Il y a plusieurs mois, dans mon article sur Le Concile de Fer, je vous avais promis l'apparition d'autres oeuvres de China Miéville. J'ai terminé Looking for Jake depuis un petit moment déjà et sa découverte s'est faite par à-coups, s'agissant de nouvelles, une lecture régulière et soutenue n'étant pas indispensable. Ce recueil regroupe différents efforts de l'auteur entre 1998 et 2005 (certains parus pour la première fois à cette occasion) et je mentionnerai leur date respectives entre parenthèses.
La majeure partie des nouvelles sont à ranger dans la catégorie fantastique ou dark fantasy (pour faire plus geek), plus dans la veine du Roi des Rats que dans le crossover steampunk (pour faire encore plus geek) du monde commun à Perdido Street Station, Les Scarifiés et Le Concile de Fer (vous verrez cependant que "Jack" fait exception).
Dernière chose avant d'attaquer, Looking for Jake n'a pas encore de traduction française, je m'excuse donc auprès de ceux à qui je pourrai donner envie de le lire mais qui ne le pourront pas.
Le cadre des histoires n'est jamais identique, d'un quotidien très proche du lecteur à une atmosphère XIXème siècle en passant par un monde totalement changé, voire déréglé, on a beau tenter de le définir, le fantastique de China Miéville va du plus traditionnel au plus déroutant. Le vigile de "The Ball Room" (2005, co-écrite avec Emma Bircham et Max Schaeffer) travaille pour ce magasin immense, équivalent de IKEA, où se trouve une crèche pour distraire les enfants. Mais quelque chose cloche sérieusement dans ce parc plein de boules multicolores. Qu'est-ce qui peut bien tracasser Mme Miller, la vieille dame de "Details" (2002), au point que la moindre action la terrifie? Et si ses élucubrations à propos du "diable dans le détail" étaient fondées sur son expérience?
Voilà quelque chose qui revient beaucoup dans ce recueil, une angoisse liée à ce qui arrive, en rampant, en faisant savoir que ça arrive. Un malheur, une révélation que l'on ne veut pas entendre, une créature immonde et sanguinaire, peu importe, ça arrive. L'exemple le plus approprié se trouve dans "Familiar" (2002), où cette créature ratée, qui se nourrit et grossit de manière inquiétante jusqu'à retrouver le magicien à l'origine de son existence. Ce n'est pas non plus le vieil homme de "Different Skies" (1999), qui comprend qu'il n'hallucine pas quand il voit et entend de cruels chenapans le narguer à travers cette étrange vitre ni Morley ("Go Between", 2005), à qui l'on fait parvenir des messages des manières les plus souterraines et ce quoiqu'il fasse pour les éviter, qui vont me contredire.
Il n'est donc pas déplacé d'affirmer que la paranoïa imprègne ces pages, que l'ennemi soit virtuel ou dirigeant. Que cache par exemple ce site en ligne de bienfaisance dans "An End To Hunger" (2000) qui semble ne pas apprécier les remarques embarrassantes des internautes les moins crédules? L'aspect politico-engagé de l'auteur, bien que sous forme de satire, fait également surface dans "'Tis The Season" (2004, parue dans Socialist Review...), dans une société où les réjouissances de fin d'année sont restreintes par une puissance politique.
La "conspiration" n'est jamais très loin comme on peut le voir dans "On the Way to the Front" (2005), où les militaires partent pour d'obscures missions. Cette mini bande dessinée, réalisée par Liam Sharp, nous démontre d'ailleurs que Miéville peut se permettre de jouer avec la forme, de sortir de la narration classique: que cela soit sous forme de correspondance dans "Reports of Certain Events in London" (2005) qui révèle au narrateur suite à une simple erreur de distribution de courrier l'existence d'un cercle fermé ayant découvert des anomalies dans les rues de Londres, ou dans l'exercice maîtrisé de raconter l'existence d'une maladie improbable par le biais d'un article fictif d'encyclopédie ("Entry taken from a medical encyclopaedia", 2003).
Les deux premières nouvelles du recueil ne pourraient pas être mieux placées puisqu'elles contiennent les influences permettant au lecteur encore novice dans le savez-vous-parlez-le-Miéville de trouver quelque peu un sol familier. Que ce soit dans "Looking For Jake" (1998), et son Londres étrangement déserté où le cinéma semble abriter une créature venue d'on ne sait trop où, réminiscent d'un Lovecraft, ou dans "Foundation" (2003) dont l'ingénieur supposé régler des problèmes de maçonnerie est le seul à voir les terrifiantes conséquences de la reconstruction macabre de sa ville, digne d'un Ray Bradbury perverti par Stephen King, il est indéniable que l'auteur s'inscrit dans la bonne lignée. Sans oublier la novella qui clôt Looking For Jake, "The Tain" (2002) croisement entre Je suis une légende de Richard Matheson et l'ambiance des films de Romero. On y voit un affrontement épique entre des humains dépassés contre des reflets qui se sont évadés de leur prison de verre.
Le cadre des histoires n'est jamais identique, d'un quotidien très proche du lecteur à une atmosphère XIXème siècle en passant par un monde totalement changé, voire déréglé, on a beau tenter de le définir, le fantastique de China Miéville va du plus traditionnel au plus déroutant. Le vigile de "The Ball Room" (2005, co-écrite avec Emma Bircham et Max Schaeffer) travaille pour ce magasin immense, équivalent de IKEA, où se trouve une crèche pour distraire les enfants. Mais quelque chose cloche sérieusement dans ce parc plein de boules multicolores. Qu'est-ce qui peut bien tracasser Mme Miller, la vieille dame de "Details" (2002), au point que la moindre action la terrifie? Et si ses élucubrations à propos du "diable dans le détail" étaient fondées sur son expérience?
