"Rana Toad", ça se mange?

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vendredi 29 avril 2011

Plus j'y réfléchis, plus je suis déconcerté par cette frénésie qu'ont les gens sans couleur à légiférer en matière de musique. On jurerait qu'ils craignent de se fier à leur instinct. La morale prêchée dans leurs temples et leurs églises ne comporte pas plus d'interdits et implique à peine plus d'obligations. Certaines sonorités seraient des échos du paradis; les autres, les plus nombreuses, les plus fascinantes, auraient été forgées en enfer. A celles qu'un homme produit, on préjuge de la direction que prendra son âme au jour du Jugement. En raison de sa nature ténébreuse, bien sûr, le Noir est porté vers la musique du Diable.

Les airs que j'inventais, en général, étaient des sortes de mélopées. Je n'étais pas toujours triste quand je les concevais, il m'arrivait même d'être transporté de joie (pour des motifs qui, d'ailleurs, ne m'apparaissaient pas avec clarté, neuf fois sur dix). Pourtant, les mélodies qui germaient sous mes doigts, même les plus primesautières, et il en eut, présentaient presque toutes une nuance de mélancolie, de nostalgie ou d'affliction: au moins un petit quelque chose d'inconsolable, qui s'insinuait en elles malgré moi.

Blues, Alain Gerber, Fayard.

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