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lundi 4 janvier 2016

The Three Investigators 9.The Mystery of the Screaming Clock/Les Trois Jeunes Détectives 9.Les Douze Pendules de Théodule

  The Mystery of the Screaming Clock/Les Douze Pendules de Théodule est très probablement l'une des premières enquêtes du jeune trio que j'ai lues il y a vingt-cinq ans. Je l'ai peut-être déjà dit, mais en relisant la série, je me suis rendu compte que je ne me souvenais pas de 95% du contenu de chaque roman. Il y a bien des bribes qui reviennent vaguement à la surface, mais pas plus. Et c'est tant mieux, je lis tout ça avec un œil neuf et beaucoup de plaisir.

Jacques Poirier, 1972.
  Avant d'attaquer la traduction, je tiens tout d'abord à préciser qu'il n'y a aucune continuité avec le tome précédent: aucun rappel des événements, aucun lien temporel. Ce neuvième épisode commence sans essayer de continuer ce que le 7ème et le 8ème ébauchait: une chronologie. Robert Arthur s'était-il rendu compte qu'elle était trop bancale et que du coup, mieux valait rester dans une suite d'enquêtes sans temporalité précise?
  Aucune allusion à la jambe de Bob ou au passé d'acteur de Jupiterµ/Hannibal. Par contre, je crois que c'est la première fois, il sera fait mention du fait que Pete suit des cours de lutte, ce qui lui permet avec son chef de s'échapper des griffes de Jerry et Carlos au début du Chapitre 11 ("Being on the high school wrestling team..."/"A l'école secondaire qu'il fréquentait, il appartenait à l'équipe de lutte.")
  On aura, également dans le Chapitre 11, une allusion au quatrième tome, The Mystery of the Green Ghost/Le Chinois qui verdissait. Allusion qui correspond à une apparition du Chief Reynolds. 
  Le père de Bob sera brièvement mentionné au Chapitre 8 et le père de Peter refera également une apparition, la première depuis The Secret of Skeleton Island/Le Spectre aux Chevaux de bois.  Mais vous devez désormais savoir comment fonctionne mon projet: je garde spécialement tous ces extraits pour les caser dans les articles consacrés respectivement à ces trois personnages.

  Pour ce neuvième tome, bizarrement, ce n'est pas Claude Voilier qui est chargée de la traduction, mais un certain Jean Muray. Ce sera la seule fois. C'est encore une fois l'occasion pour moi de me poser des questions auxquelles je n'aurais pas de réponse. Je sais déjà que Claude Voilier va par la suite devenir la traductrice la plus active pour cette série. Pourquoi Jean Muray débarque pour un unique tome alors qu'elle semblait commencer sa longue suite? J'émettrai une hypothèse un peu plus loin.

  Dans l'ensemble Jean Muray sait rester raisonnable dans sa façon de traduire, c'est quelque chose que je tiens à préciser, vu les différences que je vais pointer. Je ne veux pas que pensiez que chaque discussion est une critique ou une attaque.
  Ceci dit, dès le Chapitre 1, on trouve de quoi commenter la traduction de Jean Murray. L'extrait ci-dessous me servira également à vous donner le point de départ de l'intrigue:

  "A clock that screams when it should ring an alarm is certainly mysterious," Jupiter answered. 'And the motto of The Three Investigators is - "
  "We investigate anything!" Bob and Pete answered together.
  "All right," Pete went on. "So it's a mystery. I still want to know how you can investigate it."
  "By finding out why it was made to scream. There must be a reason for it," Jupiter told him. "We haven't any other mystery on hand right now, so I propose we get some good practice by investigating this screaming clock."
  "Oh no!" Pete groaned. "We have to draw the line somewhere."


  "Pour moi, pas de doute. Un réveil qui hurle au lieu de sonner, il y a un mystère là-dessous. Il ne faudrait tout de même pas oublier que nous sommes les Trois jeunes détectives et que nous avons pour devise...
  -Enquêtes en tout genre!" déclamèrent ensemble Peter et Bob.
  Peter ajouta:
  "D'accord, Babal, il y a un mystère. Mais je le répète, comment vas-tu t'y prendre pour conduire ton enquête?
  -Je vais découvrir pourquoi ce réveil hurle, bref pourquoi on a modifié son mécanisme, plutôt sa sonnerie. En ce moment, nous n'avons pas d'enquête sur les bras. Je propose donc que nous nous occupions sérieusement de cette affaire, et sans le moindre retard. Pour commencer, nous allons voir ce qu'il a dans le ventre, notre réveil hurleur!
  -Oh! non! grommela Peter. Il faudrait d'abord tracer les grandes lignes d'un plan."