Voilà quelque chose qui revient beaucoup dans ce recueil, une angoisse liée à ce qui arrive, en rampant, en faisant savoir que ça arrive. Un malheur, une révélation que l'on ne veut pas entendre, une créature immonde et sanguinaire, peu importe, ça arrive. L'exemple le plus approprié se trouve dans "Familiar" (2002), où cette créature ratée, qui se nourrit et grossit de manière inquiétante jusqu'à retrouver le magicien à l'origine de son existence. Ce n'est pas non plus le vieil homme de "Different Skies" (1999), qui comprend qu'il n'hallucine pas quand il voit et entend de cruels chenapans le narguer à travers cette étrange vitre ni Morley ("Go Between", 2005), à qui l'on fait parvenir des messages des manières les plus souterraines et ce quoiqu'il fasse pour les éviter, qui vont me contredire.
Il n'est donc pas déplacé d'affirmer que la paranoïa imprègne ces pages, que l'ennemi soit virtuel ou dirigeant. Que cache par exemple ce site en ligne de bienfaisance dans "An End To Hunger" (2000) qui semble ne pas apprécier les remarques embarrassantes des internautes les moins crédules? L'aspect politico-engagé de l'auteur, bien que sous forme de satire, fait également surface dans "'Tis The Season" (2004, parue dans Socialist Review...), dans une société où les réjouissances de fin d'année sont restreintes par une puissance politique.
La "conspiration" n'est jamais très loin comme on peut le voir dans "On the Way to the Front" (2005), où les militaires partent pour d'obscures missions. Cette mini bande dessinée, réalisée par Liam Sharp, nous démontre d'ailleurs que Miéville peut se permettre de jouer avec la forme, de sortir de la narration classique: que cela soit sous forme de correspondance dans "Reports of Certain Events in London" (2005) qui révèle au narrateur suite à une simple erreur de distribution de courrier l'existence d'un cercle fermé ayant découvert des anomalies dans les rues de Londres, ou dans l'exercice maîtrisé de raconter l'existence d'une maladie improbable par le biais d'un article fictif d'encyclopédie ("Entry taken from a medical encyclopaedia", 2003).
Les deux premières nouvelles du recueil ne pourraient pas être mieux placées puisqu'elles contiennent les influences permettant au lecteur encore novice dans le savez-vous-parlez-le-Miéville de trouver quelque peu un sol familier. Que ce soit dans "Looking For Jake" (1998), et son Londres étrangement déserté où le cinéma semble abriter une créature venue d'on ne sait trop où, réminiscent d'un Lovecraft, ou dans "Foundation" (2003) dont l'ingénieur supposé régler des problèmes de maçonnerie est le seul à voir les terrifiantes conséquences de la reconstruction macabre de sa ville, digne d'un Ray Bradbury perverti par Stephen King, il est indéniable que l'auteur s'inscrit dans la bonne lignée. Sans oublier la novella qui clôt Looking For Jake, "The Tain" (2002) croisement entre Je suis une légende de Richard Matheson et l'ambiance des films de Romero. On y voit un affrontement épique entre des humains dépassés contre des reflets qui se sont évadés de leur prison de verre.
Cependant, malgré ses influences volontairement affichées ou non, Miéville laisse transparaître une patte bien à lui et son univers particulier dépeint dans ses précédents romans refait surface dans "Jack" (2005) qui reprend un personnage, véritable légende urbaine du Concile de Fer, et qui remonte à l'origine de son châtiment.
Nous avons donc un excellent choix d'histoires avec leur comptant de frissons où l'auteur s'amuse avec beaucoup de sous-genres. Lesquels restent reconnaissables pour qui possèdent les connaissances de cette paralittérature que l'on n'a pas envie de voir s'éteindre.
Alors, oui, il me semble que je vais mettre un certain temps pour lire une suite à la trilogie Perdido/Scar/Council, Miéville ayant souhaité faire une longue pause avant de renouer avec cet univers si particulier. Juste pour vous donner une idée, le prochain ouvrage écrit de sa main que j'ai l'intention de lire met en scène Zanna et Deeba dans un Londres modifié. Dans un esprit de roman fantastique pour la jeunesse à la Lewis Carroll ou, plus proche de nous, à la Walter Moers, l'allemand, Un Lun Dun est illustré par Miéville lui-même. Je m'attends bien sur à ne pas découvrir un simple pastiche, mais à une création où il a mis du sien. A suivre...
Looking For Jake and Other Stories, China Miéville, Pan Books.
Alors, oui, il me semble que je vais mettre un certain temps pour lire une suite à la trilogie Perdido/Scar/Council, Miéville ayant souhaité faire une longue pause avant de renouer avec cet univers si particulier. Juste pour vous donner une idée, le prochain ouvrage écrit de sa main que j'ai l'intention de lire met en scène Zanna et Deeba dans un Londres modifié. Dans un esprit de roman fantastique pour la jeunesse à la Lewis Carroll ou, plus proche de nous, à la Walter Moers, l'allemand, Un Lun Dun est illustré par Miéville lui-même. Je m'attends bien sur à ne pas découvrir un simple pastiche, mais à une création où il a mis du sien. A suivre...
Looking For Jake and Other Stories, China Miéville, Pan Books.
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