"Minimalisme". Vous ne voyez pas?
Je suis surpris que ce mot n'ait pas trouvé preneur dans notre milieu.
Il m'est venu par accident. Les meilleures idées viennent ainsi. Un mot jeté en l'air sans y penser. En l'occurrence, il vient de ma femme. Mon ex-femme, la troisième - non, la quatrième. Avant de s'en aller, de vider la place, elle me lance: "Je n'ai jamais supporté, tu entends, jamais pu m'habituer à tous ces livres qui encombrent l'appartement. Je ne me suis jamais sentie chez moi ici. Qu'est-ce que tu essaies de faire, Douglas, ériger une muraille de livres entre nous?" Ce sont ses mots sur le palier. Attendez ce n'est pas fini. Toujours sur le palier, elle ajoute: "Quand je veux traverser le salon, emprunter un couloir, il faut que j'enjambe des rayons entiers, des piles de bouquins qui montent jusqu'au plafond." Elle a ce geste des mains comme si on l'étranglait. Et, avant de claquer la porte: "Moi, je suis une minimaliste!"
Elle s'appelle Judith. Elle m'a quitté sur ce mot. Je lui dois beaucoup, vraiment.
Qu'est-ce que le minimalisme?
Le crépitement d'une phrase, le coup de fouet d'une formule étonnamment concise, une histoire qui, à peine née, meurt entre vos mains. Pas dans un vacarme mais dans un murmure.
Bruit étouffé, lacération invisible, le vide et pourtant l'ombre de quelque chose. Certains ont fait l'éloge de l'ombre. Je voudrais faire l'éloge du vide. Sans dévoiler ce qu'il recèle.
Ne me le demandez pas, vous gâcheriez votre plaisir.
Ciseaux, Stéphane Michaka, Fayard.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire