Rue Fromentin est un éditeur plutôt récent et le roman semble constituer une part relativement minime dans leur catalogue. Cependant la couverture de L'Abandon attire l'oeil, elle est particulièrement soignée. Bon il est vrai que l'on m'avait déjà mis au jus en ce qui concerne l'histoire, mais lorsque j'ai vu cette illustration de couv pour la première fois, je l'ai trouvée fascinante. J'ai d'ailleurs, quitte à faire un peu chargé, incrusté deux autres versions qui me semblent tout aussi bien en adéquation avec le contenu du roman.
Caroline est une adolescente de treize ans. Depuis quatre ans, elle suit son père en toute confiance. Ce dernier, dont nous ignorerons le nom jusqu'au bout, a décidé de se marginaliser et d'emmener sa fille avec lui pour l'instruire à sa façon. C'est ainsi qu'ils vivent dans la forêt en changeant régulièrement de planque, en s'organisant pour ne pas être retrouvés. Quelques livres, Randy, un petit cheval en plastique dont Caroline ne se sépare jamais, chasse et pêche, un peu de troc avec d'autres marginaux moins discrets, quelques visites en ville pour manger et s'instruire à la bibliothèque, voici la vie qu'ils mènent, une sorte de liberté qu'il faut pourtant défendre en étant paradoxalement toujours sur ses gardes. Car être hors du système n'est pas bien vu, le monde civilisé ne vous veut-il pas pourtant que du bien?
Raconté à la première personne par Caroline, L'Abandon se lit comme un roman d'initiation, avec un mélange de naïveté et de maturité de la part d'une jeune fille attachante. Peter Rock s'est inspiré d'une histoire vraie comme il l'explique dans cette vidéo: http://www.youtube.com/watch?v=A8E5CcZPJ14 (Désolé c'est en anglé!). C'est une démarche qui me rappelle celle de Steve Hogarth, chanteur du groupe Marillion, pour l'écriture de l'album Brave, l'histoire de cette fille muette retrouvée sur un pont, mais pardonnez-moi cette digression. La comparaison avec La Route ne tient donc pas vraiment, nous ne sommes pas dans un cadre post-apocalyptique, et la survie hors d'un système confortable (mais contrôlé) est ici absolument volontaire.
Le père se réclame plus de Ralph Waldo Emerson, Henry David Thoreau ou Jean-Jacques Rousseau ("les écrivains à trois noms", remarque faussement naïve de Caroline, elle est plus perspicace et futée que ces mots le laissent penser) que des théoriciens paranoïaques et fumeux prônant une guerre souterraine et violente avec le gouvernement américain. C'est une vie d'ermite où l'on communie avec la nature, mais où il faut faire attention à qui accorder sa confiance. Caroline apprendra ainsi à ne pas se faire d'amis, même avec cet excentrique qu'elle a nommé Sans-Nom qui semble avoir perdu la boule et se prend pour une bête sauvage.
Au final, même si j'en attendais mieux, L'Abandon est un livre original, plein de tendresse mais aussi de dures déceptions, une vision où l'utopie d'une liberté choisie semble se payer très chère, condamnée moins à être impossible en soi que détruite par des mains incompréhensives ou malveillantes.
L'Abandon, Peter Rock, Rue Fromentin, 16€. Traduit de l'américain par Philippe Aronson.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire