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mardi 5 mai 2009

I Wanna Be Somebody: Quand je serai roi de Enrique Serna


Le Salon du Livre est terminé depuis longtemps mais ce n'est pas une raison pour ne pas continuer à lire des auteurs mexicains. Surtout Enrique Serna. La Peur des bêtes (Phebus puis Points), où l'auteur se servait habilement du polar pour égratigner joyeusement le milieu littéraire de son pays, m'avait laissé une très bonne impression. Je vous ai aussi fait part de la nouvelle parue dans Des Nouvelles du Mexique (Métailié). A la lecture de Quand je serai roi, nous ne pouvons qu'espérer trouver, dans un futur proche, d'autres traductions de ses ouvrages parus en espagnol.

La ligne directrice du roman est un concours radio, Quo melius illac ("A qui cherche le meilleur"), lancé par la très populaire mais pas très propre Radio Familiale. Destiné à récompenser un enfant-héros d'un million de pesos et d'une visite au Vatican pour être reçu par la Pape lui-même (Jean-Paul II, puisque le livre date de 2000), ce concours se trouve être orchestré par des hypocrites cyniques et très peu versés dans l'altruisme. Mais il sera aussi l'occasion pour le petit peuple de se montrer cupide, prêt à tous les mensonges et autres imprudences.

D'un chapitre à l'autre, les personnages sont chacun leur tour décortiqués, leur portrait psychologique très fouillé et étoffé par les événements auxquels ils sont confrontés. Commençons par Jorge Osuna dit Le Nopal, gamin des rues de douze ans qui traîne avec sa bande sniffant de la colle (celle qui a d'autres effets que l'odeur de la colle UHU si propice à nous rappeler nos années scolaires), et qui s'adonne à d'autres divertissements auxquels, à sa grande frustration, il n'est encore physiquement pas prêt. Marcos Valladares, grand patron de Radio Familiale, dont les déboires mondains (galas où il se sent forcé de se montrer) et familiaux (son fils gâté et zozottant de treize ans notamment) ont la teneur d'une parodique odyssée intérieure. D'autres personnages nous seront aussi présentés avec le même esprit corrosif: Bambi Rivera et Homero Freeman, imbus d'eux-même, parties du jury et porte-parole du concours; Javier Barragan, employé de Radio Familiale, qui s'auto-flagelle pour renier quotidiennement, et ce depuis des années, ses idéaux révolutionnaires en se rendant complice de la supercherie; et Damian, compagnon de Carmen (mère du Nopal) mais ennemi juré de Jorge, employé sordide du cinéma de quartier.

Il est également important de signaler les techniques narratives originales avec lesquelles Serna jongle dans l'allégresse. Dialogues croisés, chapitre en forme de scénario, délires hallucinatoires, monologue enregistré sur cassette et surtout une des scènes finales racontée comme si elle était visionnée en marche arrière.

Quand je serai roi, traits grossis par l'auteur ou non, nous dévoile une peinture acide et sans complaisance d'un Mexique sous le soleil qui ne chante pas vraiment.


Quand je serai roi, Enrique Serna, Métailié, 18€. Traduit de l'espagnol (Mexique) par François Gaudry.

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