« Elle est morte, pour treize raisons. Tu es l’une d’elle. ».
Ces deux petites phrases situées sur la première de couverture accrochent le regard et interpellent.
En rentrant chez lui, Clay Jensen, lycéen américain, trouve un colis lui étant destiné. Il l’ouvre et il y découvre sept cassettes audio. Perplexe, il écoute la première cassette et entend une voix féminine. Cette voix appartient, ou plutôt appartenait à Hannah Baker, une autre lycéenne, qui s’est suicidée deux semaines plus tôt. Elle dit avoir enregistré ces sept cassettes pour expliquer son geste. Mais pas à n’importe qui. Elle a créé une liste de personnes qui ont joué un rôle dans sa décision d’en finir avec la vie, chacune d’entre-elles ayant une face de cassette lui étant consacrée. Seules ces personnes, directement concernées, pourront entendre le récit d’Hannah. Nous suivons donc Clay Jensen au fur et à mesure de son écoute. Nous entendons ses réactions, pendant sa découverte de la vie d’Hannah. Son arrivée dans une nouvelle ville, ses peurs, ces déceptions. Premier baiser et trahison. Nous le suivons à travers la ville, dans les lieux qui ont été des décors des évènements qui ont conduit au geste de la jeune fille. Et comme lui, nous attendons avec appréhension d’écouter la face de cassette qui lui est consacrée, afin de découvrir en quoi il est impliqué dans cette histoire, ce qu’il a bien pu faire envers Hannah pour qu’elle mette fin à ses jours.
Un roman captivant et tristement juste, qui met en lumière l'effet boule de neige qui a conduit Hannah au suicide. Car non, il ne s’est pas produit de gros évènement majeur ayant irrémédiablement et radicalement bouleversé la vie de la jeune fille. Non, c’est bien plus insidieux que cela. Une rumeur par ici, un geste malheureux par là…tout un ensemble de petits faits d’apparence anodine, auxquels personne ne prête attention, peuvent anéantir une personne, déclenchant un effroyable effet boule de neige. Car bien sûr, personne ne se sent directement concerné par le suicide d’Hannah, inconscient d’ avoir joué un rôle précis dans cette mort. Car il n’y a pas de coupable, juste un enchainement de faits, qui, imbriqués les uns dans les autres, ont entrainé des conséquences tragiques. Chaque protagoniste est un élément d'un engrenage, et le suicide d’Hannah est la conséquence directe d’une multitude de petits détails qui forment un ensemble. C’est dérangeant et terriblement juste, et l’on en vient à se remettre soi-même en question…Ai-je déjà contribué malgré moi à ce genre d’effet papillon, par un geste, une parole, ou au contraire, par quelque chose que j’aurais dû faire?
Hannah, par le biais de ses cassettes accuse directement, met chacun devant ses responsabilités, expliquant en quoi une personne a joué un rôle dans sa dégringolade. C’est d’autant plus triste qu’au moment ou la personne le découvre, il est trop tard pour intervenir. Aucun retour en arrière n’est possible, et l’on suit Clay dans ses remords, ses regrets de n’avoir pas vu les signes visibles qu’Hannah avait laissé transparaitre qui pouvaient laisser deviner ce qu’elle s’apprêtait à commettre, mais qu’il n’a pas vu. Car on n’ouvre jamais vraiment les yeux, n’est ce pas ?
Cependant, je n’ai pas vraiment réussi à cerner le personnage d’Hannah, malgré le récit de sa vie et l’explication de son geste. Le fait de la découvrir au travers d’un autre personnage, et surtout par le biais d’un enregistrement audio a formé comme un barrage entre elle et moi, m’empêchant d’apprendre à la connaître directement. D’autant plus qu’on en sait finalement très peu sur elle. Au contraire, par la forme de narration à la première personne on entre directement dans l’esprit de Clay, et c’est lui, davantage qu’Hannah, qu’on est amené à découvrir. Et en lisant ses réflexions, rapportées à la première personne, je pense qu’on est amené à se questionner soi-même. J’ai perçu le récit et la mort d’Hannah comme un avertissement, une occasion de réfléchir à l’impact qu’on peut avoir sur l’existence des personnes qui nous entourent.
A lire absolument.
Treize raisons – Jay Asher – Albin Michel – Coll. Wiz – Mars 2010 – 13,50€
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