  Passons sur l'ajout dans la bouche d'Hannibal. Par contre, cette dernière phrase de Pete est un beau spécimen de contresens. "Draw the line" signifie ici qu'il faut établir des limites à ce quoi les jeunes détectives doivent s'attaquer. Selon Pete, un réveil qui hurle n'est pas assez intéressant pour rentrer dans le cadre d'une de leurs enquêtes. Comment pourrait-il vouloir "tracer les grandes lignes d'un plan" s'il ne veut pas d'une telle enquête? Et puis n'est-ce pas cohérent avec l'une des caractéristiques du personnage? Dans certains des tomes précédents il est souvent le premier à émettre des protestations quand il considère une enquête un peu trop dangereuse. Ce qui est de la part de Robert Arthur volontairement paradoxal, pour donner un aspect humoristique, au vu du physique athlétique de Pete.

  Pas très loin après, Jean Muray intervertit Bob et Pete le temps de quelques répliques:
  "I believe this is the mechanism that produces the scream, [Jupiter] said. 'Someone very clever at mechanics has installed it in place of the regular alarm bell."
  "But why?" Bob asked.
  "That's the mystery. To start investigating it, first we have to learn who did the work."
  "I don't see how we can do that," Pete protested.
  "You're not thinking like an investigator," Jupiter said. "Now put your mind to it. Tell me how you would begin with this mystery."
  "Well - first I suppose I'd try to find out where the clock came from."
  "Correct. And how would you go about that?"
  "Well, the clock came into the salvage yard as junk," Pete said. "So I guess your Uncle Titus bought it. Maybe he remembers where he got it."
  "Mr. Jones buys an awful lot of things," Bob said doubtfully. "He doesn't always keep track of where he got them."


  "C'est ce disque, j'en suis persuadé, qui produit les hurlements, dit-il. Quelqu'un de très habile en mécanique l'a substitué à la sonnerie.
  -Pourquoi? demanda Bob.
  -Tel est le mystère. Si nous voulons y voir un peu plus clair, il faut d'abord que nous sachions qui a fait ce travail.
  "Moi, bougonna Bob, je ne vois pas comment nous pourrions y arriver!
  -Tu ne raisonnes pas comme un véritable détective, dit Hannibal. Fais un effort de réflexion, que diable! Une enquête comme celle-ci, par quel bout la prendrais-tu?
  -Eh bien, il me semble que j'essaierais de découvrir la provenance du réveil.
  -Pas mal. Et comment procèderais-tu?"
  Ce fut Peter qui répondit:
  "Ce réveil est arrivé avec un tas de vieilleries au Paradis de la Brocante. Je suppose, Babal, que ton oncle l'a acheté. Peut-être sait-il d'où il provient.
  -M. Jones achète beaucoup de choses, commenta Bob d'un air sceptique. Il ne garde pas toujours trace de leur provenance."

  Cette inversion semble volontaire puisqu'il précise bien "ce fut Peter qui répondit", ce qui n'est pas dans le texte original et donc non soumis à traduction. Et pourtant c'est en contradiction avec les protestations initiales de Pete. Ces répliques, sous la plume d'Arthur, sont censés montrer que Jupiter arrive un peu sévèrement ("Now"/"Que diable!") à convaincre Pete. Bob n'a pas à "'bougonner" puisqu'il est d'accord avec le détective en chef dès le départ, ce que Muray traduit bien précisément juste après son contresens ("But Bob looked interested. "How would you start, Jupe?" he asked./"Mais Bob, lui, était intéressé: "Vas-y, Babal!"). Une telle contradiction méritait d'être abordée, non? 
Jacques Poirier, 1972.
    On peut aussi rechigner à ce petit détail au Chapitre 4:
  "[...] We have to try to get into this house."
  "You mean to break in?" Bob asked.

   "[...] Il faut de nouveau essayer d'entrer dans cette maison.
  -Par la ruse?" demanda Bob.


  "To break in" signifie "entrer par effraction." "Par la ruse" ne semble pas approprié.

