"Rana Toad", ça se mange?

Nous sommes libraires de divers horizons, bibliovoraces friands de découvertes, ici pour partager!

vendredi 12 juin 2009

Carmélia

Tout le talent de l’auteur est au rendez-vous à la lecture de Carmélia. Cynique, aigri, caricatural…. Mais tellement vrai! Toutes ces situations grotesques du quotidien sont ici décrites en gris, terne si possible, comme une journée sans surprise. Tel est le quotidien des habitants de cet immeuble de Montpellier. Mais les propriétaires et locataires ne sont pas les seuls habitants des lieux. Locacia, la cage d’escalier se délecte des rumeurs malsaines et autres disputes de locataires. Gemini, Rose, Goya et celle que l’on devine être Carmélia, le studio du dernier étage, manipulent leurs occupants. Pour leur plus grand malheur! Gilles l’apprendra bien assez tard…
Vu sous l’angle d’un studio, la vie d’un être humain est bien triste et horriblement prévisible. Les étudiants ne sont que de futures adultes en devenir : faire bien sagement ses études, fonder une famille, s’acheter une maison, et bien sûr, passer l’incontournable permis de conduire! Le quotidien prend ici un arrière goût amer, que les descriptions cyniques de Gérald Duchemin rendent risibles au possible tant elles sont vraies!
Mais Carmélia c’est aussi une introspection, le repli de soi, sur fond de symbolisme des rêves. De belles descriptions oniriques ponctuent le roman qui se lit d’une traite. On appréciera aussi les clins d’œil aux divers auteurs cités tout au long du récit. Carmélia se dévore sans faim et l’on en redemande….

Phrases choisies :

« Après, j’eus droit au couplet sur les études, les belles perspectives d’avenir, le charme de Montpellier, sa vitalité, et bien d’autres sornettes. Chacun y allait de sa petite anecdote. C’était interminable. Heureusement, M. Quontre frappa à ma porte. Il interrompit cette fastidieuse logorrhée de l’ambition. » (p. 30)

« J’eus droit à la cerise sur le gâteau : le récit d’une blague. Elle les fit se tordre de rire. C’était une de ces histoires « belges », cruches au possible, usées, qui ne sont appréciées que des Français, et encore, seulement des plus Belges. » (p.35)

« Sa mère n’avait pas idée de l’inépuisable trésor de broutilles qu’implique une journée à l’université. Chaque heure de cours apportait son lot de « distractions » typiquement estudiantines qui n’intéressent personne. » (p. 75)

« Passer le permis de conduire vous met un pied dans la vie active. Ipso facto, cette dernière vous jette l’autre dans la tombe. […] Son entourage s’était ligué pour le convaincre de passer le permis. Il l’avait l’âge requis, c’était un homme maintenant. » (p.101)

Gérald Duchemin, Editions Le chat rouge, 2002, 227 pages
Fiche de l’ouvrage sur le site de l’éditeur
Interview de Gérald Duchemin sur Oscurantis :
http://pagesperso-orange.fr/oscurantis/iwdg.htm

Aucun commentaire: