De romancier, Stewart O’Nan est en passe de devenir une sorte d’entomologiste de la société américaine. Celle des villes et des classes moyennes, des bowlings, des Wall-mart et des drive-inn, de ce midwest assimilable à l’Amérique profonde (amateurs de séries, cher Gilmoutsky, lorgnez du côté de Friday Night Lights). Ses récits se délestent peu à peu de toute intrigue ou artifice romanesque trop évident, pour n’en plus sonder, à mots couverts et dans une revue de détail de l’infime quotidien, que les creux.
Je ne saurais dire si Chanson pour l’absente est l’aboutissement ou le début de cette démarche dont quelques signes figurent déjà dans Nos plus beaux souvenirs et dans une moindre mesure Le pays des ténèbres, ses romans précédents. Huitième traduit, tous chez l’Olivier, celui-ci dévoile également, de manière plus ostensible encore, un thème qui, je m’en rends compte à présent, irradie toute l’oeuvre d’O’Nan : celui de la famille, valeur si centrale dans la culture nord-américaine.
Kim disparaît l’été de ses dix-huit ans. C’est l’été qui précède l’envol, le départ pour la fac et la fin d’une enfance balisée. Sa voiture est retrouvée quelques jours plus tard. Aucun indice. Fugue ? Enlèvement ? Les forces de police dans l’expectative, les recherches s’organisent cependant, sous la houlette d’un père que l’inaction déstabilise par trop, tandis que la mère se découvre des talents inédits pour mobiliser les médias, lancer les appels à témoin ou collecter les fonds nécessaires aux recherches. Passées de menues découvertes sur quelque vice caché de la jeune fille (un peu de drogues et de sexe clandestin, pas de quoi fouetter une Laura Palmer), avec l’enquête qui piétine, et les médias qui peu à peu refluent, vient le temps de l’attente.
Tout au long de ce long mouvement, la tectonique familiale est à l’œuvre qui redéfinit peu à peu les rôles et les figent de nouveau. Seul échoit à la petite sœur longtemps resté en retrait, ou dans l’ombre, et à présent cantonnée dans un rôle de spectatrice, l’opportunité douloureuse de se construire ou de se réinventer. Et l’on ne sait au fond si c’est la vie qui reprend, ou si seulement elle a jamais commencé tant, de l’espérance qui perdure tout en se transmuant jusqu’à une délivrance qui presque tait son nom, la disparition de cette adolescente sans histoire fait à la fois figure d’acte fondateur et d’épiphénomène dans la vie d’une famille lambda au sein de cette Amérique lambda.
Je dois dire que j’ai été déçu de prime abord par ce nouveau roman d’un auteur que je suis depuis plus d’une décennie et que je continue à considérer comme l’un des plus talentueux, outre-atlantique, de sa génération (pour ce que j’en connais !). Avec le recul, et en particulier en m’y replongeant mentalement pour écrire ce billet, je peux aussi avouer que cette Chanson pour l’absente sait se faire au final plus intrusive et lancinante qu’elle n’y paraît.
De déçu, je n'en suis plus que dérouté. Je signe pour le suivant !
Chanson pour l’absente, Stewart O’Nan, Editions de l’Olivier 2010, 384 pages, 23 euros. Traduit de l’américain par Jean Lineker.
Je ne saurais dire si Chanson pour l’absente est l’aboutissement ou le début de cette démarche dont quelques signes figurent déjà dans Nos plus beaux souvenirs et dans une moindre mesure Le pays des ténèbres, ses romans précédents. Huitième traduit, tous chez l’Olivier, celui-ci dévoile également, de manière plus ostensible encore, un thème qui, je m’en rends compte à présent, irradie toute l’oeuvre d’O’Nan : celui de la famille, valeur si centrale dans la culture nord-américaine.
Kim disparaît l’été de ses dix-huit ans. C’est l’été qui précède l’envol, le départ pour la fac et la fin d’une enfance balisée. Sa voiture est retrouvée quelques jours plus tard. Aucun indice. Fugue ? Enlèvement ? Les forces de police dans l’expectative, les recherches s’organisent cependant, sous la houlette d’un père que l’inaction déstabilise par trop, tandis que la mère se découvre des talents inédits pour mobiliser les médias, lancer les appels à témoin ou collecter les fonds nécessaires aux recherches. Passées de menues découvertes sur quelque vice caché de la jeune fille (un peu de drogues et de sexe clandestin, pas de quoi fouetter une Laura Palmer), avec l’enquête qui piétine, et les médias qui peu à peu refluent, vient le temps de l’attente.
Tout au long de ce long mouvement, la tectonique familiale est à l’œuvre qui redéfinit peu à peu les rôles et les figent de nouveau. Seul échoit à la petite sœur longtemps resté en retrait, ou dans l’ombre, et à présent cantonnée dans un rôle de spectatrice, l’opportunité douloureuse de se construire ou de se réinventer. Et l’on ne sait au fond si c’est la vie qui reprend, ou si seulement elle a jamais commencé tant, de l’espérance qui perdure tout en se transmuant jusqu’à une délivrance qui presque tait son nom, la disparition de cette adolescente sans histoire fait à la fois figure d’acte fondateur et d’épiphénomène dans la vie d’une famille lambda au sein de cette Amérique lambda.
Je dois dire que j’ai été déçu de prime abord par ce nouveau roman d’un auteur que je suis depuis plus d’une décennie et que je continue à considérer comme l’un des plus talentueux, outre-atlantique, de sa génération (pour ce que j’en connais !). Avec le recul, et en particulier en m’y replongeant mentalement pour écrire ce billet, je peux aussi avouer que cette Chanson pour l’absente sait se faire au final plus intrusive et lancinante qu’elle n’y paraît.
De déçu, je n'en suis plus que dérouté. Je signe pour le suivant !
Chanson pour l’absente, Stewart O’Nan, Editions de l’Olivier 2010, 384 pages, 23 euros. Traduit de l’américain par Jean Lineker.
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