Déjà convaincu par Perdido Street Station (poussé au crime par une certaine Morgane), j'attendais beaucoup de ce roman. J'avais trouvé dans Perdido Street Station une envoûtante originalité bien trop rare dans la science-fiction/fantasy en général. Peu de roman du genre réussissent à capter mon attention. Trop difficile pour être perméable à des thèmes trop classiques qui ne manquent jamais de transpirer dans leur description et/ou présentation (illustration de couverture, résumé, etc), et pas assez curieux pour creuser plus, il est certain que je suis passé à côté de plusieurs dizaines d'œuvres de qualité. Je peux citer quelques auteurs, quelques titres qui m'ont vraiment marqué (si quelqu'un veut savoir...), mais cela reste trop limité.
Après Perdido Street Station, je m'étais procuré le premier roman de l'auteur, Le Roi des Rats, qui était plus proche du genre fantastique/épouvante et d'auteurs comme Dean Koontz ou Graham Masterton. Un bon bouquin toutefois où l'on peut déjà appréhender le don de Miéville pour planter une atmosphère grâce à une sémantique sonore et olfactive impressionnante.
Ma lecture de Perdido Street Station, antérieure à la création de ce blog, est hélas trop lointaine pour en faire une chronique approfondie. Un savant, Isaac Dan der Grimnebulin, est contacté par Yagharek, un homme-aigle excommunié par les siens qui lui ont au passage coupé les ailes. Ce que Yagharek demande à Isaac présente un challenge inespéré pour cette variation de savant fou sympathique: lui rendre ses ailes. Mais attention, de vraies ailes, pas mécaniques ou autrement artificielles. Une quête passionnante pour Isaac mais qui va être l'amorce d'un cauchemar pour toute la ville de New-Crobuzon. Un petit tour du côté du Cafard Cosmique palliera bien amplement aux approximations que je crains de faire en essayant d'aller plus loin: http://www.cafardcosmique.com/Perdido-Street-Station ("Un Gotham City à la Dickens", très bien formulé, ça...). Mais reviendez, reviendez, je voulais aussi vous parler des Scarifiés!!! Bon vous avez déjà peut-être lu la chronique du site cité plus haut (ils vous y renvoient les p'tits malins!). Je ne l'ai pour ma part pas encore lue,donc toute similitude trop flagrante est fortuite. J'espère ne pas être redondant et que ce qui suit apportera quelque chose. Pour ceux qui sont reviendus...
Les Scarifiés (The Scar en v.o., la nuance a son importance entre les deux, moins au niveau grammatical qu'à celui de l'intrigue), reprend le même monde que Perdido Street Station, mais cette fois-ci il faut avoir le pied marin. 90% de l'histoire se déroule sur un immense océan. C'est simple, figurez-vous La Croisière s'amuse organisée par H.P. Lovecraft et vous aurez une idée d'à quoi vous attendre. Sauf que... le personnage principal est une femme, chose impensable dans l'esprit de notre vieil ami Hetchpi (Hetchpi à la plage, Hetchpi chez le docteur, Hetchpi rencontre Chtulhu...) Bellis Coldwine (traduit en Frédevin en v.f.) est montée à bord du Terpsichoria dans l'unique but de fuir New Crobuzon où certaines de ses amitiés sont devenues compromettantes. On apprendra par quelques lignes et à deux ou trois reprises, qu'une enquête des autorités a fait suite aux événements décrits dans Perdido Street Station et que les connaissances, proches et lointaines d'Isaac Dan der Grimnebulin ont eu tendance à disparaître. Mais, mais, mais, ce sera le seul lien reliant les deux romans, vous n'avez aucunement besoin d'avoir lu l'un pour lire l'autre. Ce début de roman sur le Terpsichoria permet au lecteur de repérer les personnages importants, met en place les événements à venir. C'est avant tout un bateau transportant des prisonniers criminels dont fait partie Tanner Sack, que l'on va suivre bien évidemment tout au long du roman, avec pour fil rouge son amitié avec Shekel jeune délinquant devenu mousse. Autre personnage central dont Bellis fera la connaissance, Silas Fennec, compagnon trouble aux intentions imprévisibles.
