"Rana Toad", ça se mange?

Nous sommes libraires de divers horizons, bibliovoraces friands de découvertes, ici pour partager!

samedi 9 novembre 2013

A chaque fois que je sortais un de ces gros plateaux noirs de sa boîte, j'avais l'impression qu'un instant de magie s'inscrivait dans le temps. Jamais encore la population noire, maintenue quasiment au secret dans le Deep South, n'avait eu une chance de raconter son histoire à sa façon. Pour moi les disques noirs qui tournaient dans la nuit du Mississippi, crachant leur copeau qui se resserrait vers le centre de la table, annonçaient aussi un âge nouveau dans l'écriture de l'histoire humaine - ce qui se vérifia. La prose enregistrée, une fois transcrite, s'enroulait avec de beaux entrelacs sur la page imprimée. Elle valait autant que les meilleures scènes "vulgaires" de Shakespeare ou de Dickens - écrivains que je soupçonne d'avoir eu des magnétophones dans la tête. C'est ainsi que dans les années 1930 et 40, je déposai les premières histoires orales: les biographies chantées de Leadbelly, de Jelly Roll Morton, de Big Bill Broonzy, deVera Hall et de bien d'autres.

Le Pays où naquit le blues, Alan Lomax, Les Fondeurs de Briques. Traduit de l'américain par Jacques Vassal.

Aucun commentaire: