Depuis peu je chronique des brèves d'actualité pour Plume Rouge (un site spécialisé dans la fantasy voir lien tout ça..). Je réalise aussi des interviews.. et en fait ça me travaille un peu : pourquoi ne ferait-on pas ça aussi sur Rana Toad? (en plus c'est une vachement bonne excuse pour aller discuter avec des auteurs et des éditeurs que l'on défend non? ^^) L'idée vous intéresse t-elle?
Pour la peine, je vous mets en ligne l'interview de Guillaume Duprat. Je vous avais déjà parlé de son travail. Ses réponses sont sincèrement intéressantes, prenez-le temps de les lire!
L'écrivain forge des mondes grâce à une imagination fertile. Parfois, il s'inspire de mythes ancestraux, que ce soit pour écrire la genèse d'une épopée antique ou une guerre futuriste, aux confins de l'espace. Aujourd'hui, nous partons à la rencontre de ces mythes : des interprétations de l'univers remontant à nos racines, collectées dans le cadre des recherches de Guillaume Duprat. Son travail ethnologique et scientifique aboutit sur des ouvrages emprunts de poésie: Mondes (écrit par Leila Haddad, Seuil) et Le livre des Terres imaginées (Seuil), sources d'inspiration que je vous invite vivement à découvrir.Plume Rouge (aka Susan Calvin sur Rana Toad, on l'aura compris) : Pourriez-vous tout d'abord nous exposer votre parcours et ce qui vous a amené vers les thèmes que l'on retrouve dans vos livres (à savoir les mythes autour de l'univers).
Guillaume Duprat : Je ne suis pas très conscient de l'origine de mon attirance pour les réflexions sur l'univers; structurellement, cela doit remonter loin... Enfant, j'étais de nature contemplative, plus attiré par le ciel et ses nuages que par les gens. Le ciel est un merveilleux espace de projection. Mon parcours professionnel n'a rien à voir avec la cosmologie, je ne suis ni chercheur, ni historien, ni anthropologue. J'ai une formation de technicien du livre et de graphiste, ce qui m'a permis d'exercer divers métiers : graphiste et animateur dans un centre culturel franco-africain, graphiste et illustrateur freelance, directeur artistique d'un magazine, et aujourd'hui, directeur artistique dans une maison d'édition spécialisée dans les jardins et l'écologie (Ulmer). J'ai aussi eu la chance de voyager, de dessiner quelques carnets de voyages. Mon penchant pour les cosmologies est à la fois une passion et une recherche personnelle.
P.R : Pouvez-vous me parler du projet Cosmologik ?
Guillaume Duprat : Le projet Cosmologik consiste à collecter des visions de l'univers dans l'histoire des sciences et à les rendre accessibles. J'ai commencé il y a environ dix années... il est né d'une simple curiosité personnelle : en regardant la profusion d'images des systèmes du monde illustrés en Occident, du Moyen-âge à aujourd'hui, je me suis demandé comment le monde était représenté, imaginé dans d'autres cultures. J'ai cherché des livres, des encyclopédies susceptibles de répondre à mes interrogations et je n'ai pas trouvé d'ouvrages qui embrassait la question en dépassant les barrières qui opposent traditionnellement cultures écrite et orale, histoire des sciences et histoire des religions. Je n'ai pas tout de suite pris conscience de la tâche qui m'attendait et me suis lancé dans une recherche sans fin, un projet borgésien. Pour pouvoir lire un maximum d'ouvrages, de monographies d'ethnologues, de livres d'histoire, d'astronomie, de géographie, de textes religieux, de mythes, j'ai alors décidé de ne plus lire de fiction pour me concentrer sur mon projet. Le début du projet a coïncidé avec un moment où j'ai pris conscience que je ne pouvais plus voyager comme je le désirais. Mes voyages avaient aiguisé ma curiosité sur la diversité des cultures... Cette recherche de cosmologies, de visions du monde, s'est substituée à mon gout pour les voyages. Le voyage physique s'est transformé en voyage de l'âme.
P.R : Vous avez illustré des mondes complètement fous issus des croyances de peuples autour du monde. D'ailleurs, certains ont visiblement inspiré les univers d'auteurs de fiction (comme Pratchett et son célèbre « Disque Monde »). Pensez-vous à l'inverse que l'interprétation du futur travaillée par les auteurs d'anticipation pourraient posséder une valeur scientifique ?