Tout le reste de l'action se déroulera ensuite sur Armada, un gigantesque navire pirate constitué d'un regroupement de bateaux capturés sans discernement au fil des ans. A son commandement, un couple d'Amants mystérieux aux multiples scarifications corporelles, mais il s'y trouve également plusieurs puissances, de races différentes, créant une sorte d'équilibre/tension socio-politique qui est un des éléments les plus réussis de l'histoire. Aux côtés de Silas Fennec, Bellis se rendra compte que ce qu'elle fuyait va devenir préférable aux événements qui se préparent sur Armada. Les révélations vont progressivement emporter Bellis, Tanner et compagnie dans une aventure épique et sanglante. Les desseins de Silas, des Scarifiés et de leur bras-droit, Uther Doul, s'éclairent étape par étape et on ne sait plus très bien qui manipule qui. La Croisière ne s'amuse donc pas de la même façon...
Le monde créé par China Miéville possède une crédibilité entretenue, une puissance d'évocation et une densité comparable aux meilleures oeuvres mythiques ou d'imagination en général. Une qualité de description des lieux aussi étoffée que dans Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, une myriade de subtilités sémantiques (y compris des mots inventés) assez fortes pour contribuer au transport du lecteur vers cet ailleurs dépaysant que l'on a tant de mal a quitter une fois le livre terminé.
Si cela peut convaincre un peu plus, tous les romans de Miéville, sans exception, se sont retrouvés sur des listes de Prix (Hugo, Arthur C. Clarke, World Fantasy, entre autres). Perdido Street Station et Le Concile de Fer ont obtenu le Prix Arthur C. Clarke (respectivement en 2001 et 2005), Les Scarifiés le prix Britsh Fantasy en 2003. Beau p'tit palmarès. S'il reste encore des indécis, Miéville compte parmi ses influences majeures, tenez-vous bien, tenez-vous mieux, enfin, voyons, Tim Powers, Mervyn Peake et Michael Moorcock.
Petite suggestion pour Taly: Perdido Street Station, Les Scarifiés, et Le Concile de Fer (quatrième roman de Miéville, le troisième ayant pour cadre le même monde, que je n'oublierai pas de lire un jour ou l'autre), ne dépareilleraient pas à des œuvres aussi originales que La Horde du Contrevent d'Alain Damasio ou La Porte de Karim Berrouka dans un rayon Science-Fiction. Enfin j'dis ça, c'est pas comme si tu ouvrais une librairie...
Pour ceux qui n'aurait pas lu la chronique du Cafard Cosmique, vous pouvez y aller: http://www.cafardcosmique.com/Les-scarifies-de-China-MIEVILLE. Je ne prêche pas pour ma paroisse quand il s'agit de faire découvir un si bon roman.
Perdido Street Station, Pocket, 2 tomes (voir illustration ci-dessous, découpée en dos, comme les patatos: partie gauche pour le t.1, droite pour le t.2), 7 et 8,90€; Les Scarifiés, Pocket, 11€. Traduction de Nathalie Mège.
1 commentaire:
Effectivement je connaissais pas, merci^^
Et effectivement ce n'est pas comme si ma librairie ouvrait début mars, allait s'appeler Librairie/ Galerie L'Antre-Monde, 142 rue du chemin vert près du cimetière Père Lachaise, spécialisée sf/fantasy, ésotérique et érotisme.
Et qu'en plus on pouvait suivre son évolution en direct live sur la page officielle Facebook
http://www.facebook.com/#!/pages/Librairie-L-Antre-Monde/176436635710636
Moi qui allait faire ma fière en écrivait une chronique pour l'ouverture tu m'as tout spoiler méchant! :)
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