"Rana Toad", ça se mange?

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lundi 4 janvier 2016

J'avais dix ans. Depuis deux ans, je n'avais plus prononcé un mot.
  J'étais une proie désignée pour les autres garçons du Foyer, qui voyaient mon traumatisme comme la faiblesse qu'il était bel et bien. Je me faisais rouer de coups, j'essuyais des humiliations quotidiennes. Ils me traitaient d'attardé, même si je passais la plupart de mes journées seul à la bibliothèque du Foyer, à vivre des heures entières dans le monde des robots d'Asimov, à arpenter les rues de Metropolis, à dîner avec les frères Hardy. Mes souvenirs les plus vifs des aventures de Frank et Joe Hardy sont liés aux repas plantureux qui sont décrits dans les livres. C'était un sacré fantasme pour un gamin condamné à manger trois fois par jour la nourriture subventionnée par l’État.
  Je dévorais la fiction, j'en fabriquais un autre monde dans ma tête. J'étais détaché de celui des autres garçons, de leur cruauté. J'étais détaché de mon propre monde. J'étais le garçon au fond du puits.
  Et j'aimais bien ce puits.

Cassandra, Todd Robinson, Gallmeister, coll. NeoNoir. Traduit de l'américain par Laurent Bury.

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