"Rana Toad", ça se mange?

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mercredi 22 mars 2017

  Voici un petit article impromptu et que je publie le jour même de sa rédaction. Il est un peu différent, mais se rattache à mon projet sur les Trois jeunes détectives. Dans la foulée de ma relecture de cette série, j'ai eu l'envie de lire d'autres anciennes séries des Bibliothèque Rose et Verte. Il m'a été donné par exemple de commencé à lire la série des Six Compagnons, mais aussi celles dont j'ignorai l'existence, de la Famille HLM et des Trois N.

  Et puis, suite logique, de me mettre à lire des romans, policiers ou non, appartenant à des séries ou pas, plus contemporains. Ne serait-ce que pour comparer entre les époques. L'un de ces derniers se trouve être une intégrale des Histoires des Jean-Quelque-Chose intitulée Une Famille aux Petits oignons. Cette série créée par Jean-Philippe Arrou-Vignod, j'ai eu beaucoup l'occasion de la vendre en prescription scolaire ou en conseil dans mon parcours de libraire, mais je n'avais jamais pris le temps d'en lire quelques pages. Mais je digresse.
  Cette intégrale regroupe quatre recueils de ces tranches de vie qui rappelle, dans l'esprit, entre autres les aventures du Petit Nicolas. Dans le premier recueil (L'omelette au Sucre, 1999), on trouve la nouvelle intitulée "Un jeudi du Club des Cinq" dans laquelle le deuxième fils de la famille et narrateur, Jean-B. propose à son aîné, Jean-A. de constituer un club de détectives. Au passage je vous livre que ça me fait sourire intérieurement, parce que, influencé par ma lectures des Trois jeunes détectives, j'avais proposé la même chose à un ami et ma sœur, quand j'étais pré-ado. Mais vous n'aurez pas plus de détails!
  Mais revenons à "Un jeudi du Club des Cinq". Il y a deux extraits que je voulais recopier ici. Le premier fait partie de l'installation de l'intrigue de ce court récit:
 
  "Le matin, on va à la bibliothèque municipale avec Jean-A. Il ne lit que des livres de modélisme et des bouquins d'histoire sur les armées de Napoléon, moi seulement des livres d'aventures et de mystères.
  J'adore toutes les séries. Celles pour les garçons, bien sûr, les Club des Cinq, les Clan des Sept, les Michel, les Langelot, les Jacques Rogy et les Signe de Piste, mais aussi les enquêtes d'Alice Roy, des soeurs Parker et de Fantômette, ce qui fait ricaner Jean-A.:
  -Trop débile, il dit. Des livres de filles, pouah!"

  S'ensuit la création bancale du club de détectives par les cinq frères de la famille. Mais le second extrait se situe vers la fin de l'histoire où l'homme que Jean-A. et Jean-B. ont pris en filature n'est autre que l'instituteur de l'aîné. Et voici donc un petit dialogue que j'ai eu le grand plaisir de découvrir:

 "Un club de détectives, hein? a fait M. Martel en retenant un sourire. Et à qui croyiez-vous avoir affaire?
  -C'est-à-dire..., a commencé Jean-A. C'est la faute de Jean-B... A cause des gants et de la ficelle... Il a pensé que vous vouliez découper un...
  Sa bouche s'est ouverte et refermée, mais aucun mot n'en est sorti.
  -J'ai lu ça une fois dans un livre, j'ai bredouillé. Pour se débarrasser d'un... euh... cadavre compromettant...
  -Hon hon, a fait M. Martel en hochant lentement la tête. Pas mal raisonné. Félicitations, messieurs! Une déduction digne des Trois jeunes détectives d'Alfred Hitchcock. Tu n'as pas lu cette série, Jean-B.?
  J'ai fait non de la tête.
  -Eh bien, rappelle-moi de t'en prêter un tome l'année prochaine. J'ai toute la série au fond de la classe."

  Marrant, non? Vous en conviendrez, ça tombe bien, alors que mon projet est toujours en cours. Bien sûr, si vous avez lu un ou plusieurs articles dudit projet, vous êtes certainement familiers de mon esprit un peu chipoteur. Jean-Philippe Arrou-Vignod n'y échappe pas!
 