  On peut trouver nombre d'ajouts, procédé que Vladimir Volkoff, Claude Voilier et dans une moindre mesure Olivier Séchan ont déjà utilisés. En voici deux exemples parmi les plus notables:

-au Chapitre 15, lorsque Jeeters/Jitters détient Bob et Harry en captivité pour leur tirer les vers du nez à propodes messages codés d'Albert Clock/Théodule Tick. Jean Muray se lâche et ajoute tout un paragraphe venu de nulle part:

  "[...] Now boy, no more fooling around. What did those messages say?"
  Bob swallowed hard.
  "Well, the first message," he said, "was, 'I suggest you to see the book.' That's all. Just the one line."

  "Maintenant, soyons sérieux. Que signifient les messages?"
  Bob avait prévu cette question. "Qu'est-ce que je fais? se demandait-il. Je l'envoie promener? Et si je lui racontais n'importe quoi? Mais à quoi bon? Il sentira bien que je mens. D'autre part, je n'ai pas grand-chose à lui apprendre. Il sera bien avancé lorsqu'il connaîtra le contenu du premier message! L'essentiel est de gagner du temps..."
  Bob répéta:
  "Les messages? Voilà le sens du premier... autant que je m'en souvienne: Je vous conseille de voir le livre. C'est tout."

-au chapitre 17:
  "Well, doesn't the second message tell us?
  "Here it is, sir. You can see what it says."

  "Le deuxième message ne le dit pas?
  -Nous ne l'avons pas déchiffré."
  M. Jitters regarda Hannibal fixement:
  "Tu mens!"
  Hannibal se souvint du raisonnement qu'il s'était tenu: "Si je lui remets les messages, il aura ce qu'il veut, sans être beaucoup avancé... et il nous rendra peut-être la liberté." Cependant, Jitters n'exigeait pas seulement les messages, mais leur sens... Hannibal pensa: "Impossible d'y échapper. Heureusement, il est probable qu'il ne comprendra pas."
  Il répondit donc:
  "Voilà ce que dit le deuxième message [...]"

  Nous proposer les pensées de Bob et d'Hannibal n'est pas en soi une mauvaise idée, mais je trouve ça un peu trop ostentatoire. J'aurais l'occasion de reparler de cet aspect surjoué, redondant plus bas.


 Caractéristique également de la série traduite en français sont les arbitraires changements de nom de personnages (c'est le cas d'ailleurs pour les trois protagonistes). J'ignore si ce sont les choix des traducteurs ou de l'éditeur Hachette qui a donné des consignes. Dans ce volume on en trouve encore plusieurs exemples:
Jeeters, le mystérieux logeur de Harry (le traditionnel compagnon des détectives pour cette enquête, qui est pour une fois américain) et de sa mère devient Jitters; Walter King, l'un des amis d'Albert Clock, lui, devient Walter Roy, traduction litterale comme on peut le constater (même si c'est un y au lieu du i); l'agent Zebert, celui qui arrête Bob et Harry, se transforme en Roberts.
  Le trafiquant d'art Huganay est un cas particulier: il est orthographié de cette façon dans les deux versions françaises des deux romans où il apparait (le premier étant The Mystery of the Stuttering Parrot/Le Perroquet qui bégayait). Mais dans les versions originales, le Huganay du Stuttering Parrot devient Hugenay pour Screaming Clock. C'est une des questions que T3I Readers' Site,'un site spécialisé à cette série, aborde brièvement (voir ici et clique sur l'onglet "Questions to ponder").
  Bien évidemment j'ai choisi de garder le nom le plus important en dernier. Tout simplement parce par son biais, je vais aborder la justification du titre français. 

Harry Kane, 1968.
  Le lecteur fait dans un premier temps en partie connaissance du personnage au centre de cette intrigue au
Chapitre 3. C'est M. Felix, l'horloger qui leur donne cet indice important:

  "[...] The name of the customer for whom I did the work was Clock."
  "Clock?" Bob and Pete repeated the word in surprise.
  "He called himself A. Clock. Of course I always thought he was making a joke because he brought me a number of clocks to work on time to time.

  A la fin du Chapitre 6, nos trois amis rendent visite à Alfred Hitchcock. Ce qui est inhabituel, ceux qui connaissent la série le savent bien, le réalisateur n'apparait pour la plupart du temps qu'au début ou surtout à la fin des romans. C'est lui qui révélera l'identité du personnage dont il est question au jeune trio:

  "Well, lads," Alfred Hitchcock rumbled, what brings you this way? Working on another investigation?"
  "Yes, sir," Jupiter said. Though it seems pretty mixed up right now and I'm not sure it means anything. You see, we started out to investigate a screaming clock and - "
  "Screaming Clock!" Alfred Hitchcock interrupted in surprise. "What's happened to him, anyway? I haven't heard that name in years!"

