Il avait acquis assez de bon sens pour se débarrasser de témoins quand la mélancolie l'assaillait. Il partait alors marcher dans la forêt et pêcher dans des ruisseaux tellement inaccessibles que personne d'autre ne se donnait la peine de les fréquenter, et il laissait son esprit putride se vider de ses sanies et de ses tourments. Une moitié de lui-même s'exprimait et l'autre écoutait. Il lui arrivait souvent, pendant des heures, de hurler en ne s'adressant à rien d'autre qu'à un tapis d'aiguilles de pin, des buissons d'armoise ou des rochers, sa voix se déversant devant lui comme le trop-plein d'une violente averse. Puis ses paroles se faisaient plus rares, leur débit s'amenuisait pour n'être plus qu'un murmure supportable.
Animaux solitaires, Bruce Holbert, Gallmeister, coll. "Noire". Traduit de l'américain par Jean-Paul Gratias.
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