Dominique Corbasson, 2009.
  Dans la première nouvelle du recueil intitulée "Les Jean", l'auteur précise l'année où se déroule l'histoire: "C'était un soir de 1967, un peu avant Noël." Le temps a un peu passé jusqu'à "Un jeudi du Club des Cinq", la quatrième nouvelle, mais pas trop (on le sait parce qu'à la fin, la mère de la famille annonce qu'elle attend un sixième enfant, peut-être une fille, et que celle-ci n'est pas encore née: "Au moins, quand Hélène sera née..."). Encore mieux pour situer cette histoire chronologiquement, le début de la cinquième nouvelle qui précise: "Quand les vacances de Pâques sont arrivées, le ventre de maman était devenu de plus en plus rond."
  "Un jeudi du Club des Cinq" se déroule donc entre décembre 1967 et avril 1968. 
  La série des Trois Jeunes détectives a commencé d'être publiée en 1966 avec Au Rendez-Vous des Revenants. Ont suivi en 1967, Le Perroquet qui bégayait et La Momie qui chuchotait. Si l'on ajoute dans le doute, car j'ignore son mois de publication, Le Chinois qui verdissait, au moment où se déroule "Un jeudi du Club des Cinq", seuls quatre tomes ont été publiés. Donc si l'on se réfère à la chronologie réelle, M. Martel ne possède que quatre titres "au fond de sa classe". C'est un peu court pour parler de "toute la série". Heureusement, quand Jean-B. entrera dans sa classe ("l'année prochaine"), la Bibliothèque Verte aura publié le cinquième tome, L'Arc-en-Ciel a pris la fuite!
  Bien sûr, vous pouvez contrecarrer mon gentil reproche en disant qu'il y a plus grave comme anachronisme, surtout que l'auteur ne donne pas de nombre exact et qu'il ne cite pas de titres non publiés en 1968. Et puis, argument ultime, la fiction permet de faire quelques entorses à notre réalité puisqu'on peut lui permettre de ne pas vraiment s'y dérouler. Dans la fiction d'Arrou-Vignod, toute la série a le droit d'avoir été publiée, pourquoi pas?
  On peut toujours s'amuser à regarder où en étaient les séries citées dans le premier extrait pour ce début d'année 1968.
  Pour finir, avez-vous remarqué que M. Martel attribue la série à Alfred Hitchcock, comme Hachette avait décidé de le faire. Peut-être que l'auteur ignore que le véritable créateur se trouve être Robert Arthur?
  Une autre question me vient à l'esprit en lisant les dernières lignes de l'histoire:

  "J'ai sorti ma lampe de poche et, sur mon carnet à indices, j'ai écrit:

  Règle n°1: ne jamais faire de filature avec un assistant qui porte des lunettes comme Jean-A.
  Règle n°2: ne pas oublier de demander à M. Martel de me prêter les livres d'Alfred Hitchcock."

  Voyez-vous où je veux en venir? Assiste-t-on à la découverte de la série par Jean-B.? Hélas non.
  Y a-t-il toutefois d'autres allusions aux Trois jeunes détectives dans la série d'Arrou-Vignod? Oui, on en retrouve une (trop) brève dans le quatrième et dernier volume (Des Vacances au chocolat) inclus dans cette intégrale. Dans la nouvelle intitulée "Les roches Rouches", on peut ainsi lire:

  "Mais rien à faire: le poste de télé était enfermé dans une armoire. On a essayé de forcer la serrure avec un trombone, mais il n'y a que dans les Langelot et la série des Trois jeunes détectives d'Alfred Hitchcock que ça marche [...]."

  Tout le recueil Des Vacances au chocolat se déroule en juillet 1970, il s'agit des deux semaines de vacances de la famille, lors desquelles Jean-B. assiste au passage des coureurs du Tour de France (on peut lire dans "J-0": "[J'ai collé la photo] dans mon cahier spécial Tour de France 1970."). Donc la série des Trois jeunes détectives est censée s'être avancée jusqu'au sixième tome, Le Spectre des Chevaux de bois. A condition que celui-ci fut publié avant juillet. Alors bien sûr, vous me connaissez, j'aime bien chipoter. Je ne me souviens pas d'avoir vu le stratagème utilisé dans les six premiers tomes, mais je peux me tromper.
  Pour le fun, je précise que la série des Langelot citée dans la même phrase a été écrite par un certain Lieutenant X, qui n'est autre que l'un des pseudonymes de Vladimir Volkoff, traducteur des cinq premiers tomes de la série de Robert Arthur.

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