Quand l'économie s'invite au centre des débats, nous nous trouvons perdus et désarmés face à des concepts alambiqués et volontairement incompréhensibles. Pour beaucoup d'entre nous, les quelques connaissances viennent des obscurs cours de SES (Sciences économiques et sociales) du lycée, à peine appris, à peine oubliés. Or, et Michael Goodwin l'explique en introduction, comprendre notre monde et les profondes transformations qu'il subit en ce début de XXIe siècle, oblige à s’intéresser à l'économie, tant elle a pénétré nos esprits et nos vies. C'est l'une des principales raisons qui poussa Goodwin, aidé du dessinateur Dan E.Burr, à réaliser Economix, sorti en 2012 aux États-Unis, et en 2013 chez nous.
Car beaucoup de questions se posent depuis une décennie: pourquoi la finance s'effondra en 2007-2008? Pourquoi entraina-t-elle la grande majorité des économies nationales? Que se passe-t-il actuellement en Grèce? Pourquoi les générations actuelles pensent-elles vivre moins bien que leurs parents? Comment l'économie influe-t-elle sur l'environnement, et nos vies en général? Goodwin n'apporte pas de réponses fermes et définitives, mais donne des pistes de recherche. Son propos s'appuie à la fois sur la longue histoire -le livre commence dans l'Europe du XVIIe siècle- et sur les écrits des économistes les plus importants et influents - d' Adam Smith, le père du libéralisme économique, auteur le plus cité et sur lequel repose une partie de l'argumentation du livre, à Milton Friedman, en passant par Karl Marx, David Ricardo ou John Keynes.
En interrogeant l'économie sur le temps long, l'ouvrage permet de se rendre compte des violentes transformations déjà vécues par nos ancêtres. Ainsi, la Révolution industrielle fit passer l'Europe d'une économie agricole, où la plus grande richesse était la terre, à une économie industrielle, entraînant accélération des échanges, production de biens en masse, augmentation de la population urbaine, mais aussi paupérisation, chômage, conditions de vie dégradées, et crises économiques de plus en plus violentes et fréquentes.
Economix traite de l'avènement et de l'influence démesurée prises par les firmes multinationales et les trusts au XIXe siècle, puis par la finance au XXe. Ce pouvoir grandissant, entretenu par la publicité et les médias, font d'eux les grands décisionnaires mondiaux, subordonnant le pouvoir politique à leurs besoins et leurs volontés. Une partie de l'argumentation repose sur des oppositions: riches/pauvres, bourgeoisie/prolétariat, finance et trusts/société civile, ou comme le dit Goodwin, "des sociétés mondialisées contre un mouvement de résistance mondialisé".
Le format BD permet la schématisation de concepts et théories parfois très complexes, via des croquis, ou des saynètes souvent très drôles. Le style tout en rondeur et dépouillé de Burr apporte beaucoup au plaisir et au confort de lecture. On pourra néanmoins reprocher une simplification trop extrême de certains évènements (les deux guerres mondiales, le communisme), et un propos trop centré sur les États-Unis, pays d'origine des deux auteurs.
Economix se pose donc comme le manuel de base pour quiconque, y compris lycéens et étudiants, veut se familiariser avec l'économie, en comprendre ses rouages et son influence dans nos sociétés et notre quotidien. Mais l'ouvrage est loin d'être exhaustif, et se doit d'être dépassé et complété par d'autres écrits, d'autres approches et analyses. Ainsi, outre la bibliographie disponible en fin d'ouvrage, il existe aussi un blog, http://economixcomix.com/, où l'on peut échanger et approfondir les sujets abordés dans la BD, ou discuter de l'actualité brûlante. A lire impérativement!
Michael Goodwin, Dan E.Burr, Economix. La première histoire de l'économie en BD, Les Arènes, 2013, 21.90 euros.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire