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lundi 18 avril 2011

Le Jaguar sur les toits de François Arango


Le Jaguar sur les toits m'a gentiment été proposé par les éditions Métailié pour une dédicace à sa sortie. Je n'ai pas fait suite à cause de circonstances qui ne sont pas encore arrivées aux oreilles de tous ceux qui me connaissent. J'ai tenu à faire un article sur ce premier roman policier de François Arango surtout pour m'excuser de ne pas avoir pu répondre favorablement à la suggestion de sa maison d'édition.

Tout commence avec la disparition de Daniel Lombardo Castillo dont la famille recevra finalement un colis qui ne laissera aucun doute sur son sort. C'est Alexandre Gardel, criminologue français qui est appelé pour enquêter. Fort de deux ouvrages sur les serial killers, c'est un personnage qui nous est présenté d'emblée comme crédible. Le sympathique et mystérieux journaliste Diego Arana va l'aiguiller vers une charmante scientifique Catarina Marin et son canadien de collègue, spécialisé dans la civilisation aztèque.

Car le duo Gardel/Marin se lancera à la poursuite du Jaguar, tueur qui aime parsemer son parcours d'énigmes mêlant rituels anciens (si ça vous intéresse particulièrement, Taly vous proposera quelques ouvrages de références: librairie L'Antre-Monde, 142 rue du Chemin Vert, métro Père Lachaise) et poésie mexicaine (quelques pages en italiques nous permettent de suivre le tueur en focalisation interne). Tout au long de leur enquête, ils bénéficieront de l'aide de Rodolpho Suarez, commissaire de police bougon, d'un vieil homme porté sur l'alcool, Warren Grimley et même d'une commandante Magdalena, leader du mouvement zapatiste (pris officiellement pour des boucs émissaires). Leur meilleur piste? Les victimes et les autres personnages troubles qu'ils rencontreront sont tous liés à l'industrie pharmaceutique et à la corruption qui semble y faire loi.

Je suis hélas obligé de pointer les légers défauts de ce roman. Plusieurs clichés apparaissent dès les premiers chapitres et j'espérais que le plus gros d'entre eux ne se concrétise pas vers la fin du roman. C'est pourtant ce qu'il fait et c'était à prévoir, vu les indices qui nous sont livrés de temps en temps. A votre avis qu'arrive-t-il souvent quand un duo est formé d'un homme et d'une femme? Eh oui, chabadabada.

Deuxième point, l'humour est parfois un chouïa ostentatoire, ceci dit on s'y habitue et cela ne va pas jusqu'au lourdingue. On ne peut en vouloir à l'auteur de dynamiser l'intrigue avec quelques traits d'esprit. Si certains sonnent superflus et auraient plus leur place dans un mauvais film d'action, d'autres, plus nombreux, provoquent le sourire et rendent les personnages plus sympathiques.

Et François Arango l'a très bien compris: sans cet humour, beaucoup de lecteurs n'auraient peut-être pas supporté le poids qu'il accorde aux explications, aux références scientifiques et culturelles. Faire preuve d'une documentation solide n'est toutefois pas incompatible avec le ficelage d'un roman policier. L'auteur réussi à mener son intrigue de façon cohérente, les digressions explicatives n'ayant d'autre but que de servir l'intrigue et la faire avancer. Certes, les ficelles sont belles et bien visibles (notes de bas de pages, références bibliographiques bien placées...), mais elles sont bien excusables face à la crédibilité en béton qu'elles fournissent.

Un coup d'oeil aux lignes biographiques en quatrième de couverture suffit à comprendre que la volonté principale d'Arango était de fondre ses connaissances et ses passions en un package divertissant. Toute l'action se déroule au Mexique et le vécu d'Arango est très perceptible, jusqu'à l'ambiance du pays, très bien rendue par l'évocation de nombreux détails culturels.

Thriller bien écrit, Le Jaguar sur les toits est donc un premier effort estimable et honnête que quelques travers mineurs n'arrivent pas à affaiblir de manière dommageable. Par exemple les dialogues et la consistance des personnages sont encore perfectibles. Cependant, on trouve bien pire, et pas forcément dans la catégorie premier roman. Je m'avancerais même à dire que François Arango s'annonce comme un auteur à prendre au sérieux. On décèle un potentiel littéraire qu'un peu de bouteille pourrait perfectionner. Donc, si ce n'est pas juste un projet ponctuel et sans forcément faire suite au Jaguar sur les toits (à mon humble avis, j'espère que Gardel et Marin ne seront pas récurrents), dans l'attente d'un prochain roman...


Le Jaguar sur les toits, François Arango, 370 p., Métailié, coll. "Noir", 19€. Merci à Lise Détrigne.

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