"Rana Toad", ça se mange?

Nous sommes libraires de divers horizons, bibliovoraces friands de découvertes, ici pour partager!

vendredi 9 juillet 2010

Méditations en vert - Stephen Wright


"Pour ceux qui ont été transformés en graphiques, tableaux, données informatiques, et pour tous ceux qui n'ont pas été comptés."

Méditations en vert ou le quotidien d'une unité de renseignement américaine pendant la guerre du Vietnam.

On suit la vie d'une poignée d'entre eux, en particulier celle du soldat Griffin, personnage central qui est parfois le narrateur. Leur mission principale est de débusquer une hypothétique faction de vietcongs. Pour ce faire, des pilotes d'avions équipés de caméras embarquées explorent les environs. Le travail de Griffin consiste ensuite à visionner les bandes pour tenter de repérer toute présence humaine suspecte et à relever leurs coordonnées géographiques afin que les pilotes puissent ensuite bombarder ces points stratégiques. En complément, des expéditions au sol sont parfois menées. Les opérations se succèdent mais l'ennemi reste invisible, à cause de cette "foutue jungle". L'armée décide donc d'utiliser une nouvelle arme : l'agent orange. Cet herbicide est alors épandu par avion sur la jungle et sur les zones de cultures, dans le but de débusquer les vietcongs et de détruire leur agriculture.

Voilà pour la mission de ces soldats. Mais leur vie quotidienne est surtout dominée par la peur et l'ennui. Faute de résultats, la hiérarchie militaire tente de maintenir l'apparence du camp en attribuant des corvées aux soldats. Ceux-ci les accomplissent d'ailleurs sans trop rechigner, l'essentiel étant de s'occuper l'esprit entre deux bombardements ennemi. Beaucoup s'évadent par le biais des drogues. De longues journées paraissent donc filer à toute vitesse, tant dis que d'autres instants s'étirent pendant une éternité. Griffin choisit lui aussi cette solution.

Dans sa structure et son contenu le récit est donc lui aussi assez volatile. Méditations, délires, souvenirs et réminiscences se succèdent et se mêlent pour nous donner une vision tantôt lucide, tantôt hallucinée de cette période.

On a beau connaître les faits, on sort de cette lecture abasourdi par l'absurdité et le tragique de ce guerre.

On découvre des soldats loin du stéréotype habituel de la grosse brute stupide. Ces hommes sont pour la plupart opposés à cette guerre, mais finissent parfois par souhaiter connaître un peu d'action tant ils s'ennuient. Cette torpeur finie aussi par toucher le commandement du camp, son autorité s'émousse. Chacun s'adonne à ses petites activités. Un soldat abandonne son travail et se met à filmer la vie du camp, dans le but d'en faire un documentaire sur la guerre ! D'autres sortent du camp pour aller voir des filles. La tenue du camp se délite... On est surpris par la relative liberté qui règne dans le camp. Ces anecdotes distillent donc un humour moite et lourd dans ce tableau déjà très sombre.

Méditations enfin, car Griffin est revenu du Vietnam et qu'il a pour habitude de méditer. Cela calme ses angoisses. L'Etat lui a prescrit des séances de psychanalyse, mais celle-ci ne fonctionnent pas. Alors il médite. Trips, l'ami de Griffin, est lui aussi revenu, mais totalement instable, paranoïaque. Ce livre aborde donc la place des vétérans dans la société américaine d'après guerre. Que fera la nation pour ces soldats brisés ? Après de telles atrocités on comprend mieux les raisons de l'émergence du mouvement Hippie.

Méditations en vert - Stephen Wright (Trad. de l'américain par François Happe) - Gallmeister - Coll. Americana - 9782351780312 - 24€

3 commentaires:

Gilmoutsky a dit…

Merci, c'est le genre d'article que je n'ai pas réussi à écrire après avoir lu le bouquin. Je me suis contenté d'en citer des passages.

Filisimao a dit…

De rien !
Les citations c'est bien aussi, c'est elles qui m'ont donné envie de lire ce livre ;)

Gilmoutsky a dit…

Une des dernières était particulièrement savoureuse puisqu'elle décrivait la projection de The Night Of The Living Dead...juste avant la scène de chaos.