J'enchaîne directement avec le début du Chapitre 7:
  "Him?" Jupiter exclaimed in amazement. "You mean there's a real person named Screming Clock?"
  "That was his nick name," Mr. Hitchcock explained. "His real name was Albert Clock, and for fun people called him Screaming Clock. You see, he was a screamer."
  The more Mr. Hitchcock told them, the more puzzled the three became.
  "A screamer?" Jupiter asked. "I'm not sure I know what it means."
  "He screamed for a living," Mr. Hitchcock chuckled." You see, back in the days before television, radio programmes featuring mystery stories were very popular. Why, at one time there were thirty-five mystery programmes a week on the radio. I don't believe there's even one on now. You lads are too young to remember, but those programmes were quite exciting."


  "Eh bien, qu'Est-ce qui vous amène aujourd'hui? demanda de sa grosse voix Alfred Hitchcock. Seriez-vous sur une nouvelle piste?
  -Oui, monsieur, répondit Hannibal. Une piste bien embrouillée et qui ne conduit peut-être à rien. Nous avions commencé une enquête à propos d'un réveil hurleur. Et voilà que..."
  Surpris, Alfred Hitchcock l'interrompit: "Réveil hurleur? répéta-t-il. Le Hurleur! Qu'est-ce qu'il devient, celui-là? Voilà des années que je n'ai plus entendu parler de lui."


  "Hannibal était stupéfait: "Si je comprends bien, monsieur, vous avez connu quelqu'un qui...
  "Ce n'était qu'un sobriquet. Son vrai nom était Théodule Tick. Parfaitement, Théodule Tick, si bizarre que cela paraisse. Par plaisanterie, les gens l'avaient surnommé Réveil hurleur ou, plus simplement, le Hurleur. Et pourquoi? Parce qu'il était un hurleur."
  Les Trois jeunes détectives étaient de plus en plus intrigués.
  "Un hurleur? fit Hannibal. Qu'entendez-vous par là, monsieur Hitchcock?"
  Le metteur en scène eut une sorte de gloussement:
  "Il hurlait pour gagner sa vie. Il faut que vous compreniez. Jadis, quand il n'y avait pas encore de télévision, la radio donnait des émissions inspirées par des récits fantastiques; Ces émissions avaient beaucoup de succès. A un moment, il y en eut jusqu'à trente-cinq par semaine! Aujourd'hui, je ne crois pas qu'il y en ait une seule. Bien sûr, vous êtes trop jeunes pour comprendre. Mais je puis vous assurer qu'elles étaient très intéressantes."

  Avant de m'intéresser au nom lui-même et les transformations qu'il subit dans le texte français, permettez-moi une petite digression. Grâce à mes brèves recherches sur Robert Arthur, j'ai appris qu'il avait justement été un acteur non négligeable de cet âge d'or des feuilletons radiophoniques évoqué par Alfred Hitchcock dans l'extrait ci-dessus. Je vous renvoie donc à l'introduction de mon projet, si vous ne l'avez pas déjà lu (le lien est tout en haut). Ainsi Robert Arthur faisait allusion à quelque chose qu'il connaissait très bien et tout au long du roman, il laissera sa nostalgie s'exprimer à travers les mots des personnages, notamment les connaissances d'Albert Clock.

  Je me penche maintenant comme promis sur les noms Albert Clock/Théodule Tick. Première distinction entre les deux textes, "Tick" s'oppose à "Clock" et Jean Muray rajoute même pour se justifier "Comme tic-tac!" dans la bouche de M. Felix. C'est ensuite le surnom "Screaming Clock" (le simple objet du titre devient le surnom d'un personnage), devenant "Le Hurleur" (même si le texte français admet aussi l'alternative avec "Réveil hurleur") et qui du coup ne garde pas de lien direct avec le titre.
  Le jeu de mot du texte français est d'une autre nature et on l'a déjà remarqué le procédé pour de précédents tomes (Au Rendez-vous des Revenants, Treize Bustes pour Auguste et Une Araignée appelée à régner). Au lieu de l'allitération déjà présente en [k] dans le titre original (The Mystery of the S[k]reaming [K]lo[k], ne pas y voir un message subliminal pour une certaine organisation sudiste américaine puante), le titre français joue sur les sons [d] et [y] (signe du son correspondant au "u" quand il est seul, ce qui donne Les [D]ouze Pen[dy]les [d]e Théo[dy]le). Je peux même ajouter que Théodule Tick est une allitération en [t], là où le nom original d'Albert Clock joue moins sur les sons. Vu qu'il sera souvent réduit à Bert Clock, même une allitération en [l] ne fonctionne pas vraiment.
  Reste le mot "douze" du titre français, quantité totalement arbitraire choisie par Jean Muray. Il faut lire ce passage du Chapitre 4, lorsque Harry fait entrer les trois détectives dans la salle des pendules:

