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mardi 18 septembre 2012

Le Diable, tout le temps de Donald Ray Pollock

Mes envies de lectures se multiplient et je finis par en repousser certaines indéfiniment. La rentrée littéraire n'arrange pas les choses. Bon comme promis dans un article, il y a quelque temps, je suis retourné sur ces "Terres d'Amérique" et plus précisément dans ce premier roman de Donald Ray Pollock, publié en mars. A en lire le quatrième de couverture, le lecteur peut se faire une idée de la rudesse, de la violence à laquelle il va être confronté.

Willard Russell revient de guerre (la Seconde que l'on espère ne pas se transformer en Deuxième), et avant de rentrer à Coal Creek, son patelin natal, fait un arrêt en Ohio où il rencontre Charlotte. Ils auront un fils, Arvin, que l'on pourra considérer comme le personnage principal du Diable, tout le temps. Willard perd peu à peu la boule alors que Charlotte tombe gravement malade. Cette arbre à prière l'obsède à un point qu'il atteindra certaines extrémités sanglantes pour alimenter son mystique et peu ordinaire rituel.

On fait aussi connaissance avec deux salopards complètement cinglés, Roy et Theodore. Prêcheurs itinérants, Roy déblatère pendant que Theodore l'accompagne à la guitare. Roy est particulièrement atteint, ses sermons sont à déconseiller aux arachnophobes. Mais ce n'est pas le pire, il est persuadé qu'il peut ressusciter un être humain et ça lui donne des mauvaises idées. 

Carl Henderson est aussi un énergumène dont il ne faut pas croiser le chemin. Surtout quand il est soi-disant en vacances avec sa femme Sandy. Il se dit photographe, mais ce qui l'amuse le plus c'est de trucider des auto-stoppeurs. Son beau-frère, Lee Brodecker, shériff de son état, et pas tout propre lui non plus, se doute bien que sa soeur est tombée bien bas depuis qu'elle est avec Carl.

Mais revenons à Arvin. Recueilli par sa grand-mère Emma et son oncle Earskell (les seuls personnages vraiment sympathiques du roman) et élevé en compagnie de Lenora, adoptée après la disparition de ses parents, Arvin va s'endurcir face à la violence qui l'entoure. Ses actions ne seront jamais gratuites, elles seront soit pour servir une vengeance, certes personnelle, soit provoquées malgré lui.

Le lecteur fait beaucoup d'aller-retour entre Knockemstiff ou Meade dans l'Ohio et Coal Creek et tout ce petit monde, cinglé ou pas, s'est connu, se connaît ou se connaîtra. Et pas dans les circonstances les plus joviales. Donald Ray Pollock manie une plume âcre, sans concession où les détails les plus scabreux (et superflu?) ne nous sont pas épargnés. Mais j'ai été pour ma part incapable de m'arrêter à ça, parce que voyez-vous, un roman peut-être violent à l'extrême, cru dans les mots qu'il choisi et impitoyable dans les images qu'il suscite tout en nous emportant dans une histoire qui vaut le détour. Alors oui, l'atmosphère est lourde, crade mais elle s'est aussi se faire mélancolique et faire appel à l'empathie du lecteur.

Le Diable, tout le temps est dérangeant par moments, et ça peut le desservir au yeux des âmes habitués aux bons sentiments et autres mièvreries. C'est peut-être aussi ce qui l'empêche de finir sur mon podium pour l'année 2012 (il reste toutefois dans les dix premiers). Mais qui s'aventure dans l'Amérique profonde ne doit pas s'attendre à n'y découvrir que du Mickey Parade. Les formes de folies y sont légion, mais les émotions fortes également. 

Encore une lecture que je ne regrette aucunement, contrairement à un roman (français) que je viens tout juste de terminer et dont je tairai le titre et l'auteur. J'ai vite besoin de quelque chose de plus consistant. Tiens, et s'y j'attaquais le premier roman de Karen Russell, Swamplandia. C'est aussi dans la collection "Terres d'Amérique", qu'est-ce que vous voulez, à défaut de rester dans le même territoire, je suis sûr d'éviter les mauvaises surprises. Je ne fais pas d'articles sur les livres qui ne me plaisent pas. Qui parie qu'il y en aura un sur Swamplandia?

La Diable tout le temps, Donald Ray Pollock, Albin Michel, coll. "Terres d'Amérique", dirigée par Françis Geffard, 22€. Traduit de l'américain par Christophe Mercier.. 

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