"Rana Toad", ça se mange?

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lundi 17 mai 2010

Tout espoir de fuite était vain désormais. Le pick-up en flammes bondissait dans le champ, poursuivi par une traînée d'essence et de feu qu'il lui était impossible de distancer. Le pick-up explosa. Par les vitres de la cabine on pouvait voir les corps se tordant das la fournaise. Dehors dans l'obscurité, des silhouettes agitées se rassemblaient au limites de la lumière. Alors que le feu se calmait, elles se massèrent devant les portes brûlantes. Passant les bras à l'intérieur, elles agrippèrent la viande de leurs doigts nus. Dans la bagarre, des intestins se répandirent par terre, flasques et brillants. Un homme croqua dans un cœur, une femme accroupie derrière un arbre rongeait la chair carbonisée d'un bras.
Quelqu'un dit:
-Oh là là!
Il y eut des murmures étonnés, des ricanements hystériques, des cris de plaisir.
-Garde-moi un sein! lança quelqu'un d'autre.
La chapelle résonnait de rires électriques.
Un des hommes était resté à l'extérieur de la ferme. Il frappait des deux poings sur la porte bouclée. Des visages déformés se tournèrent en direction de ses cris.
-Oh oh!
-Enfonce-leur la torche dans les yeux!
-Balance-leur un coup de pied dans les couilles!
Une femme hurla. Des bras plongeaient à travers les murs.
Simon se pencha en avant.
-Est-ce que c'est légal de nous passer ce film?

Laissant la main de Wendell enroulée autour de la sienne, il s'étendit près de lui et plongea son regard dans ces yeux grands ouverts, ces yeux maintenant impassibles et immobiles comme des objectifs de caméra. Il remarqua que les iris étaient verts. Pourquoi n'avait-il jamais vu cela auparavant? Désormais, il ne voulait plus rien rater. Il se pencha plus près. Oui, c'était toujours les yeux de Wendell, c'était le visage de Wendell, mais Wendell n'était plus là. Quelque chose d'autre occupait sa combinaison spatiale. Sur la surface froide de ses yeux plats et durs comme ceux d'un poisson tout ce qu'il pouvait voir étaient les lueurs et les formes frénétiques de la folie du monde autour de lui et son propre reflet affaibli, lui-même en train de regarder dans ce qu'il serait lorsque lui et toute cette planète pleine de hurlements auraient été aspirés dans les pupilles sans fond de ces yeux et pétrifés à tout jamais. Qu'est-ce que Wendell avait vu à cet instant-là? Que voyait-il maintenant?

Méditations en vert, Stephen Wright, Gallmeister, coll. "Americana". Traduit de l'américain par François Happe.

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