  "But what they noticed most were the clocks. They were a dozen or more of them in the room, some standing on the floor like the grand-father clock, others on tables and shelves."

  "Mais le plus remarquable était les réveils, pendulettes, pendules, horloges, posés ça et là, sur les tables, sur les étagères, même sur le plancher. Il eût été difficile de les dénombrer. Vingt, trente, cinquante. Les seules pendules s'élevaient au nombre de douze."
 
  On remarque que le mot "clocks" seul se trouve étoffé aux yeux du traducteur ("réveils, pendulettes, pendules, horloges"). Jean Muray, pour couvrir ses arrières, dirais-je, répétera même à deux reprises ce nombre précis, qui s'oppose à un nombre plus vague pour Arthur, et cette distinction entre les différents objets:
Jacques Poirier, 1972.
-au Chapitre 19:
  "Hundreds of books," he murmured. "Three paintings, probably worthless. A large mirror. Many clocks."

  "Des centaines de bouquins, murmura-t-il. Trois tableaux, probablement sans valeur. Une grande glace. Des réveils, des pendulettes... douze pendules!"

  En l'occurrence, la précision n'est pas très vraisemblable, pourquoi Huganay s'amuserait-il à compter les pendules alors que cette scène se déroule dans l'urgence?

-et, il s'agit même là d'un ajout, au Chapitre 20:
  "First they had removed all the books from the shelves, stacking them on the floor, and taken down the pictures and mirror"

  "En premier lieu, ils avaient rassemblé sur une table les douze pendules de Théodule, ainsi que ses réveils et pendulettes. Puis ils avaient pris les livres et les avaient entassés sur le plancher. Ils avaient décroché les tableaux et la grande glace."
  
  C'est ainsi que par la magie de la traduction, le titre français est totalement justifié!

  Mais ce qui fut une belle pirouette intellectuelle n'est rien face au plus gros morceau que sont les messages énigmatiques qui tomberont entre les mains de Jupiter/Hannibal & Co. Albert Clock/Théodule Tick a concocté un jeu de pistes lors duquel le trio de détectives devront déchiffrer trois messages. L'un est chiffré et il comporte la même série de chiffres, mais il y aura de quoi en discuter un peu plus bas. Pour l'instant, penchons-nous sur ceux qui donneront à  nos amis du fil à retordre. Dans un premier temps, ce message dégoté par Bob et Harry dans le Chapitre 9:

It's quiet there even in a hurricane. Eye (of the hurricane)=I.
Just a word of advice, politely given. Suggest(ion)=Suggest.
Old English bowmen loved it. yew=you.
Bigger than a raindrop; smaller than an ocean. sea=see.

I'm 26. How old are you? 26ème lettte de l'alphabet z prononcée "ze"=the.
It sits on a shelf like a well-fed elf. Book.


  Mais quel ne fut pas ma surprise en découvrant, le texte français, totalement différent:

O deuxième personne, parfois si nombreuse! Vous.
Il trône sur une étagère, gonflé à craquer. Livre.
Les avocats se disent ainsi, les assureurs souvent. Conseil
Ce que peut un sourd, même un paralytique. Voir
Un bon moyen de s'amuser. Jeu=Je

  Dans un second temps, Hannibal et Peter ont aussi de quoi se creuser la tête dans le Chapitre 11:

Take one lily; kill my friend Eli. On(e li)ly=Only
Positively number one. 1ère lettre de l'alphabet=A
Take a broom and swat a bee. (B)room=Room
What you do with clothes, almost. Wear=Where
Not Mother, not Sister, not Brother; but perhaps Father. Father Time
Hymns? Hams? Homes? Almost, not quite. Hums

  Et le texte français présente des lignes toutes aussi différentes

Exactement la première de cent. 100= première c'est-à-dire 1/un)
Souvent c'est la nuit qu'elle fait mal. Dent=Dans
C'est la seule où ronronne... Quoi? Seule/ronronne
L'orgue? Le chat? Le glissement des années? Le Temps 
Ce gamin aurait bien besoin
D'une pièce à sa culotte! Pièce
Mais pas avant août...

