On en a vu et lu des fictions sur la prison. Et pourtant on n'arrivera jamais à savoir vraiment le pire de ce qui s'y passe. On n'en a qu'une petit idée. Mais je ne vais pas me lancer dans un pamphlet. Je ne pense pas que ce fut non plus l'objectif premier de Karine Giébel lorsqu'elle s'est mise à rédiger Meurtres pour rédemption. Sous son format poche, il frôle le miller de pages. Alors me direz-vous, qu'est-ce qu'un roman de presque mille pages se déroulant (en partie) dans une prison peut avoir de convaincant quand le thème a déjà été maintes fois rebattu? Question que je ne laisserai pas sans réponse.
Tout commence par une histoire à la Bonnie & Clyde qui tourne court. Marianne de Gréville est déjà en prison depuis un bout de temps. Les circonstances de son arrestation et de son procès l'ont dépeinte comme un monstre cruel sans espoir de pardon. Orpheline à l'âge de trois ans et recueillie par des grand-parents bornés, Marianne n'était pas autorisée à pratiquer les arts martiaux, seule chose qui comptait pour elle. Ses grand-parents n'ont pas attendu son incarcération pour la considérer comme la honte de la famille. Quoi de plus frustrant que d'être enfermée dans une case et de plus tentant de vouloir s'y opposer par tous les moyens? Sauf que fuguer à seize ans avec son petit-ami et partir à l'aventure, un braquage qui tourne mal inclus in the package, bah, c 'est une solution bien foireuse.
On entame donc le roman quand Marianne a largement eu le temps de réaliser le prix de ses malheureuses actions. Son quotidien est rythmée par les confidences réciproques avec la surveillante Justine, les vacheries d'une autre surveillante, Solange, surnommée la Marquise et surtout une relation qui deviendra de plus en plus complexe avec le gradé, chef de la section femme, Daniel. La bonne première moitié du roman s'inscrit plutôt dans le roman noir, à mon avis. Marianne purge sa peine dans les pires conditions et seuls le bruit des trains et John Steinbeck lui apportent quelque réconfort. Malgré les scènes apparemment répétitives (vistes de Daniel, humiliations de la Marquise, discussions avec Justine, sa relation avec Emma sa co-détenue, les agressions d'autres détenues), le caractère bien trempé de Marianne se nuance et le lecteur est happé par une sorte de fascination. On ne sait plus vraiment qui est à plaindre ou qui est à blâmer.
Oui on a déjà vu la matonne peau de vache, le gradé qui profite de son statut, les relations à couteaux tirés entre détenues. Et pas qu'une fois. Et pourtant, on ne s'ennuie pas, on continue le roman. Peut-être parce que l'on ressent ce crescendo subtil, cette avancée microscopique de l'intrigue. A tel point qu'on peut presque oublier les visites sporadiques de Franck et ses collègues flics, qui font une proposition plus que floue à Marianne, mais laquelle décidera de son avenir autant que de l'autre moitié du roman.
Auteure notamment des remarquées Morsures de l'ombre et du psychologique et plus récent Juste une ombre (Meurtres pour rédemption se situe chronologiquement entre les deux), Karine Giébel raconte ici une descente en enfer carcérale et personnelle, rude et implacable. La première moitié peut paraître longue et certaines scènes superflues mais je me demande si, tronqué de 100 ou 200 pages, le roman aurait eu le même impact émotionnel. Le but de l'auteur étant justement de nous embourber dans cette atmosphère glauque, douloureuse et sans issue.
Meutres pour rédemption ne porte pas de jugement sur les êtres et son engagement politique sait ne pas être ostentsible. Reste l'histoire d'une fille qui rêvait d'une jeunesse et d'une liberté qui lui seront refusées J''était à demi blasé en ouvrant le livre pour la première fois (la série Oz est passée par là), l'efficacité du roman m'a détrompé. En le refermant, j'ai pensé que peu de lecteurs seront capables d'oublier le nom de Marianne de Gréville.
Meurtres pour rédemption, Karine Giébel, Fleuve Noir/Pocket, 22,21€/9,10€.
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