
Alvin Pendergast est un jeune fermier de 19 ans atteint de tuberculose. Sa famille l'a déjà envoyé dans un sanatorium et cette expérience d'un an a laissé de très mauvais souvenirs à Alvin. Sentant une rechute et supposant que les choses ne s'arrangeront pas, il va prendre une décision sur un coup de tête. Alors qu'il assiste à un concours de danse pour se changer un peu les idées, Chester Burke, un inconnu à premier abord sympathique, lui propose de travailler pour lui. Alvin qui préfère s'aventurer dans une situation dont il ignore encore les circonstances plutôt que de retourner au sanatorium, va donc suivre Chester en toute confiance.
Avant de déchanter complètement, il fera la rencontre d'un nain agaçant et mythomane appelé Rascal. Alvin a beaucoup de mal à supporter les élucubrations du nain mais celles-ci restent préférables à ce lourd sentiment de culpabilité qui va plomber son moral. Car Chester est non seulement un escroc mais aussi un assassin sans aucune morale et Alvin se retrouve complice malgré lui. Ces trois compagnons de route vont traverser des patelins du sud des Etats-Unis pendant six mois, virée entachée par la violence de Chester. Cependant, Alvin et Rascal sont très souvent laissés seuls, Chester règlant ses affaires à distance. Ils assistent bien à quelques horreurs et Chester leur délègue quelques sales boulots, mais la plupart du roman voit leur relation évoluer entre attentes, disputes et confessions. Les éléments sombres et dignes d'un thriller laissent le plus souvent la place au mal-être d'Alvin et au comique de Rascal, qui reste tout de même énigmatique jusqu'à la fin.
Mais l'étrangeté du nain le rend extrêmement sympathique et j'ai très souvent été du côté de Rascal lorsqu'Alvin exprimait son irritation envers lui (sa maladie le rend particulièrement bougon). Leur traversée s'achèvera à Icaria dans le Missouri, suite à la demande insistante de Rascal qui voudra absolument assister aux animations du cirque ambulant d'Emmett J. Laswell. Monte Schulz nous offrira dans cette dernière partie une ambiance à la Freaks de Tod Browning. On peut même y trouver une allusion que je laisse découvrir aux amateurs. D'autres clins d'oeil plus ou m
oins explicites seront adressés à papa Schulz.

Non pas à cette série un peu débile sur les bords, j'ai tourné les choses de façon à ce qu'elle vous vienne à l'esprit, mais à Charles M. Schulz, père de Monte et créateur des Peanuts. You know Snoopy, Charlie Brown et compagnie. Et donc voici révélée la troisième raison de mon intérêt initial (c'est-à-dire avant lecture). Aussi superficielle que les deux premières comme je l'ai dit. Sur l'autre rive du Jourdain est très loin de l'esprit des Peanuts. Et pourtant... sans vouloir faire d'analogies trop poussées, Alvin a beaucoup de points communs avec Charlie Brown et on peut interpréter certains détails du roman comme des clins d'oeil, voulus ou pas, de la part du fils. Les connaisseurs remarqueront une référence directe, non discutable mais anachronique (nous sommes en 1929, et les Peanuts ont commencé en 1950). A moins qu'on ne considère intemporelle l'oeuvre du père.
Vous faites ce que voulez, je ne vais pas qualifier ce roman d'incontournable ou d'indispensable, mais il est indubitablement une des meilleures définitions que je puisse donner de ce que j'attends de la littérature. Une dernière chose, c'est le premier volet d'une trilogie et je ne vais certainement pas attendre que Phébus publie les deux autres, The Last Rose of Summer et The Big Town (même s'ils ont l'air très différents et ne pas être de suites directes), avant de me les procurer en langue originale (attendez-vous à en voir des nouvelles). J'irai même jusqu'à acheter This Side of Jordan en plus de sa traduction française, surtout pour la couverture, quitte à être taxé de fétichisme.
Sur l'autre rive du Jourdain, Monte Schulz, Phébus, 21€. Traduit de l'américain par Marie-Odile Fortier-Masek.
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