  Pourquoi, le traducteur a-t-il eu besoin de tout changer? La raison en est bien simple: le texte original propose des définitions comme on en trouve dans les mots croisés... en anglais bien évidemment! Jean Muray devait garder la même solution à l'arrivée, il a du donc trouver les mots équivalents en français, mais forcément les définitions s'en trouvent totalement altérées.
  L'adaptation en français semblant donc si compliquée, les déductions des détectives ne peuvent être identiques. Jean Muray a du coup différentes littéralement du inventer, réécrire le texte sur plusieurs pages!  Et là je place mon hypothèse, un peu désobligeante pour Claude Voilier: aurait-elle refusé de traduire ce roman au vu de sa difficulté? Je ne le saurais probablement jamais...
  Vu la longueur qu'elles supposent, je ne recopierai pas ici toutes les déductions du Chapitre 12, 13 et 14. Par contre, vous pourrez y avoir accès grâce à cet article annexe. J'ai mis les réponses à côté, ce qui donne respectivement (à noter que la version française donne dans les deux cas les mots dans le désordre):
-I Suggest you to see the book/Je vous conseille de voir le livre
-Only a room where Father Time hums/Dans une seule pièce où ronronne le temps.


  Le message chiffré évoqué plus haut est identique à la traduction. Cependant, la solution trouvée se trouve tronquée. Au chapitre 19, Jupiter/Hannibal en compagnie d'Hugenay/Huganay en trouve la solution:

  "Jupiter took the book and turned each page slowly, looking only for a tiny pencil dot. Presently he came to a word. He called it out and Hugenay wrote it down. It took quite a while to go through the book page by page, but Jupiter was interested in the job and did not pause.
  At last Jupiter could find no more marks.
  "Very well," Hugenay said. "I'll read the whole message. 'Stand in the middle of the room at one minute to midnight. Have two detectives and two reporters with you. Hold hands, making a circle, and keep absolutely silent for one minute. At midnight exactly the alarm of the screaming which I sent you should go off. Have it set at full volume. Let the scream continue until my hiding place is uncovered'."

  "Hannibal prit le livre, tourna chaque page lentement. Quand il avait trouvé un mot sous lequel il y avait un point, il l'indiquait à Huganay, lequel griffonnait sur la feuille de papier. Ce ne fut pas une petite affaire que d'explorer entièrement le livre. A la fin, il dit à Huganay:
  "Il n'y a plus de points.
  "Très bien. Voilà donc, semble-t-il, le message tout entier: "Placez-vous milieu pièce minuit moins cinq. Tenez-vous par main, formez cercle. Silence une minute. A minuit juste, éclatera sonnerie du réveil hurleur que vous ai envoyé. Forcez au maximum volume. Laissez hurlement continuer jusqu'à ce que ma cachette soit découverte."

  En plus du style un peu télégraphique adopté on ne sait pas trop pourquoi, vous aurez remarqué que "Have two detectives and two reporters with you" n'est pas pris en compte par Jean Muray. Et pourtant... Ce message étant destiné à Walter King/Roy et celui-ci sera cité par Hitchcock dans l'épilogue du roman:

  "He dreamed up a scheme whereby I would find the missing pictures in a very dramatic fashion, which would be in all the newspapers. After all, if I hadn't been in the hospital when the clock came, I could easily have contacted the others, solved the messages, and taken some reporters and detectives to witness me finding the pictures. It would have been a big story, and I'd have got plenty of publicity."

  "[...] Théodule imagina un plan un peu fou. Après tout, si je n'avais pas été à l'hôpital quand le réveil est arrivé chez moi, j'aurais pu facilement contacter ses autres correspondants, résoudre les énigmes des messages, puis inviter des journalistes et des policiers à me servir de témoins lorsque j'aurais retrouvé les toiles. Pour la presse, quelle aubaine! Et, pour moi, quelle publicité!"

  Une partie est également omise, mais plus important Jean Muray fait mention des reporters et des détectives, son omission dans le message ne se justifie donc pas, il n'est pas cohérent.

  J'en ai désormais terminé avec la traduction de The Mystery of the Screaming Clock/Les Douze Pendules de Théodule. Cependant, il y a quelque chose qu'il faut aborder avant la revue traditionnelle des différentes couvertures. Les Douze Pendules de Théodule a été illustré comme les huit premiers tomes par Jacques Poirier. Cependant, Huganay n'est pas le seul point commun qu'a ce roman avec Le Perroquet qui bégayait. En effet, d'autres illustrations ont été faites pour l'édition du Livre de Poche, en 1988. Cette fois-ci, il ne s'agit pas de Boiry (même si elle a signé la couverture pour le même éditeur en 1993), mais d'une co-participation entre Sylvie Taugourdeau et Dan Benesch (il faut prendre ces liens avec des pincettes, surtout celui de Dan Benesch, je n'ai pas fait de recherches approfondies. Ce ne sont peut-être pas les bonnes personnes. Si quelqu'un pouvait se manifester et donner des précisions, je les accepterai avec joie, merci d'avance!). Le problème qui se pose, c'est de savoir qui a signé les illustrations internes, car elles ont l'air de l'avoir été fait par une seule personne et les liens que je donne n'aide pas vraiment (il n'est fait aucune mention de leur participation pour Les Douze Pendules de Théodule.) C'est la raison pour laquelle, dans le doute, à chaque illustration que j'intègre ici ou dans les articles annexes, j'assignerai la mention "S.Taugourdeau/D. Benesch, 1988".
  Toutefois, sans savoir quel est l'auteur respectif des deux illustrations ci-dessous, on voit bien qu'Alfred Hitchcock n'a pas vraiment la même tronche:
S.Taugourdeau/D. Benesch, 1988.
S.Taugourdeau/D. Benesch, 1988.










 
  
  Sur l'image à droite, les Trois jeunes détectives sont présents. Ils seront souvent facilement identifiés tout au long du roman, notamment grâce à la façon dont il sont habillés. Il y a bien quelques ambiguités. La couverture de la version de 1988, par exemple. Le personnage brun au milieu se tient le menton, comme en pleine réflexion (posture similaire à celle de Jupiter se pinçant les lèvres). Cette position centrale peut induire qu'il s'agit d'Hannibal. Sauf que selon les illustrations internes, on identifie clairement Bob comme étant ce personnage brun (il lui est assigné un pull de sport avec la numero 7. Hannibal pour sa part sera identifié avec un pull en col V par-dessus une chemise. Il apparait cependant une fois sans le pull, juste la chemise, ce qui est la façon vestimentaire de repérer Pete... On repère parfois des différences de taille, mais en même temps l'introduction d'Alfred Hitchcock dans ce tome ne spécifie pas d'attributs physiques. Peut-être que les deux illustrateurs n'avaient pas connaissances des dessins de leurs prédécesseurs français ou anglo-saxons, ou ils ont peut-être même voulu s'en démarquer, qui sait?
  Peut-on distinguer encore une fois les deux illustrateurs en comparant la couverture de 1988 et les deux illustrations internes ci-dessous?
S. Taugourdeau/D.Benesch, 1988.
S. Taugourdeau/D.Benesch, 1988.
S. Taugourdeau/D.Benesch, 1988.


















  La plus grosse ambiguité concerne encore le personnage brun. Les deux scènes se passent le même jour, on ne peut donc pas dire qu'il s'est changé. Est-ce que l'un(e) des illustrateur/trice a voulu dessiner Hannibal en brun et que l'autre a décerné cet attribut à Bob? Techniquement, les deux illustrations ont des différences bien distinctes: celle de gauche a les traits plus fins, celle de droite plus appuyés. Regardez aussi les deux hibous empaillés: ils sont différents. Cette sorte de mascotte apparaît souvent dans les illustrations internes, alors qu'il n'est mentionné qu'au début quand nos trois amis examinent le contenu de la caisse où se trouvait le réveil. Les deux collaborateurs ont-ils brouillés les pistes pour qu'on ne les identifie pas à leur illustrations respectives? Autre hypothèse, l'un(e) et l'autre se partagent-t-ils la tâche sur un même dessin: l'un(e) fait les personnages, l'autre le décor?
  Je ne peux me décider qui a dessiné laquelle, donc je ne peux qu'apposer une légende avec les deux noms, comme une seule entité comme je le faisait avec Bellini/Volkoff. Je vais donc appeler cette entité Tagourdeau/Benesch quand j'y ferai référence ultérieurement, ici et dans les articles annexes.

