"Rana Toad", ça se mange?

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mardi 15 février 2011

Dans la salle de séjour, Coltrane jouait Compassion avec un autre grand saxo ténor, Pharoah Sanders. C'était une musique pour les pensées les plus aberrantes, des notes pour faire travailler les méninges. L'instrument de Coltrane errait comme une âme en peine, en route vers des rêves en noir et blanc, à travers des salles désertes. Elsa s'était habituée à s'endormir au son du jazz le plus extrême. Winter se demandait parfois quelles conséquences c'était susceptible d'entraîner.
Ce qui l'attirait vers le jazz c'était la part d'expression personnelle de cette musique. Son mérite principal était de permettre au musicien d'être lui-même et de n'obéir à nul autre. C'était une musique axée non sur l'interprétation mais sur l'expression directe. Il s'agissait d'improviser mais d'une façon qui n'avait rien d'insensé. Au contraire. L'improvisation imposait au musicien une forme de responsabilité et le résultat dépendait de ses capacités, des ressources qu'il trouvait en lui et de sa maturité sur le plan émotionnel. C'était une musique du sentiment, surgie directement de celui-ci.

Elle s'interrompit.
-Qu'est-ce que c'est que ce bruit affreux, derrière toi?
-Où ça?
-Chez toi. Ce vacarme?
-Un instant, dit Winter avant d'aller couper le son au beau milieu de Consequences. C'était un disque, expliqua-t-il en reprenant l'appareil.
Elle s'abstint de tout commentaire.

Voile de pierre, Ake Edwardson, 10/18, coll. "Grands Détectives". Traduit du suédois par Philippe Bouquet.

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