Que fait donc un titre de la collection "Black Moon" au rayon polar? Dites-moi si je me trompe, mais "Black Moon" ne s'adresse-t-elle pas à un public ado, plutôt féminin? Bit-lit et compagnie? Le plus fameux exemple étant la tetralogie Twilight de Stephenie Meyer? N'y voyez aucune hostilité, c'est perplexe devant cet état de fait que je me suis penché sur ce livre de plus près. En lisant le quatrième de couv', on se demande vraiment s'il a sa place dans un rayon jeunesse. Bon on ne va pas chipoter, d'autant plus que l'intrigue paraît intéressante.
Sans être de la SF, Non Stop se déroule tout de même dans un cadre anticipatif, puisque l'histoire commence en septembre 2012. Dans les quatre coins des Etats-Unis, des gens reçoivent des lettres anonymes leur ordonnant de se rendre dans des lieux précis. Mais les choses deviennent plus flippantes quand ils comprennent que le pacemaker qu'ont leur a implanté à cause de leurs faiblesses cardiaques est piégé. Il leur faut marcher sans cesse sous peine d'exploser. L'inspecteur Sam Pollack est aux premières loges de la toute première explosion (hé c'est normal, c'est le personnage principal), et où donc? dans l'mille Emile, à Manhattan. Et ce dès le premier chapitre.
Au fil des explosions, partout sur le territoire, la confusion n'empêche pas les premiers soupçons: c'est très probablement un attentat machiavélique sur une échelle nationale. Le 11 septembre jamais oublié, toujours commémoré, semble avoir trouvé successeur au rayon attaque directe sur terriroire américain. Barack Obama a changé de nom, il s'appelle ici Stanley Cooper (voir les descriptions physiques) et sera plus qu'un personnage secondaire, il participera activement (les mauvaises langues pourraient se défouler dans ces parenthèses) à l'intrigue. Pollack sera aidé par une ancienne connaissance, Liz McGreary, qui a monté en grade, et Francis Benton, un agent du FBI (forcément) un peu chiatique. Mais on assiste aussi aux conséquences de cet attentat en haut-lieu. La narration monte et descend l'echelle de la hiérarchie tout au long du roman.
Un thriller qui comme l'indique son titre laisse peu de répit. Frédéric Mars serait-il inspiré par les séries américaines les plus addictives comme 24 Heures Chrono par exemple (pour ma part, je me suis arrêté au tout premier épisode, mais c'est ce qui viendra tout de suite à l'esprit de ceux qui ont suivi la dite série), que je n'en serais pas étonné (l'auteur s'amuse même avec quelques clins d'oeil). On trouve le même goût pour les fausses pistes, rebondissements et révélations en cascade. Le plus difficile dans cet exercice est d'éviter les invraisemblances, clichés et les faux suspens. Mars s'en sort mieux que ce qu'on peut attendre d'un auteur français. Vraiment. Il y a très peu de choses impardonnables à critiquer. Ce que l'on est tenté par mauvais esprit de qualifier d'invraisemblable est systématiquement paré par une documentation béton, et les justifications utilisées sont crédibles. Quelques clichés sont bien là mais ma foi on est suffisamment happé par l'histoire et puis franchement, le thriller est toujours truffé de clichés qu'il soit français américain ou scandinave. Il y a un faux suspens gros comme un gratte-ciel (il faut quand même dépasser les trois quarts du roman pour en trouver un) mais je ne le révélerai pas, on ne sait jamais, l'effet peut fonctionner sur ceux qui réussissent mieux à suspendre leur incrédulité à ce moment.
Donc un solide pavé de presque 700 pages, très bien documenté (surtout sur les subtilités socio-politiques des Etats-Unis et du Moyen-Orient dans une moindre mesure), qui s'ancre dans une actualité on ne peut plus récente, quand on prend en compte le temps qu'il faut pour écrire et publier un roman (Non Stop est paru en novembre 2011 et fait allusion au printemps des pays arabes et de la "mort" de Ben Laden). Vous croirez l'auteur sur parole quand il fera allusion à d'autres faits réels dont vous n'avez pas forcément déjà entendu parler.
Je me suis lassé un poil, vraiment juste un poil, dans les cent dernières pages, mais c'était moins par ennui que parce que j'ai tellement de livres à lire, que j'ai toujours le prochain en tête. Un facteur donc très subjectif voire arbitraire. Je tire mon chapeau à Frédéric Mars pour avoir bâti ce thriller politique, très travaillé, imposant, sans défauts majeurs (sous-entendu qu'il y en a des minimes) et dans son ensemble divertissant (c'est le but, non?). Non Stop mérite qu'on s'y arrête (oui, je vais terminer sur ce jeu de mot moisi).
Non Stop, Frédéric Mars, Hachette, coll. "Black Moon", 18€.
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