"Rana Toad", ça se mange?

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mardi 10 mars 2009

Too late to re-stage the play/The game is over

J'ai oublié tout cela pendant longtemps, arpentant des lieux comme celui-ci où tu n'as pas ta place, échangeant des regards désenchantés avec des inconnus, méprisant mon incapacité à résorber les distances et passant des heures entières à contempler un fossé toujours plus large se creuser, pelletées après pelletées, entre ma vie et ce qu'elle aurait pu être.

"Belle de jour", in Les Grands espaces, Fabien Pichon, L'Harmattan.

L'intense excitation brusquement dissipée, Malaparte, tout en reprenant son souffle, se rendit compte qu'il était complètement trempé. Ses chaussures et le bas de son pantalon étaient maculés d'une boue jaunâtre, son manteau pesait quelques kilos de plus sur ses épaules, et tout cela n'était presque rien à côté de son état de dislocation intérieur. Sous les huées silencieuses d'une foule de passants dont il sentit les regards instantanément converger vers lui, son corps ne lui parut plus qu'un misérable théâtre de papier mâché planté là, à la sauvette, par quelque mauvais farceur. Un théâtre à l'intérieur duquel un illusionniste sans talent et sans âme foirait misérablement tour après tour, paradant malgré tout, un sourire pathétique aux lèvres, victime de ses propres illusions. Dans la pénombre de ce décor intime délabré, sous l'éclairage souffreteux de sa conscience, se jouait la comédie de sa propre désolation, si familière, si réconfortante même, qu'il ne put s'empêcher d'éclater de rire, un rire saccadé, étouffé, une quinte de toux, l'expression même de la folie.

Il contemplait Nicole dont les fantômes protéiformes peuplaient de leurs silences les pages de son carnet, et dont aucun finalement ne ressemblait peu ou prou à celle qu'il avait devant lui. Son absence avait modelé d'elle-même des clones facétieux et inachevés, des altérations de déesses, des anomalies.

"Rechute", in Les Grands espaces, Fabien Pichon, L'Harmattan.

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