Réfractaire à la marche du monde autant qu'altruiste et débonnaire, Eric Dolphy amortit ses peines en musique, sur scène ou en studio, sans jamais, ici comme là, se trouver à l'abri de l'anxiété. Alors, assis entre Charles Mingus et Dannie Richmond, il se peut qu'il ait l'air de ne pas attendre simplement le tour de son solo, mais plutôt d'être ailleurs, à l'affût d'un moyen d'échapper à un genre de préoccupations contre lesquelles les distractions même remarquables ne peuvent pas grand-chose. Le doute, quand il est authentique, ne se laisse pas facilement récupérer. Pour s'en sortit, Eric Dolphy ne voit que le jeu, qu'il tienne de la pratique en solitaire ou de l'exhibition. Pas dupe quant aux réponses apportées par la musique, tout simplement charmé par elles: "A peine écoutez-vous de la musique que c'est déjà fini, qu'elle est déjà partie, elle est dans l'air, pas moyen de remettre la main dessus", dira-t-il. Dans un monde d'illusions, pourquoi ne pas croire à la liberté de la musique, au développement autonome d'un art impossible à capturer? L'essentiel étant moins, pour le créateur qu'est Dolphy, de consigner en répertoire chaque note que lui suggère son inspiration, que d'échapper, ne serait-ce que le temps de sa pratique, aux contingences d'un monde où, pour être prise en compte, toute chose doit peser.
Eric Dolphy, Guillaume Behomme, Le Mot et le Reste, coll. "Formes".
6 commentaires:
Yeah !
Ca me rappel un court passage d'une chanson :
"But that was just a bunch of
Imaginary notes I played
Just a little extra somethin'
To keep me goin' from day to day"
Ou encore comme dirait Björk plus radicalement :
"My headphones
They saved my life"
L'art peut aider à tenir le coup dans certains cas.
guitar notes that would irritate an executive kind of guy...
Exactement ;)
très beau passage, merci pour le conseil de lecture...
Merci à vous d'être passé. L'article sur le livre arrive prochainement.
Enregistrer un commentaire