"Rana Toad", ça se mange?

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jeudi 8 juillet 2010

Un Sari couleur de boue - Kashmira Sheth


L’histoire se déroule dans l’Inde des années 1920. Leela a treize ans. Elle a été fiancée à deux ans, puis mariée à neuf ans. Dans quelques jours aura lieu son « anu » et elle ira vivre chez Ramanlal, son époux. Leela est issu des classes supérieures de la société indienne. Enfant gâtée, elle aime les bijoux, les beaux saris, et a l’habitude de faire céder sa « Ba » (sa mère) au moindre de ses caprices. Intelligente, jolie et riche, elle éprouve également de doux sentiments à l’égard de son époux. Tout semble lui sourire.

Soudain, tout s’effondre pour Leela. Son époux, Ramamlal, est mordu par un serpent venimeux et meurt en quelques heures. Elle devient alors une veuve, un statut très peu enviable en Inde, où les traditions sont omniprésentes. Ce nouveau statut lui ferme quantité de portes, car les veuves sont rejetées et mises à l’écart, considérées comme porte malheur par une société superstitieuse. Leela se trouve obligée d’enlever définitivement ses bijoux, ses beaux habits et doit revêtir à vie un « chidri », un sari marron en tissu rêche. On lui rase la tête, sacrifiant ainsi la chevelure dont Leela était tellement fière. Pendant un an, elle devra rester cloitrée chez elle, mais elle restera à vie marquée par cet évènement tragique, semant symboliquement le malheur partout où elle ira.

Au début de sa réclusion, Leela demeure prostrée et inconsolable, devant l’injustice de sa situation. Elle se replie sur elle-même, résignée à sa future vie maussade. Son seul soutien est son frère, Kanubhai, qui juge injuste la façon dont sa sœur doit dorénavant vivre. A la demande, de ce dernier l’ancienne institutrice de Leela, mesurant l’importance de l’éducation, vient lui donner des cours particuliers afin qu’elle étudie et qu’elle soit reçue à ses examens. Elle lui fait également lire le journal. A cette époque, Gandhiji commence son combat contre les injustices sociales, et Leela s’ouvre peu à peu à la vie extérieure, se pose des questions, et commence à réfléchir par elle-même à la justice de son pays.

Un roman vraiment intéressant traitant de la condition féminine en Inde. A une époque où les mentalités commencent à évoluer, les inégalités entre hommes et femmes demeurent, et la femme a un statut peu enviable dans cette société. Il est intéressant de voir comment Leela, au départ jeune fille au caractère insouciant et capricieux à laquelle on a du mal à s’attacher, murit au fil des pages. Paradoxalement, c’est en demeurant coupée du monde extérieur qu’elle va en prendre conscience, réfléchir par elle-même et s’engager dans la politique de son pays. Leela va devoir se battre contre le carcan des traditions, à commencer par son entourage proche qu’elle va devoir convaincre de la laisser partir si elle veut continuer ses études dans une autre ville, devenir institutrice et ainsi redevenir maîtresse de sa vie.

Voici une citation du livre qui représente très bien selon moi sa problématique :

« Les traditions n’entravent-elles pas les peuples tout comme l’occupation étrangère occupe notre pays ? Nous ne parvenons pas à nous défaire de ces chaines, même si elles nous blessent, nous nous sommes habitués. »

Un Sari couleur de boue - Kashmira Sheth-L'Ecole des loisirs Medium Poche, Mai 2010, 11€

1 commentaire:

Morgane Vasta a dit…

article très intéressant, je me commande le livre : )