"Rana Toad", ça se mange?

Nous sommes libraires de divers horizons, bibliovoraces friands de découvertes, ici pour partager!

dimanche 9 août 2009

My life has no rhythm: Dead Boys de Richard Lange

La collection "Terres d'Ameriques" d'Albin Michel présente très régulièrement des recueils de nouvelles au public français. Malheureusement il semble y avoir en France une réticence flagrante envers cette forme littéraire. Depuis Edgar Allan poe, la nouvelle est considérée sacrée outre-Atlantique, elle est un premier pas initiatique dans les ateliers d'écriture et certains auteurs se sont fait un nom en n'écrivant aucun roman. C'est tout un savoir-faire de pouvoir créer en seulement quelques pages une histoire auto-suffisante. Trêve de considérations rabâchées, le recueil de Richard Lange mérite mieux comme introduction.

Dead Boys est un album de free jazz ou chaque morceau a déjà commencé, des tranches de destinées erratiques où chaque personnage continue à avancer, malgré les faux départs, fausses notes et douloureux couacs. Réalités urbaines, imprégnées d'une molle combativité forcée, avec leur lot de séparations, de rassemblements masculins autour d'un verre, de désillusions, de petits rayons de clarté imprévus, de drames et ruminations. On y recolle les morceaux comme on peut, les doutes permettant, après tout, de s'accrocher.

"Perdu de vue" ou la rencontre de deux demi-frères d'un père trop vite étouffé par les responsabilités, décrit le subtil rapport de force en sourdine entre le squatter Karl, ancien taulard dont les petites aventures (dont un bouleversant conte de Noël) s'insèrent à la manière d'interludes dans la nouvelle et Spencer, père de famille un peu kleptomane, spectateur et acteur des fissures quotidiennes.
"Lutte Anti-vol" et son petit boulot occasionnel dans cette supérette conseillé par Jim, un pote ancien junkie reconverti en philosophie zen. Journées médiocrement remplies de musique en boucle diffusée dans les rayons à surveiller. Le genre d'endroit facilement repérable pour des ados qui veulent franchir un palier dans la délinquance.
Une mention particulière pour "L'amour m'a donné des ailes" et son personnage brisé, harcelé par la culpabilité, distordue en rancoeur posthume, celle de sa femme. Petite peinture tragico-comique avec sa drogue, son racisme, ses petits dérapages et ses absurdités.
Dommage que l'utilisation exclusive de la première personne, au masculin, rend la lecture de ce recueil un peu trop homogène et facilite la confusion du lecteur qui peut finir par confondre les protagonistes et événements des différentes nouvelles.
Jamais ostensiblement sordides ou gratuitement violentes, les nouvelles de Dead Boys s'inspirent des circonstances parfois cruelles, auxquelles la vie exige de survivre.

Dead Boys, Richard Lange, Albin Michel, coll. "Terres d'Amérique", 20€. Traduit de l'américain par Cécile Deniard.

Aucun commentaire: