"Jazz manouche, disait-il, qu'est-ce que c'est que cette bestiole? Moi, il y a deux choses que je déteste: la soupe aux fèves et le folklore tzigane. Parce que quand j'étais petit, qu'est-ce qu'on a pu m'en faire avaler... Quant au jazz, je n'ai jamais vraiment su ce que c'était... Une musique que les Noirs ont inventé pour pouvoir traiter de singes tous les Blancs qui cherchaient à les imiter. Moi, je ne suis ni blanc ni noir et quand on me traite de singe, j'y vois comme un compliment... Pour en revenir à la musique, la mienne, après s'être nourrie d'un peu tout, ne ressemble à rien. D'ailleurs, je ne joue jamais deux fois la même chose. J'arrête pas de chercher...
-Quoi? demandait Jenny.
-Eh bien, le temps qui s'est foutu le camp, le vin de la jeunesse évaporé, ces fugitifs moments de félicité dont les enfants, les bêtes et les fous ont la perception immédiate et qu'ils gardent en eux longtemps... Ce genre de bonheur qu'on éprouve en marchant seul dans la forêt ou en contemplant un joli minois comme le tien. Ces petits plaisirs que les mots sont impuissants à communiquer, tu vois, je les confie à ma guitare qui trouve ensuite les notes justes, qui fait résonner les octaves comme des carillons."
Plus il jouait, moins il semblait se soucier de montrer ce qu'il savait faire. Il était dans la prière et l'incantation plus que dans le bouillonnement ou la tornade de ses débuts... La joie ou le chagrin, un nuage qui glace une après-midi bleue, les pirouettes d'un bambin, ce que les roses doivent aux orties, Django les captaient et les restituaient avec une simplicité et une humilité qui forment l'apanage des plus grands.
Folles de Django, Alexis Salatko, Robert Laffont.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire