"Rana Toad", ça se mange?

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mardi 29 juillet 2008

Une promesse..

Sorj Chalandon est passé il y a peu dans ma librairie. Son visage a voyagé, ses yeux pétillent, il ne sait alors pas encore si il va recevoir le prix Inter pour son dernier livre: "Mon traitre"; livre que j'ai beaucoup aimé et que je conseille en magasin. Sur le départ, je lui ai demandé de me dédicacer "une promesse", sorti en poche il y a peu. Il me dit que le livre n'est pas dans l'action, que l'histoire prend son temps, que l'émotion vient crescendo, sans trop d'effluves: une histoire simple. Je l'ai finie ce matin.

On se croirait dans une galerie de portraits à la Amélie Poulain: il y a le petit bosco, Blancheterre, l'Andouille, Ivan, Paradis, Leo, Berthevin le prof du village et Madeleine. Sept personnages liés par une promesse. Et puis voilà, la promesse se rompt, les langues se délient et tout prend un sens. Ce roman est raconté avec une incroyable sensibilité. Dans la bâtisse de Ker Ael où se joue l'histoire, on entend le parquet grincer, on observe les courbes sinueuses du temps qui creuse les visages, on y parle de la vie et de la mort.. et puis il y a cette lampe dans le grenier, qui capture les âmes des marins perdus..

Magnifique, à lire à voix haute, en prenant son temps.

Une promesse, Sorj Chalandon - Grasset (sorti en poche Ldp)

Le bosco ouvre la lucarne du grenier. Il ferme les yeux. Il respire l'humide. Il sent dans ses cheveux comme trois doigts de vent frais. Il regarde vers l'ouest. Il regarde les toits, les arbres, le ciel qui traîne. Il n'a jamais pensé qu'on pouvait aussi regarder le silence, qu'on pouvait voir le calme et la paix comme on regarde un lac. Il tient la veilleuse devant lui, à bout de bras. Il la présente au ciel. L'ampoule grésille. La clarté se tord comme un feu tourmenté. Il lève le socle de bois, l'embrasse, tend les bras au-dessus du vide et ferme les yeux. - A vous, dit-il en lâchant la veilleuse. Et puis il reste là. Bras tendus, les yeux clos, les mains vides. Et puis il reste là, dans le silence gris. Et puis il reste là, écoutant battre le cœur du vieux tilleul. Et puis, il reste là, attendant un bruit de verre brisé qui ne viendra jamais.

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