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samedi 11 avril 2009

More Of That Jazz: Swing de Jean-Yves Chaperon


Premier roman d'un journaliste, animateur sur RTL (en tout cas il y a un an et demi, la succinte bio de la quatrième de couverture date d'octobre 2007), Swing est un de ces romans que j'ai répéré à un moment et que je n'ai lu que plusieurs mois (voire années) après, le temps d'assister à la sortie poche et de me dire, ah oui, il faut que je le lises celui-là! Noté dans une liste très floue dans les méandres de ma mémoire, il a heureusement échappé à l'oubli.

Le début, fort énigmatique, sans repère temporel, est à la première personne, une vieille femme sur un fauteuil d'osier, parle d'un drame et de blessures. Puis nous voici en 2003, lors d'une exposition sur un peintre obscur, Joseph Gaignault. Onze de ses toiles, exécutées entre 1912 et 1914, sont suffisamment novatrices pour avoir attiré l'oeil des amateurs d'art. Mais le pivot de cette histoire est la douzième toile retrouvée par hasard dans un grenier américain, avec une mention troublante: "Joseph Gaignault n'est pas un peintre". Est-ce une confession? Une dénonciation? Un jeu dadaïste?

Le lecteur va alors remonter le temps (non, c'est un procédé littéraire, enfin, c'est quoi cette jeunesse qui ne lit plus que de la science-fiction!), passer brièvement par mai 1968, par d'autres barricades que celles que l'on connaît, celles de l'esprit de cette vieille femme, internée depuis des décennies dans la Maison des Lys. "Jugée irresponsable de ses actes" à son arrestation, elle est restée muette depuis et elle présente donc ainsi un deuxième mystère, lié au premier, bien sûr. Mais la téléportation temporelle (façon de parler, hein?, ce n'est pas encore accessible à la science actuelle, on est bien d'accord?) continue et la longue élucidation des deux mystères impliquera un voyage entre 1903 et 1922.

Ce début de siècle si important pour l'intrigue est aussi prétexte à l'auteur d'utiliser, parmi des personnages fictionnels, des figures artistisques et sportives légendaires, dans le désordre le plus arbitraire: Jack London, Sidney Bechet, Willie "The Lion" Smith, Jack Johnson et Enrico Caruso. Les deux derniers ayant des rôles prépondérant, autant que les personnages de fiction que sont, entre autres, Tim Nash, noir américain ambitieux et débrouillard (aussi attachant qu'un personnage de Mark Twain), André Levain et Joseph Gaignault, deux amis trompettistes destinés à la guerre de 1914. Tous sont une pièce du puzzle, mais pour vous donner encore plus envie, je citerai notre vieille femme dans son fauteuil en osier: "D'ailleurs, dans cette histoire, qui connaît la vérité en entier? Les morts et les vivants n'en ont qu'un morceau chacun..."

Un roman très musical et d'une subtilité appréciable qui impose certaines nuances de jugement. Un peu plus de ce genre de roman et je ne penserai plus à maugréer contre certains auteurs nombrilistes et creux qui, à force de prendre trop de place dans le paysage culturel, me pousse à entretenir des a priori et autres idées fausses sur la littérature française actuelle.

Swing, Jean-Yves Chaperon, J'ai Lu, 6,70€.

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