"Rana Toad", ça se mange?

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lundi 25 juin 2012

Il s'extasiait devant le monde et ses tentations.
Son sourire dévoilait des dents un peu gâtées, son visage évoquait l'enfance candide, son nez rosâtre au teint flamboyant - comme fardé - lui servait d'étendard. Il se régalait. Le Vieux l'observait, circonspect, dodelinant du chef. L'esprit de Manfred le laissait souvent pantois, comme cette fois où il lui avait sorti je te remercie de me faire bartager ton bel esbrit, ces tournures à l'emporte-pièce surgies d'on ne sait où, proférées par cette grande perche qui dessinait avec ses membres d'étranges arabesques, des kanji japonais formés dans l'air, aussitôt disparus, mantiques à croire. Manfred intriguait, même le Vieux. Grandboche biberonnait encore, entretenant consciencieusement la combustion dans son gosier, ses chancellements, ses rêveries, la farce d'être au monde. Il réalisait des acrobaties étonnantes afin que son esprit reste arrimé au réel. Il avait tout d'un spectre joyeux. C'est un bon bougre, se dit le Vieux, jovial et pas compliqué.

La Nuit du chien, Olivier Brunhes, Actes Sud.

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