Je fais toujours exprès de bien marcher dans la boue. Je cherche les tas de boue pour y imprimer mes semelles avant de les claquer dans les flaques d'eau. Je monte même sur les tas de fumier. Ca sert à quoi, sinon, les bottes en caoutchouc? Oui, je suis parisienne. Oui, j'organise mes promenades en fonction de là où je peux salir mes bottes rien que pour le plaisir de constater que mes chaussettes restent bien sèches. On dit bien que la campagne, c'est des plaisirs simples, non? Parce que quand j'étais petite, j'avais lu un roman pour enfant où l'héroïne exprimait un gros chagrin en disant qu'un éléphant s'était assis sur son coeur. Et moi aujourd'hui, c'est un animal beaucoup plus lourd qui s'est vautré sur le mien. Un dinosaure, au moins. Alors j'ai bien le droit de les dégueulasser, mes bottes.
Et je retourne au travail, ce matin. Mon parapluie s'est cassé à cause du vent, le bout de mes chaussettes est tout humide à cause des flaques d'eau. On n'est plus à la campagne. Pas de boue, pas de bottes en caoutchouc. Mais des parapluies qui se cassent et de l'eau dans les chaussettes. Rien ne me met de plus mauvaise humeur que de l'eau dans mes chaussettes. L'eau dans les chaussettes, c'est encore plus désagréable qu'une dispute, qu'un mauvais film, qu'un sac de courses qui se troue, qu'une poignée de main molle. Et j'y ai droit dès que j'arrive au bureau, aux poignées de mains molles dans mes chaussettes mouillées. Une journée qui commence bien.
A contre-jour, Charline Quarré, Les éditions Baudelaire.
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