Guillaume Duprat : A vrai dire, je connais mal les univers imaginés dans la fiction. Je me suis spécialisé dans l'imaginaire du monde de l'histoire des sciences parce qu'il me semblait que cet imaginaire est méconnu du grand public au profit des mondes donnés à voir dans la fiction.Dans mes recherches, je constate que certaines grandes œuvres de fiction trouvent des échos dans les cosmologies mythiques ou scientifiques : des aspects symboliques du " Disque Monde " correspondent à un mythe hindou millénaire, le monde de Tolkien évoque la mythologie scandinave de l'Edda de Snorri, le Voyage au centre de la terre de Jules Verne succède aux théories de terres creuses imaginées par des scientifiques à la fin du XVIIIe siècle, etc. L'influence des sciences sur l'imaginaire de la fiction est parfois sous-jacente, mais à l'évidence, des auteurs de science-fiction peuvent aussi anticiper certaines découvertes, cela leur donne-t-il une valeur scientifique pour autant... Je crois que ces deux relations ne sont pas symétriques, et que le langage scientifique a quelque chose d'autonome qui opère dans un autre registre
P.R : Au-delà de ce travail documentaire et ethnographique, avez-vous déjà ressenti en tant qu'illustrateur l'envie de créer vos propres mondes ?
Guillaume Duprat : Ces recherches occupent mon imaginaire, elles le nourrissent, des centaines de cosmologies et leurs innombrables variations peuvent échanger des éléments de leur structure, si bien que les possibilités d'imaginer des mondes sont démultipliées. Dessiner ces mondes intermédiaires entre mon imaginaire et celui des cosmologies ne relève pour l'instant pas d'une nécessité.
P.R : Quelle est la « Terre » que vous avez préféré illustrer à cause de l'imaginaire qu'elle déploie dans votre livre Le livre des Terres Imaginées ?
Guillaume Duprat : L'illustration d'un monde n'est pas une source de satisfaction, ce n'est pas une fin en soi... je préfère d'autres phases comme la découverte d'une cosmologie sous forme de récit dans un livre en bibliothèque, la première esquisse ou la mise en relation de plusieurs dessins. Dans le livre des terres imaginées, le monde de Vasubandhu est une cosmologie qui me tient à cœur, cette terre triangulaire posée sur une surface d'eau est déjà une curiosité mais elle est en fait située au sud d'un monde centré sur le Mont Meru, un monde multiplié à l'infini...Dans un tout autre registre, j'ai un autre exemple, celui de la juxtaposition des terres shipibo et scandinave, deux terres circulaires centrées sur un arbre : par-delà les frontières géographiques et culturelles, la superposition des deux images permet de souligner l'importance du symbole de l'arbre, un point commun qui permet de montrer l'unité dans la diversité.
P.R : Pouvez-vous nous parler du prochain titre en préparation : Cosmos en collaboration avec Leila Haddad ?
Guillaume Duprat : Après Mondes (Univers), le Livre des terres imaginées (Terre), Cosmos est un livre consacré au ciel et à ses multiples représentations. Dans ma recherche personnelle, il prolonge parfaitement les deux précédents. Leila Haddad a su rendre accessible une histoire du ciel inconnue du grand public, et je me suis attaché à l'illustrer entièrement. Le livre commence avec l'interprétation des étoiles, montre ensuite la "fabrication" des constellations, la création du Zodiaque et de ses signes, et termine sur des visions modernes du ciel. Cette histoire du ciel est principalement axée sur les astronomies babyloniennes, grecques et occidentales. Mais régulièrement, d'autres points de vue du ciel issus d"autres cultures (comme les Chinois, les Navajos, etc.), sont montrés. J'ai eu la chance de pouvoir illustrer 2500 ans d'astronomie, ce qui donne au livre une dimension utopique. À ma connaissance, aucun livre n'a été fait avec cette approche... C'est un projet très enthousiasmant !
Merci encore Guillaume Duprat pour vos réponses!
Pour aller plus loin : Mondes : Mythes et images de l'univers - Leila Haddad, Guillaume Duprat (Seuil édition) 39euros
Le livre des Terres imaginées - Guillaume Duprat (Seuil édition) 20euros
Le site de Guillaume Duprat (dont les illustrations ci-dessus sont issues - à suivre de près!)
3 commentaires:
Merci pour cette interview. Les questions que tu as posées sur Facebook ne sont pas accessibles pour certains des contributeurs, il serait plus judicieux de faire une annonce sur le blog. La discussion se fera totalement là via les commentaires, il faut que tout le monde puisse y participer. Mais attendons la fin des vacances, OK?
Pour dériver un peu sur les évolutions de Rana Toad, j'avais une idée et j'aurai souhaité avoir votre avis (je n'ai pas accès à facebook du travail)
Je ferai le salon du premier roman 2009 en Novembre en tant qu'auteur pour L'inconsciencieux et je pensais proposer une sorte de reportage sur ma participation là-bas. Par exemple les impressions, le vécu du salon ,les rencontres que j'ai pu y faire, un petit peu comme un journal-reportage. Je pensais le libeller "Bufo-Bufo"
Qu'en pensez vous?
Aucun problème, tu as carte blanche. Enfin je suppose que les autres n'auront rien contre. Le seul problème des interviews et du reportage (tu peux créer une catégorie avec cette appellation, si tu le souhaîtes) que tu t'apprêtes à rédiger c'est qu'ils prennent beaucoup de place sur la page d'accueil, d'où la discussion en cours sur les évolutions du blog. Mais d'ici novembre on aura l'occasion d'en reparler.
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