Si j'étais Dieu, me dis-je, je n'aurais pas le cœur d'apparaître maintenant. Pas après que ces livres et des millions d'autres ont été écrits. Non, je n'aurais pas le cœur d'apparaître aussi tard pour dire: "Me voilà, je suis venu vous dire la vérité et rendre superflus les siècles que vous avez passés à la rechercher." Non, s'Il était vraiment un dieu d'amour, Il resterait dans son coin. Il était trop tard, maintenant.
La tragédie de ce pauvre Dieu solitaire qui avait attendu trop longtemps pour apparaître m'envahit. Il était là, quelque part à la lisière d'un monde en expansion permanente, s'éloignant toujours plus de nous, filant loin de nous à la vitesse de la lumière. Il était là, avec sa poignée de vérités pour toute compagnie. Et nous, nous étions là, tout en bas, essayant de deviner ce que pouvait être la vérité, tentant de répondre aux grandes questions qui nous échappaient parce que même les indices que nous avions n'étaient pas bons.
Comment expliquer l'amour que j'ai ressenti pour toute l'humanité à ce moment-là? Ce sens d'une futilité tragique qui m'unissait à chaque être vivant par des liens plus forts que le sang ou la fraternité. Et mon cœur s'élançait également vers ce Dieu solitaire, tout en haut, qui ne pouvait pas revenir régler les choses sans détruire l'homme.
Karoo, Steve Tesich, Monsieur Toussaint Louverture. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Anne Wicke.
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