D'un côté, le fonds spécialisé de nouvelles noires et francophones de la médiathèque de l'Ic, à Pordic, dans les Côtes d'Armor est aussi appelé, pour faire court, La Noiraude. On y trouve 5550 nouvelles (ça fait rêver), des revues spécialisées ainsi que des manuscrits. De l'autre, l'association "La Fureur du Noir" de Lamballe (dans le même coin). Ces deux entités organisent tous les ans, à l'occasion du festival "Noir sur la ville", un concours de nouvelles ayant pour objectif de débusquer de nouveaux talents. Le résultat, une anthologie à thème (cinq auteurs "amateurs" et cinq confirmés) publiée par Terre de Brume et sa collection "Granit Noir" (les deux premières, en 2001 et 2002 l'étaient par Baleine).
Les nouvelles de Tout le monde descend! ont pour dénominateur commun le train. La préface de Frédéric et Denis Flageul rappelle à quel point le genre policier/noir est lié à ce moyen de transport mais je vais arrêter de paraphraser et donner mes impressions sur les histoires.
Abdel-Hafed Benotman nous présente dans "Parano-Rail" un vendeur de sandwich à la verve fleurie. Il s'attache à repérer toute menace potentielle non sans délit de sale gueule. Il s'en prendra personnellement à un usager, ancien taulard devenu écrivain. Le récit prend une autre saveur quand on lit la petite biographie de l'auteur en fin de parcours. Un monologue grinçant à l'humour maîtrisé.
"Le Dernier des Dalton" de Dominique Chappey prend un tournant plus social. Dans le cadre d'un atelier de réparation, une amitié entre collègue brisée par un contremaître qui pratique le harcèlement moral. Des lignes à déguster comme... un plat qui se mange froid.
Licencié, le personnage de "Vogue ma galère" (Martine Chesnel), passe son temps à la gare (avec sa "valise alibi") en ramassant journaux et revues délaissés. Il aime particulièement finir les mots croisés. Mais un anonyme a fini par le repérer et lui laisse des messages amicaux.
Un personnage différent mais qui a aussi sa routine quotidienne, Bolek, le SDF de Joêl Stamm ("Le Signe"). Un individu que les voyageurs croiront volontiers maboul, mais le lecteur, entraîné dans un progressif retour en arrière biographique, ne pourra que nuancer son jugement.
Laurent Martin nous propose dans "Train de nuit" une triangle classique avec le trio mari/femme/amant. D'une efficacité certaine.
Dans "La Mouche", Pascal Millet nous raconte la dernière partie d'un braquage raté où le survivant rencontre deux jeunes frères. Ton nerveux et problème mathématique insoluble collabore pour en faire un très bon récit.
"N'oubliez pas de composter votre mort" de Jean-Paul Nozière ne manque pas d'originalité même s'il est question d'un serial-killer. Une bonne idée gâchée selon moi par l'apparition, vers le dénouement, d'un journal intime qui n'apporte que redondance à une histoire qui aurait eu un meilleur d'impact avec plus d'implicite. Loin de moi l'idée faire la leçon à cet auteur confirmé, c'est juste un des rares bémol que j'ai relevé dans cette anthologie.
L'insomniaque chroniqueur de Serge Reynaud ("La Tête au carré") est un amateur de train à l'ouïe très affiné. Alors forcément, quand il y a un viol dans le souterrain de la gare, de sa chambre d'hôtel il a entendu et sait reconnaître la démarche du coupable. Mais est-ce une preuve suffisante pour les flics?
Un pur régal d'humour noir, "Le Train de 6H06" (Axel Sénéquier), met en scène Jean-Luc, un garde-barrière qui règle les problème de Castelnaudary de façon particulière. Mais Lucien, un jeune journaliste de L'Express, parti enquêter dans cette gare "performante" en matière de suicides, vous en parlera mieux que moi. Sa confrontation finale avec Jean-Luc, est un peu pimentée à la sauce Saw, allusion volontaire ou non, je ne m'en plaindrai pas.
"Le retardataire" de Lalie Walker se détache un peu des autres en ne donnant aucune donnée spatio-temporelle. Anticipation ou monde parallèle, aucune réponse à ça, juste un ancien libraire qui court (non sans avoir choisi difficilement ses trois meilleurs livres) comme les milliers de ses contemporains pour choper une place dans le tout dernier train, toute dernière chance de s'échapper de cette ville étouffante.
Une onzième nouvelle est exceptionnellement ajoutée au sommaire, en forme d'hommage à Patrick Pommier (1956-2009), référence de la nouvelle policière publiée dans de nombreuses revues et lauréat des deux premières éditions du concours La Noiraude/La Fureur du Noir. Le récit d'un braqueur trop porté sur les chiffres nous est ainsi livré et c'est un bel hommage qui me permettra, un peu trop tard, de chercher à lire cet auteur dans l'avenir.
Dans le panneau, l'anthologie de l'année 2008, m'avait déjà fait de l'œil, mais malheureusement... En tout cas, Tout le monde descend! me donne sérieusement envie de lire les huit fournées précédentes.
Tout le monde descend!, Terre de Brume, coll. "Granit Noir", 10,50€. Coordonné par Frédéric Prilleux.
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