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mercredi 1 juillet 2009

La physique des catastrophes, de Marisha Pessl

Si La physique des catastrophes était un joueur de foot, ce serait Cristiano Ronaldo, incontestablement brillant mais aussi terriblement agaçant et prétentieux.
Je m’excuse vis-à-vis de ceux qui ne connaissent rien au foot (encore qu’il doit y avoir une partie, essentiellement féminine, qui ne connait rien au foot mais qui voit très bien qui est Cristiano Ronaldo) pour ce petit morceau de portrait chinois, mais ils pourront se consoler en clouant leurs amis sur place quand, lors d’une de ces discussions sur le football pour lesquelles ils avaient pris l’habitude d’attendre que cela se termine sans rien dire, ils lanceront haut et fort « Si Cristiano Ronaldo était un livre, il serait La physique des catastrophes ».
Ecrit par une jeune femme d’à peine 26 ans, La physique des catastrophes est un roman qui ne laisse pas indifférent (il suffit de le « googler » et vous verrez se mélanger des adjectifs plutôt forts : « brillant », « époustouflant », « formidable », « génial », mais aussi « vides », « pompeux », « lassant », « usant », « pédant » puis un qui n’est pas un adjectif mais que j’ai trouvé drôle : « verbiage boursouflé » ). C’est le genre de roman que soit on adore, soit dont la simple vue donne la nausée. C’est donc impatient et curieux que je me lançais dans cet équivalent littéraire d’une douzaine d’huitres.
L’héroïne, Bleue Van Meer, 16 ans, un QI de 175, a lu plus de livre qu’elle a de cheveux sur la tête, nous raconte à la première personne le passage déterminant de son adolescence.
Bleue sillonne les états unis avec son héros de papa (conférencier, professeur, intellectuel de génie et théoricien sur à peu près tous les sujets) pour le suivre dans ses divers postes universitaires. Une bonne partie de leurs relations est construites autour de joutes verbales infinies et partant de rien dans lesquelles citations d’auteurs et théories fusent en tous sens. Père et fils regarde le monde de très haut tout en méprisant ceux qui leur sont inférieur intellectuellement, c'est-à-dire tout le monde, du moins dans leur esprit.
Durant leur périple ils font une halte dans une petite ville des états unis (donc comme toutes les villes des états unis sauf une cinquantaine), Stockton, ou vont arriver un certain nombre d’événements qui construiront la personnalité de l’un et révéleront la face caché de l’autre.
A peine leurs valises posées, Bleue, habituellement solitaire, va intégrer un groupe de marginaux Le Sang Bleu, mené par une très charismatique et mystérieuse prof de cinéma, Hanna Schneider. Dès le début du livre nous apprenons que ladite Hanna Scheider aura une mort violente, et que Bleue sera directement impliquée dans les événements qui lèveront le voile sur son mystère.
Je n’irai pas plus loin dans l’histoire mais déjà vous devez sentir qu’il s’agit d’un roman initiatique dans lequel l’héroïne passera en revue toute la gamme des émotions humaine ainsi qu’une intrigue policière en passant.
Ecrit comme une thèse de doctorat, avec un bon milliard de citations et diverses références faites soit pour éclairer le lecteur soit pour étaler sa culture et l’écraser dans son infériorité, le livre est clairement divisé en deux parties. La première partie met en place les personnages, le style et le contexte (en 650 pages tout de même) tandis que la deuxième est une enquête avec son lot de rebondissements et de révélations inattendues. Il sera à noter que Bleue n’aura besoin que d’une après midi, d’un bloc note et d’une connexion haut débit pour résoudre 3 meurtres ainsi qu’un complot politique. Plutôt efficace la jeune fille, il serait peut-être intéressant de lui confier les grands mystères de notre temps comme par exemple : La mort de JFK, la vraie identité d’Homère, les manuscrits perdus de Shakespeare, le Dalhia noir, la raison du succès des films « High School Musical », l’origine de l’expression « copain comme cochon » et les gens qui aime le viandox.
Le style d’écriture est assez original et il faut avouer que Marisha Pessl, l'auteur, est brillante, pleine d’esprit et doté d’un certain humour.
Certains passages du livre sont assez jubilatoires et l’ensemble est tissé d’une fort belle facture. Cependant il y a tout de même ce petit coté agaçant qui prend le pas à certains moment (j'imagine que chaque lecteur pensera dans le cours du récit, au moins une fois, « mais si j’étais dans l’histoire cette Bleue me mépriserait et utiliserait sa verve surentrainée pour me démolir, comme les autres. Mais pour qui se prend-elle, celle-ci ? »). De plus si vous n’avez pas envie de (re)baigner dans un univers trop scolaire, ce n’est pas le meilleur choix de lecture (l’histoire d’un prof et de sa fille major de promo qui se passe dans une école, articulé autour de la mort d’un autre prof, le tout écrit et référencée comme une thèse et dont les dernier chapitre est une interrogation écrite)
Il est toujours intéressant de ressentir des émotions fortes et de natures très différentes durant la lecture d’un livre. C’est pour cette raison que je conseille La physique de Catastrophes. Ce n’est pas tous les jours qu’un livre fait rire, agace, surprend, énerve, impressionne par la verve de l’auteur, et fait réfléchir.
Il est plus fréquent qu’un livre pose un certain nombre de questions mais celui-ci, qui est définitivement différent des autres, le fait au propre comme au figuré, le livre termine par une véritable interrogation écrite (QCM, question ouvertes, et dissertation) !
En tous les cas, je suivrai la carrière de cet auteur et c’est avec une curiosité encore plus grande que je me plongerai dans son prochain roman.

La physique des catastrophes, Marisha Pessl, 822 pages, 9,6€, chez Folio

3 commentaires:

keisha a dit…

J'ai lu (sans déplaisir) ce livre il y a un bout de temps. J'y m'y replonge donc grâce à votre billet qui est fort amusant! J'avais plutôt eu l'impression à l'époque que Blue était mal dans sa peau? Bref, on oublie vite.
Il est vrai aussi que sans tout ignorer du foot les femmes connaissent souvent mieux les joueurs. Et cela fonctionne aussi encore mieux (ou pire) pour le rugby...

Ford a dit…

Bonne remarque,
Bleue est effectivement mal dans sa peau tout en essayant de paraitre le contraire en se cachant derrière le très confortable refuge de son immense culture, cependant quel adolescent n'est pas un peu mal dans sa peau ? C'est d'ailleurs certainement une des raisons qui expliquent que Bleue et son "groupe" sont à ce point fasciné et mené par leur charismatique, différente et envoutante professeur Schneider.

Gilmoutsky a dit…

J'avais l'intention de le lire parce qu'il traînait depuis trop longtemps chez moi, bah tant pis je le repousse de quelques mois encore. Et si j'ai envie de faire un 3ème article dessus je ne me gênerai pas.
Le problème c'est que pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte, je n'ai pas lu ton article. Faudra me souvenir qu'il existe.