De nombreuses idées fausses circulent à propos de Pink Floyd. Il y en a bien une qui m'horripile et qui continue parfois à être stupidement proférée alors qu'un dictionnaire anglais-français suffit à éviter telle énormité. Pardonnez-moi cette digression introductive.
Aymeric Leroy n'y fait même pas allusion, d'ailleurs. C'est une de ces fioritures qui n'ont pas sa place, semble-t-il, dans cette collection "Formes". Les efforts de l'auteur se concentrent sur la genèse d'un groupe, celle de sa musique au fil des années avec une pertinence qui rejette le superflu. Ne cherchez pas les anecdotes croustillantes dont le seul but est d'amuser. Celles qui sont racontées ne le seront que parce qu'elle font sens.
L'introduction survole les décennies et se découpent en sous-titres tirés des paroles du groupe. Elle pose certaines problématiques essentielles comme cette complémentarité/opposition entre l'instrumentation et ses envolées/les paroles ainsi que les concepts qui s'y attachent. Si le nom des musiciens vous est familier, cette complémentarité/opposition interne se compose en fait ainsi: Gilmour et Wright/Mason et Waters. Aymeric Leroy la termine en insistant sur la volonté du groupe à demeurer dans un entre-deux assumé, surtout dans les années soixante-dix, entre expérimentation et musique populaire "qui rejette à la fois le formatage commercial et l'élitisme condescendant."
Moins une biographie qu'une discographie commentée du groupe, l'ouvrage attaque avec le prologue Syd Barrett, équivalent au premier opus The Piper Gates Of Dawn (que je suis loin d'avoir écouté autant que tous les autres) qui restera à jamais le seul effort marquant du personnage. Sans ses dérives mentales, Pink Floyd aurait été tout différent. Oui j'aime parfois enfoncer les portes ouvertes.
Le nombre de pages de chaque chapitre étant proportionnel à l'importance de chaque album dans la carrière du quatuor, il n'est pas étonnant de voir que Meddle, Dark Side Of The Moon, Wish You Were Here et surtout The Wall sont le terrain propice à l'auteur pour étoffer les principaux axes évoqués dans l'introduction. Animals doit sa longueur à l'explication du concept, inspiré de La Ferme des animaux de George Orwell, qui voit l'esprit critique de Roger Waters (déjà présent dans Dark Side) atteindre un autre palier dans la virulence politique. La place que le bassiste prendra les années suivantes au sein du groupe est décadrée intelligemment, certains détails à défaut d'être moins visibles n'en sont pas pour autant sans importance.
Tout espoir de reformation brisé après le décès de Richard Wright en 2008, l'ouvrage possède cet aspect définitif qui provoque soupirs et regrets. Au moins on n'aura pas à racheter de version augmentée.
Ne s'adressant pas seulement aux musiciens ou aux fans indécrottables, Aymeric Leroy parvient, sans être ni trop technique ni trop superficiel (contrairement à cet article incapable de rendre compte de nombreuses choses passionnantes), à éclairer un public avide de connaître le making of de ses nombreuses et intemporelles écoutes.
Pink Floyd - Plongée dans l'oeuvre d'un groupe paradoxal, Aymeric Leroy, Le Mot et le Reste, coll. "Formes", 15€.
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