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jeudi 27 août 2009

I've grown accoustomed to her face : Le monde des mafias - géopolitique du crime organisé de J.F. Gayraud

Pour une géopolitique du crime organisé ou une approche géopolitique du crime organisé eut sans doute mieux convenu comme sous-titre à cet ouvrage au demeurant très instructif. Non que son auteur, Commissaire de police et universitaire, ait tant failli dans sa tentative d'aborder sous un angle systémique l'univers des mafias, mais plutôt car le panorama mondial qu'il livre du crime organisé se concentre, en dépit de l'objectif affiché, en grande partie sur les mafias d'origine italienne (Cosa Nostra sicilienne et américaine ; Camorra dans une moindre mesure). La faute sans doute à une proximité culturelle plus évidente (comparée notamment aux Triades chinoises et aux Yakusa japonais) et à une documentation probablement plus importante les concernant.
Mais trêve de pinailleries, car cet ouvrage, à la fois bien documenté et bien "corseté" méthodologiquement demeure en de nombreux points passionnant. Ignorant à dessein le folklore dont cinéma et télé nous ont abreuvé depuis les années 30, et illustrant avec moults précautions ses analyses par des anecdotes et les témoignages plus ou moins auto-glorifiant, plus ou moins fallacieux, de mafieux repentis ou en activité, JF Gayraud examine en effet sous des angles multiples les modes opératoires et les conditions historiques, politiques et sociales, de naissance et d'expansion d'entités criminelles qui constituent selon lui, sans doute à juste titre, une des menaces majeures du siècle à venir.

Distinguant scrupuleusement, sur la base de caractéristiques partagées, les mafias des autres structures (cartels colombiens, gangs russes,...) qui constituent avec elles la nébuleuse mondiale du crime (sans présager d'évolutions à venir, il convoque un G9 incluant outre celles citées, les mafias calabraises, pugliese, turque et albanaise), il explore et explicite en particulier les facteurs décisifs qui contribuent à cette symbiose singulière et menaçante entre organismes délibérément parasites et leurs hôtes plus ou moins passifs : les sociétés modernes. Un modus vivendi dont on apprend, par exemple, au détour d'un chapitre intitulé les alliances dangereuses, qu'il a pu servir d'outil politique de reconquête contre les fascistes en Sicile ou, plus proche de nous et plus inquiétant encore, du droit des peuples à disposer d'eux-même (au Kosovo, à la fin des années 90), et qui surtout, conclut l'auteur, sera très "logiquement" amené à se propager, à l'avenir, au sein d'un monde global, obnubilé par l'argent et débarrassé, pour le meilleur et pour le pire, des idéologies. Nous voilà loin des Sopranos.

Odile Jacob poches, 447 pages, 10,50€

1 commentaire:

Gilmoutsky a dit…

Merci car le blog a besoin d'encore plus de livres non littéraires.