Le roman a bénéficié d'un succès critique plutôt remarqué à sa sortie. Sélectionné sur plusieurs listes de prix, éliminé du Goncourt avant le dernier carré pour être couronné par son "petit-frère", le Goncourt des Lycéens, ce faux premier roman (Jean-Michel Guenassia s'est illustré auparavant dans le polar avec Pour cent millions en 1998), méritait au moins ça.
De 12 à 17 ans (1959-1964), l'adolescence de Michel, avec comme contexte historique la Guerre Froide et, plus proche, la Guerre d'Algérie, la dissolution progressive de son foyer et surtout des rencontres qui bouleversent son quotidien défini par le rock'n'roll anglo-saxon, les parties de baby-foot avec son meilleur ami et cette envahissante envie de lire.
Son frère Franck et son ami Pierre (sorte de Fonzie, idole de Michel) verront leur destin scellés par la Guerre d'Algérie. Cécile, petite-amie du premier et soeur du second, l'accompagnera amicalement tout au long du roman. Mais, personnellement, je trouve ce personnage un peu faiblard face à ceux que l'on découvre en même temps que Michel dans cette arrière-salle du Balto de Denfert-Rochereau.
Ce club d'échecs qui donne son nom au roman est constitué de réfugiés politiques venus d'Europe de l'Est. Leurs histoires sont relatées en contrepoint à celle de Michel, mosaïques de tragédies, d'amitiés, de sacrifices et de trahisons. On croise aussi des figures littéraires comme Jean-Paul Sartre ou Joseph Kessel. Des êtres mystérieux comme Lognon, surnommé Grandes Oreilles, j'omets de dire pourquoi, ou Sacha que les membres du club acceptent mais ignorent avec mépris.
Les échecs ont une place plus qu'anecdotique: nous sont racontées une échappatoire à une célèbre partie, apparemment sans autre issue possible, trouvée grâce à une blague organisée au millimètre près, ainsi qu'une anomalie de début de partie qui déclenche miraculeusement... encore une fois j'évite le spoiler. Quoique si vous avez lu l'extrait cité dans ce blog il y a quelques temps de ça...
D'une puissance qui évite le larmoyant, l'écriture n'est pas exempte d'un ou deux clichés que l'on laisse cependant passer, quantité négligeable. Hey, six années nécessaires pour le finaliser, je vais pas chipoter devant l'effort que je suis pas capable d'accomplir moi-même, hein!
Sans doute un peu auto-biographique, le roman de Jean-Michel Guenassia trouve peut-être un alter-ego méta-littéraire dans l'effort d'un des personnages à publier un manuscrit trop pesant impossible à réduire.
Il n'en résulte pas moins un roman foisonnant, plein de petites ruelles à visiter, tel un labyrinthe, qui parlera certes plus à une génération qu'à une autre, mais dont le style, ni tape à l'oeil ni pseudo-expérimento-je-me-regarde-le-nombril-voyez-mon-cul-qu'il-est-plus-beau-que-le-vôtre (je ne vise personne, à part peut-être...), reste accessible sans être simpliste (la récompense citée plus haut en est la preuve). 750 pages beaucoup plus digestes que mes phrases, dont l'effet soporifique risque de desservir mon enthousiasme à défendre ce délicieux pavé (oui, deux métaphores culinaires à l'intérieur de deux articles, le même jour, plutôt lourdingue).
La Cabane a d'ailleurs accueilli avec grand plaisir, hélas pour un temps trop court, cet auteur abordable et sincère dont on attendra d'autres briques (non Cyril, aucune allusion à Pink Floyd) dans la construction de son parcours littéraire.
Le Club des Incorrigibles Optimistes (Prix Goncourt des Lycéens 2009), Jean Michel Guenassia, Albin Michel, 23,90€.
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