," he whispered.
  Pete followed Jupiter's gaze. At first he could see nothing.
  "There, against the wall," Jupiter hissed. "It's... it's..."
  Then Pete saw it - or rather, him! In a dark recess just inside the second passage, seated against the wall with his legs straight out in front was a small man, dressed all in black, with a sombrero on his head, and black boots on his feet. In his right hand the man held an ancient pistol, and his face was grinning straight at the boys.
Robert Adragna, 1983
  Execpt that the face looking at them was not a face at all - it was a skull! And the hand that held the pistol was not a hand, it was five bones - a skeleton!


  "Il alluma sa bougie et suivit son ami. Après deux essais infructueux, les Détectives s'arrêtèrent devant un troisième couloir. La flamme de la bougie ne vacilla pas davantage. Cependant, tout à fait machinalement, Hannibal tendit le bras à l'intérieur. La bougie éclaira une mince fente noire au flanc du souterrain. Intrigué, Hannibal s'en approcha et constata avec surprise qu'il s'agissait de l'entrée très étroite d'une minuscule salle creusée dans le roc. Il fit un pas en avant et laissa échapper un cri de stupeur:
  "Pete! Viens voir!"
  Sur le moment, Peter ne vit rien du tout. Et puis, brusquement, il rouvrit des yeux ronds. Là, adossé contre la paroi, se trouvait assis un homme de petite taille. Il était entièrement vêtu de noir, depuis le sombrero enfoncé sur sa tête jusqu'aux bottes dont il était chaussé. SA main droite étreignait un vieux pistolet. Son visage était tourné vers les garçons... Son visage... enfin, c'est façon de parler... En fait, sous le sombrero, il ne restait qu'une tête de mort grimaçante. Et la main qui tenait l'arme était celle d'un squelette!"
Jacques Poirier, 1973.

   Vous remarquerez le gros ajout qui commence par "La flamme de la bougie ne vacilla pas davantage" et finit par "et laissa échapper un cri de stupeur".

 4.Autres couvertures:

  Un autre personnage est utilisé par deux éditions scandinaves: Old Ben Jackson. On le retrouve soit figurant dans sa rencontre avec le trio ou lorsque Jupiter/Hannibal ert Pete l'espionne lorsqu'il creuse à la recherche des diamants:
Edition suédoise.

Edition finnoise.


















  Je termine cette présentation traditionnelle des couvertures avec le genre de celles que l'on ne manque jamais de trouver. Certains illustrateurs aiment s'inspirer de plusieurs scènes (en l'occurrence les quatres au-dessus) ou de l'ambiance générale du roman (Stephen Marchesi par exemple). Voici donc leur montage respectif:
Edition indonésienne

Stephen Marchesi, 1978.




















Edition slovaque.
Edition slovaque.


















  En voilà terminé de ce dixième épisode. La prochaine enquête de mes trois potes de papier s'intitule The Mystery of the Talking Skull/Le Crâne qui crânait. Je compte en faire l'article plus rapidement que pour celui-ci. Depuis que j'ai commencé mon projet, j'ai toujours hâte de lire le prochain roman de la série, mais ce onzième tome est très particulier pour deux raisons. La première, je l'ignorais bien sûr à l'époque où je l'ai lu, il y a vingt-cinq ans, c'est qu'il s'agit du dernier écrit de la main du créateur, Robert Arthur. La deuxième raison,  plus personnelle, je la garde pour l'introduction du prochain article. Vous la découvrirez, j'espère, avec le même plaisir que le mien pour vous la dévoiler. 

4 commentaires:

Naé a dit…

Il manque juste l'ancienne couverture de la bibliothèque verte, avec le portrait d'Hitchcock caché...

La voilà : Ancienne couverture

Gilmoutsky a dit…

Tout d'abord un grand merci, Naé pour vos commentaires.J'espère que vous aurez l'occasion de lire ma réponse un peu tardive (j'ignore si la notification va vous parvenir). Les retours sur mon projet sont si rares...
En fait, j'ai bien utilisé cette couverture mais autre part... Je fais un article très fouillé par tome de la série, mais je fais aussi beaucoup d'articles annexes! Cette couverture de la Bibliothèque Verte, que je trouve excellente, avait plus sa place dans la scène de l'éboulement que j'ai recopiée. J'ai mis le lien au début de la partie concernant les couvertures sous le nom de "vignette". Je vous redonne le lien et vous comprendrez pourquoi j'ai décidé de la placer autre part: http://ranatoad.blogspot.fr/2016/02/un-dangereux-eboulement-chapitres-4-5.html

Mon projet connait un hiatus depuis plusieurs mois, mais je n'ai jamais eu l'intention de l'abandonner. L'article sur le douzième tome The Mystery of the Laughing Shadow/L'Ombre qui éclairait tout est en cours de finition et j'ai lu le treizième tome et pris des notes sans en avoir encore rédiger un article.
Confirmez-moi si vous avez pu lire cette réponse, merci et à bientôt j'espère.
Gilles.

Naé a dit…

Hâte de lire votre nouvel article. J'ai pris un grand plaisir à vous lire, dans cette exercice parfaitement décalé qu'une analyse d'une ancienne série de romans pour ados. Série qui a marqué mon enfance, par son mystère et ses astuces amusantes. Je suis en train de relire l'intégrale en anglais :-) Merci pour votre travail !

Gilmoutsky a dit…

Bonsoir Naé, merci à vous pour ce retour! Excusez le retard, je viens seulement de voir votre commentaire à l'instant. Peut-être avez-vous déjà lu mes articles sur le 11ème et 12ème tomes (ordre original américain), sinon les liens sont à la fin de chaque article (dont celui-ci). Je suis tout juste en train de finaliser le 13ème article principal concernant The Secret of the Crooked Cat/Le Chat qui clignait de l'oeil. Je pense le publier début de semaine prochaine (j'attendrai votre réaction!). Le suivant consacré à The Mystery of the Coughing Dragon/Le Dragon qui éternuait arrivera peut-être avant la fin septembre, au pire début octobre. Je pense bientôt attaquer la lecture du quinzième tome!
Ravi que vous aussi puissiez lire les versions originales, vous pouvez comprendre toute la portée de mon humble mais exhaustif projet!
Merci encore et à bientôt!