  C'est le moment traditionnel de vous présenter une sélection des couvertures à travers le monde.
  Exceptée celle que j'ai intégrée plus haut, il existe d'autres versions françaises:
  -Celle bien sûr de Jacques Poirier, où, pour une fois, Hitchcock n'apparait pas en silhouette, mais un petit portrait accompagnant ceux des trois détectives, aux quatre coins de la pendule. Taugourdeau/Benesch semble s'en être inspiré pour la sienne (avec Hitchcock en moins).
  -Il esxiste deux versions d'Yves Beaujard, celle avec ce fond jaune, dont je n'ai pas trouvé la date d'origine, et la seconde, plus récente, avec un fond blanc. La scène illustrée est celle du début du Chapitre 5, quand Harry les accompagne dans la pièce aux pendules.
  -J'ai évoqué plus haut la participation de Boiry pour la version du Livre de Poche Jeunesse. Je n'ai pas la date de la seconde version. Les détectives sont à l'extérieur dans la cour du Paradis de la Brocante, le texte précise cependant qu'ils sont dans l'atelier.
  -Les éditions les plus récentes sont certainement de Boiry (dans le doute, je ne la mentionne pas dans les légendes), en supposant qu'elle ait changé de style de dessin comme pour Le Perroquet qui bégayait. Les tenues vestimentaires des trois personnages vont dans ce sens. Il semble de plus qu'elle a déplacé les personnages dans la même scène qu'Yves Beaujard.
Jacques Poirier, 1972;
Yves Beaujard, ?

















Boiry, LDP Jeunesse, 1993.
Boiry, LDP Jeunesse, ?


















Le Livre de Poche Jeunesse, 2008.
Le Livre de Poche Jeunesse, 2002.



















     Les versions américaines et internationales ont en grande majorité choisi les même scènes, soit dans l'atelier du Paradis de la Brocante soit celle dans la salle des pendules:
Harry Kane, 1968.

Charles Liese, 1979.
Robert Adragna, 1982.























Roger Loveless, 1991.
Bill Dodge, 1998.


















Edition espagnole.
Edition finnoise




















Edition polonaise.
Edition suédoise.


















   Mais certains illustrateurs ont choisi le montage: Steven Marchesi, comme d'habitude, et ses confrères indonésien et slovaque (qui figure les toiles volées ainsi que les chats de Martha Harris, l'une des amies d'Albert Clock/Theodule Tick):
Stephen Marchesi, 1978.
Edition indonésienne.























Edition slovaque.

  Les éditions britanniques Armada (je n'en mets qu'une, la seconde servira dans un article annexe, Le Retour de Huganay) et l'italienne ont quant à elles opté pour d'autres scènes. La première figure Hannibal arrachant l'un des messages de la main de Carlos. La seconde, la scène où les tableaux volés sont enfin découverts, c'est-à-dire au moment où le cri du réveil est si strident qu'il brise le miroir qui les dissimulait.
Peter Archer, 1971.
Edition italienne.

















  J'en ai maintenant terminé avec The Mystery of the Screaming Clock/Les Douze Pendules de Théodule. En tout cas pour cet article principal. Il me reste à faire quelques articles annexes. Et avant de commencer le dixième tome The Secret of The Moaning Cave/Le Trombone du Diable (écrit par William Arden et non Robert Arthur, ce qui promet une analyse intéressante de l'intrigue), il faut que je mette à jour plusieurs plusieurs articles thématiques.
  Merci mille fois à ceux qui suivent mon projet. Un petit commentaire sera le bienvenu si vous en avez envie. Bonne année à vous!

10.The Mystery of the Moaning Cave/10.Le Trombone du Diable.
11.The Mystery of the Talking Skull/26.Le Crâne qui crânait.
12.The Mystery of the Laughing Shadow/25.L'Ombre qui éclairait tout.
13.The Secret of the Crooked Cat/12.Le Chat qui clignait de l’œil.
14.The Mystery of the Coughing Dragon/11.Le Dragon qui éternuait.
15.The Mystery of the Flaming Footprints/14.L'Aigle qui n'avait plus qu'une tête.
16.The Mystery of the Nervous Lion/21.Le Lion qui claquait des dents.
17.The Mystery of the Singing Serpent/16.Le Serpent qui fredonnait.  

The Mystery of the Screaming Clock/Les Douze Pendules de Théodule, Robert Arthur. Traduit de l'américain par Jean Muray.

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